Le minaret de style conique, l'un des types de minarets que renferme la rue Moez.
Les nombreuses mosquées, madrassas (école), sabils (fontaines) et marchés populaires caractérisent le quartier d’Al-Hussein et la rue Al-Moez. Cette dernière, qui était autrefois l’artère principale du Caire, nouvelle capitale fondée par le calife fatimide Al-Moez Li Dine Allah en 969, demeure jusqu’à nos jours le centre du Caire historique. Considérée comme un musée en plein air, la rue Al-Moez, bordée de ses ruelles, transporte le visiteur aux époques ayyoubide, mamelouke et ottomane. On y éprouve un sentiment curieux, surtout pendant le mois sacré du Ramadan. A l’heure de l’iftar, dès que le visiteur arrive dans la région d’Al-Hussein, les propriétaires des restaurants l’invitent à entrer pour rompre son jeûne. Les tables, revêtues de nappes modestes, sont prêtes. Les bouteilles d’eau, les jus de fruits et parfois des dattes composent la collation. Les gens se précipitent pour la prière dans cette grande mosquée érigée en 1154 sous l’égide du vizir Al-Saleh Talie. Le monument a été restauré et élargi à plusieurs reprises sous les règnes du khédive Ismaïl, du roi Farouq et de la présidence de Gamal Abdel-Nasser.
Dans les souks anciens …
Bazars et cafés de la rue historique fêtent ramadan, chacun à sa façon.
(Photo : Doaa Elhami)
Aux alentours de la mosquée d’Al-Hussein se trouvent plusieurs marchés, dont Khan Gaafar qui date de l’époque mamelouke et qui comprend le siège de Mamaï, connu de nos jours comme le siège du juge. Aujourd’hui, Khan Gaafar recèle des ateliers d’artisanat de cuivre et d’ébénisterie. Bien que ce khan soit antique et garde sa particularité, son voisin Khan Al-Khalili reste le marché le plus fréquenté et surtout le plus connu des touristes qui viennent se balader dans ses ruelles et acheter les souvenirs dans ses boutiques. « L’emplacement de Khan Al-Khalili était à l’origine le cimetière d’Al-Zaafarana où étaient enterrés les califes fatimides et les membres de leurs familles », explique le chercheur en archéologie islamique Hossam Zidan. « C’est l’émir mamelouk Jaharcas Al-Khalili qui a détruit le cimetière fatimide, jeté les cadavres sur les collines d’Al-Barqiya, actuel jardin d’Al-Azhar créé par la société Aghakhan, et construit le Khan Al-Khalili à sa place », explique le chercheur Moustapha Hozayen.
Al-Moez, un musée en plein air
Avec des bâtiments d’époques successives qui se côtoient harmonieusement, la rue Al-Moez inclut six écoles qui témoignent de l’évolution de l’enseignement en Egypte. Datant de l’époque ayyoubide, on découvre l’école Kaméliya, bâtie par le sultan Al-Kamel Mohamad Ibn Al-Adel en 1225, et l’école Saléhiya, érigée en 1244 par le sultan Al-Saleh Negmeddine. « Ces établissements étaient tenus exclusivement par l’école chaféite et professaient les sciences religieuses et liturgiques », explique Ibrahim Mohamad, le chercheur en histoire islamique. On y trouve également l’école Nassériya qui fait partie du complexe du sultan Al-Nasser Mohamad Ibn Qalaoun, érigée en 1285, et celle du sultan Barqouq bâtie en 1386. Toujours à l’époque mamelouke, apparaît l’école d’Al-Nasser Mohamad Ibn Qalaoun. « Les écoles mameloukes diffusaient les préceptes des quatre écoles de jurisprudence islamique : hanafite, malikite, chaféite et hanbalite », reprend Hozayen. La dernière institution de la rue, équipée d’une magnifique fontaine, est celle d’Oum Ibrahim, épouse du prince Ahmad Réfaat, fils aîné d’Ibrahim pacha et petit-fils du grand Mohamad Ali pacha. On y enseignait les nouveaux programmes de l’époque tout en faisant évoluer les méthodes d’enseignement. « Dressées à côté de la mosquée d’Al-Hussein, les façades de cette fontaine en marbre sont ornées de motifs géométriques et botaniques islamiques », commente Ahmad Bahgat, chercheur en histoire islamique.
La générosité des souverains
Monuments illuminés offrent une fantastique vue panoramique.
(Photo : Doaa Elhami)
Si les écoles et l’enseignement étaient importants pour les souverains des époques islamiques, leur objectif premier était d’ériger des bâtiments publics pour le bien-être du peuple. Par exemple, le sultan Al-Nasser Qalaoun a annexé une école à sa mosquée érigée en 1279, ainsi qu’un bimaristan (hôpital) et une fontaine. La rue présente un autre complexe construit par les Mamelouks Jarkas, celui du sultan Barqouq. Cet ensemble se compose d’une mosquée et d’un bâtiment dédiés aux soufis. La générosité des souverains ne se limitait pas aux constructions publiques. Pendant le mois du Ramadan, ils organisaient des cérémonies durant lesquelles ils distribuaient des pièces de monnaie en or. Les hauts fonctionnaires, à leur exemple, érigeaient des fontaines, comme celle de Abdel-Rahman Katkhoda, édifiée en 1744.
Un quartier restauré, redevenu festif et populaire
La rue Al-Moez est bordée de mosquées de toutes les époques. A partir de la porte Al-Fotouh, la rue s’ouvre sur la mosquée fatimide d’Al-Hakem Bi Amr Allah et se prolonge jusqu’à la mosquée d’Al-Hussein. Elle est mise en valeur par l’éclairage que vient d’achever le ministère du Tourisme et des Antiquités. Désormais, tous les monuments sont illuminés, offrant une merveilleuse vue panoramique de la rue. Sélim, un Saoudien qui séjourne au Caire, emmène sa famille prendre l’iftar et le sohour dans la rue Al-Moez. « J’ai préféré monter au 3e étage du restaurant pour prendre l’iftar en famille. J’ai voulu profiter de la vue panoramique des minarets des mosquées illuminés », explique-t-il. L’architecture de ces minarets varie selon l’époque. Alors que le minaret de la mosquée de Soliman Agha Al-Selehdar, dressé en 1839, prend la forme conique répandue à l’époque ottomane, celui d’Al-Hakem Bi Amr Allah, dressé à l’époque fatimide en 989, est rectangulaire. Selon le professeur d’histoire et d’archéologie à l’Université de Aïn-Chams, Hossam Ismaïl, plusieurs autres minarets de différentes formes ont été bâtis à des époques ultérieures. Celui d’Al-Aqmar est un excellent exemple. « Le minaret originel de la mosquée a été détruit puis reconstruit à l’époque mamelouke », reprend Hossam Ismaïl, soulignant que la rue d’Al-Moez était tout particulièrement réputée pendant le mois du Ramadan pour ses célébrations religieuses organisées par l’Etat. « Le Conseil suprême des affaires islamiques organisait toutes les nuits des récitations publiques du Coran par des cheikhs renommés. Ces festivités sont actuellement suspendues », assure le professeur. Néanmoins, la rue garde encore son ambiance spirituelle, les citoyens profitent de l’ambiance historique qu’offrent plus d’une trentaine d’édifices historiques .
Lien court: