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La parade dorée des momies royales

Nasma Réda, Mardi, 30 mars 2021

22 momies royales quittent le 3 avril le Musée égyptien de Tahrir pour rejoindre le nouveau Musée de la civilisation égyptienne situé à Fostat. Explications

La parade dorée des momies royales
Les chars décorés attendent le cortège.

Le 3 avril, 22 momies, dont 18 de rois et 4 de reines célèbres, quitteront les deux salles des momies royales du Musée égyptien du Caire dans un défilé funéraire solennel qui les transportera vers le nouveau Musée de la civilisation égyptienne (NMEC), qui surplombe le lac de Aïn Al-Sira situé à Fostat, première capitale islamique d’Egypte. Des documentaires en 14 langues sont diffusés sur les réseaux sociaux par le ministère du Tourisme et des Antiquités, afin d’informer le monde entier de la date du cortège longtemps attendu.

Le samedi 3 avril, Ramsès II, Thoutmosis Ier, Séthi I, accompagnés d’Hatchepsout et Ahmos-Néfertari, parmi d’autres prestigieux monarques, vont défiler dans les rues du Caire. Leur procession ira de la place Tahrir jusqu’au Musée de Fostat où leurs momies seront exposées avec leurs sarcophages, bustes ou statues, dans une salle qui deviendra leur mausolée. Le transfert des dépouilles royales est prévu depuis plusieurs années. Il sera accompagné d’une réhabilitation du Musée du Caire et de l’ouverture du NMEC à Fostat. « Chaque musée possèdera des éléments propres à susciter l’intérêt des foules », déclare Al-Sayed Aboul-Fadl, superviseur de la galerie centrale et celle des momies royales au NMEC. Il assure que cette décision, prise depuis 2015, fascinera le monde entier par sa muséologie qui diffère complètement de celle du musée de la place Tahrir. Un comité d’une dizaine de membres a réalisé une scénographie harmonieuse de la salle des momies. « Pour la première fois, le visiteur pourra contempler le sarcophage dans une vitrine et le roi ou la reine dans une autre, ainsi que divers éléments funéraires qui accompagnaient le défunt », souligne Aboul-Fadl. Les vitrines sont d’un verre exclusif élaboré spécialement en Allemagne. Leur mise en place a nécessité une année d’ajustements. « Cet événement constitue une promotion culturelle exceptionnelle pour un musée tel que le NMEC, qui est appelé à devenir un musée phare sur l’échiquier du tourisme mondial », souligne-t-il.

L’idée de l’organisation d’un cortège royal à travers les rues du Caire a surgi il y a presque deux ans, après l’immense succès du transfert de la statue colossale de Ramsès II en 2018 vers le hall principal du Grand Musée égyptien (GEM), qui est en cours de construction. « Les médias du monde entier avaient suivi cet événement qui avait reçu un écho formidable et avait contribué à éveiller un intérêt certain pour le pays dans les milieux du tourisme. Il faut y ajouter la curiosité suscitée par les récentes et magnifiques découvertes réalisées par les missions archéologiques au cours des quatre dernières années. Pour toutes ces raisons, les autorités égyptiennes se sont emparées de cet engouement pour préparer cet événement exceptionnel et en faire une vitrine prestigieuse pour servir le développement du tourisme dans notre pays », explique Moustapha Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) au ministère du Tourisme et des Antiquités. Par ailleurs, le cortège des momies royales est une bonne opportunité pour inaugurer plusieurs autres projets et pour mettre aussi en lumière la beauté du Caire khédival et son histoire.

Immenses précautions

Les procédures relatives au transfert des momies ont nécessité d’immenses précautions compte tenu de la fragilité des dépouilles. Des études préalables et approfondies ont été nécessaires pour évaluer chaque paramètre concernant les dépouilles, les vitrines et l’aménagement de leurs nouvelles sépultures. « Bien que ces momies soient conservées dans des vitrines aseptisées, dépourvues d’oxygène, et où la chaleur et les gaz sont contrôlés, elles ont quitté depuis septembre dernier leur salle d’exposition pour des études et des interventions restauratrices minutieuses sur place, avant leur voyage », explique Sabah Abdel-Razeq, directrice du Musée égyptien du Caire. Elle signale que c’est la première fois depuis leur arrivée au Musée du Caire que les monarques quittent l’édifice. Il est intéressant de savoir que ces momies ont été découvertes à Louqsor dans deux cachettes, l’une en 1881 et l’autre en 1898, et ont été transportées en bateau jusqu’au Musée égyptien. En 1996, la première salle des momies royales a été inaugurée et la deuxième 10 ans plus tard.

Les étapes du déménagement ne se sont pas limitées à réaliser des études sur les momies. La manière de les transporter était aussi un vrai défi pour les organisateurs. « Plusieurs mois ont été nécessaires pour examiner tous les aspects scientifiques et techniques qui permettraient la meilleure préservation pour le confort de nos rois et nos reines, afin de leur éviter de subir les facteurs extérieurs tels que la lumière, l’humidité et surtout les vibrations engendrées par les chars sur lesquels ils reposeront », explique Moustapha Ismaïl, chef du laboratoire de restauration au NMEC. Il admet, bien qu’il soit ravi de ce processus, qu’il existe des craintes et des incertitudes compte tenu de la délicatesse de la mission.

7 kilomètres en 45 minutes

La parade dorée des momies royales

D’après les spécialistes, toutes les momies seront déplacées dans des écrins de verre saturés de nitrogène et seront soigneusement fixées dans des répliques de sarcophages avant qu’elles ne soient placées sur les chars qui les emmèneront pour leur cortège princier. Un voyage de 7 km qui sera accompli en 45 minutes environ. « Les chars seront tenus de maintenir une vitesse constante pour éviter les vibrations. Le niveau des gaz à l’intérieur des sarcophages sera scruté méticuleusement par des techniciens experts dont les yeux seront rivés sur les paramètres techniques, immédiatement derrière le convoi », explique Moëmen Osmane, chef du secteur des musées au ministère du Tourisme et des Antiquités.

« Malgré plusieurs ajournements, la parade depuis la place Tahrir est prête depuis plus de six mois », explique l’archéologue et chercheur Ahmed Amer. Selon lui, les travaux de réaménagement et de réhabilitation de toute la zone et la mise en peinture des immeubles adjacents ont été superbement réalisés. « C’est la compagnie égyptienne de son et de lumière qui a exécuté l’éclairage technique et artistique de tous les bâtiments de cette place khédivale », indique Amer. Par ailleurs, un obélisque de Ramsès II provenant du temple d’Amon à Tanis, ainsi que quatre béliers venus du temple de Karnak de Louqsor décoreront le centre de la place et seront inaugurés lors du cortège. « Les chars feront le tour de l’obélisque avant de poursuivre leur trajet », ajoute Waziri. A leur arrivée au NMEC, les momies seront déposées et analysées dans des laboratoires spécialisés. « Elles y seront examinées avant de rejoindre la nouvelle salle des momies royales où chaque roi ou reine reposera entouré de ses accessoires funéraires », indique Ahmed Ghoneim, chef exécutif de l’Organisme du NMEC.

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