Après plus de 67 ans, la barque solaire du roi Chéops quitte son musée situé au pied de la grande pyramide de Guiza pour retrouver sa dernière demeure au Nouveau Grand Musée égyptien (GEM), dont l’ouverture est prévue prochainement. « Le processus du transfert est intervenu après l’approbation du Comité permanent des antiquités égyptiennes, conformément à la loi de protection des antiquités, afin de préserver la barque dans un endroit sain, moderne et bien équipé », a déclaré Moustapha Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA), ajoutant que les préparations de ce transfert ont duré près d’un an et que le musée de la barque solaire a fermé ses portes aux visiteurs depuis août 2020. Le vrai défi était de trouver le meilleur moyen pour ce transport. « Après de longues discussions avec les experts en antiquités et en ingénierie, on s’est mis d’accord à transporter la barque telle qu’elle est, et de faire une nouvelle galerie au GEM au fond de la grande cour du musée », a déclaré le général de l’Organisme d’ingénierie de l’armée égyptienne, Atef Moftah, superviseur général du projet du GEM. Selon lui, le processus de transfert est un projet d’ingénierie archéologique complexe et unique. « On n’a rien laissé au hasard », dit-il, ajoutant que dès les premières étapes des travaux de sauvetage et de restauration, les préparatifs des moyens de protection et de transport ont commencé. Ainsi, une structure métallique a été forgée pour entourer la barque après avoir détaché les cinq paires de rames ainsi que la cabine se trouvant au-dessus. « Vu l’ancienneté de la barque et la fragilité du bois de cèdre avec lequel elle est fabriquée, l’emballage, la consolidation et la stérilisation suite à la documentation de toutes les parties ont été finement contrôlés sous les moyens technologiques modernes », retrace Eissa Zidan, directeur exécutif de la restauration et du transfert des pièces antiques au GEM. Il souligne que la barque a également été nettoyée mécaniquement en renforçant les parties faibles de son corps et des appareils de mesure de température et d’humidité l’ont accompagnée depuis son emballage et son emplacement dans une caisse en bois et durant tout le trajet jusqu’à son arrivée au GEM.
Une préparation minutieuse
Sarens est la marque du véhicule spécialement commandé et importé de Belgique pour accomplir cette tâche. « C’est une compagnie internationale chargée de transporter de lourds objets. Ce véhicule opère automatiquement et a la capacité d’absorber toutes sortes de vibrations dans les routes », explique Moftah, qui indique que le transfert a commencé après avoir testé, avec les mêmes poids, la performance du véhicule, la stabilité du châssis et l’inclinaison de la route, pour s’assurer que le bateau arrive en toute sécurité. Le circuit qui ne dépasse pas les 7 km a duré, à lui seul, presque 10 heures de temps pour arriver à l’aube du samedi 7 août au GEM. « On a réussi le jeudi d’avant à faire sortir la barque de son musée et la placer sur le véhicule déjà préparé, couvert d’une caisse noire décorée des deux côtés d’une photo représentant la barque de Chéops. Toutes les routes ont été fermées, bien sécurisées par la police, et toutes les autorités du CSA ainsi que ceux du GEM ont accompagné le véhicule à pied », explique le secrétaire général de CSA. Avec une vitesse de 20 km/h, le véhicule autonome a traversé les rues de Guiza et a terminé son long voyage au sein du GEM où des tracteurs spécialisés ont sorti la structure intérieure conservant la barque pour la placer dans sa demeure finale où elle sera exposée. « Une fois la barque installée, l’équipe de restaurateurs du GEM s’est assurée de son état », dit Al-Tayeb Abbas, ministre adjoint du Tourisme et des Antiquités pour les affaires archéologiques au GEM, expliquant que la barque ne quittera ni la caisse métallique qui l’entoure, ni le coffret supérieur en bois qu’après la fin des travaux de construction de sa galerie spéciale.
A savoir que cette barque sera exposée avec la deuxième barque du roi Chéops découverte il y a une dizaine d’années. « Les deux barques de Chéops trouveront enfin un environnement approprié et convenable où elles seront bien surveillées et conservées au GEM », renchérit Moftah.
Toute une histoire
La barque solaire de Chéops, la plus ancienne jamais découverte, a été mise à jour dans les années 1950. Elle est trouvée enterrée et démontée dans une grande fosse dans le côté sud de la grande pyramide. « C’est le journaliste et égyptologue Kamal Al-Malakh, sous la supervision de l’archéologue Mohamad Zaki Noureddine et d’autres, qui ont fait sortir 1 224 planches en bois de Cèdre placées soigneusement en 13 couches, ainsi que les cordes et les parties de la cabine », raconte Maysara Abdallah Hussein, professeur à la faculté des antiquités à l’Université du Caire, rendant hommage à tous les archéologues et ouvriers qui ont découvert cette barque, et également à Ahmad Youssef, le grand restaurateur à l’époque qui a passé de longues années à numéroter et attacher les pièces. « Après presque dix ans de travail, Youssef a réussi à rassembler cette barque solaire qui mesure 43,3 m de long et 5,9 m de large, avec une hauteur de 1,48 m et son poids est estimé à 45 tonnes. Dans les années 1980, le gouvernement égyptien a construit un musée à quelques mètres de l’emplacement initial de la fosse où la barque a été découverte », raconte l’archéologue Abdel-Bassir, directeur des musées de la Bibliotheca Alexandrina, soulignant que le bâtiment du musée en forme pyramidale et son emplacement étaient énormément critiqués. « Beaucoup de dangers menaçaient non seulement la barque, mais en plus le panorama de la grande pyramide », reprend Abdel-Bassir.
Cette barque est construite pour le roi Chéops, deuxième pharaon de la IVe dynastie de l’Ancien empire. « Selon les études, de telles barques enterrées au pied des pyramides sont, selon la mythologie égyptienne, censées transporter les défunts vers le monde de l’au-delà », conclut Hussein Abdel-Bassir.
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