Le rôle de la femme a de tout temps été fondamental dans la vie sociale, économique et politique des Egyptiens. Son influence n’est pas apparue récemment au gré des mouvements féministes de l’époque moderne, mais s’est affirmée bien plus tôt, à des périodes bien plus anciennes. La position de la femme a toujours été centrale dans la société depuis la préhistoire et son statut a continué à évoluer tout au long des époques. Les représentations dans les temples et les sépultures: bas-relief, gravures, ornements et papyri dispersés dans les musées autour du monde en témoignent. Ils attestent de la prédominance du rôle de la femme égyptienne, de son influence et de sa position prépondérante à travers les temps. « La femme de l’Egypte Ancienne n’a pas encore suffisamment réussi à capter l’intérêt des égyptologues. On sait qu’au temps des pharaons elle jouissait de plus de droits que ses soeurs des civilisations grecque et romaine, pourtant ultérieures. Les femmes de la Renaissance en Europe elles-mêmes n’étaient pas aussi indépendantes », apprend-t-on dans l’article de l’égyptologue Abdel-Halim Noureddine intitulé La femme et son rôle juridique: La première juge au monde était égyptienne.

Pesechet, première médecin en chef et chirurgienne du monde entier.
Pour preuve, la première juge de l’histoire était Nebet de la VIe dynastie (2321-2181 avant notre ère). Belle-mère du roi Pépi Ier et grand-mère du roi Pépi II, Nebet a gravi la hiérarchie de la magistrature jusqu’à obtenir le titre de juge en chef à la cour royale. « Elle était en charge de la cour royale suprême. Son autorité s’étendait à toute la haute magistrature de l’Egypte Ancienne », explique l’archéologue Mayssara Hussein. Nebet a occupé de nombreux postes à responsabilité. On en trouve les traces sur une stèle découverte à Abydos et exposée au Musée du Louvre. « Juge, ministre, la princesse héritière, la fille d’Horus », lit-on sur la stèle. D’après les archéologues, les décisions de Nebet étaient exécutoires dans les disputes, les conflits et les accords commerciaux. Nebet était responsable de la justice de l’Etat devant le roi Pépi Ier lui-même. Elle a administré avec droiture et équité, matérialisant le mythe de la divinité Maat, déesse de la justice, représentée par une dame dont la tête est couronnée d’une plume, symbole de justice.
L’ambition de la femme égyptienne ne se limitait pas à la justice. Les références archéologiques témoignent aussi de son rôle fondamental dans le domaine médical depuis l’aube de l’histoire. Ainsi, on rencontre Mérit-Ptah qui a occupé le poste de médecin en chef sous le règne du roi Djoser (2628-2609 av. J.-C.) de la IIIe dynastie (2647-2575 av. J.-C.). Ses attributions apparaissent clairement sur les bas-reliefs de la tombe de son fils, célèbre prêtre de l’époque. « C’est la première mention d’une femme-médecin dans l’histoire », commente l’égyptologue Magdi Chaker. Mérit-Ptah était chargée aussi de la fabrication des médicaments.
Toujours dans le domaine médical, la femme a également excellé. C’est le cas de Pesechet, la doyenne de l’obstétrique et de la gynécologie. Elle a exercé sous le règne du roi Chéops, bâtisseur de la grande pyramide de la IVe dynastie (2551-2528 av. J.-C.). Dans la tombe de son fils Akhet-Hetep, un des nobles de l’époque, on trouvera une stèle gravée du nom de Pesechet détaillant ses multiples attributions, comme par exemple celle de médecin en chef de la cour royale. Pesechet enseignait aussi la médecine aux étudiantes. « L’obstétrique et la gynécologie étaient une spécialité réservée aux femmes », souligne l’égyptologue Leïla Abdel-Qader.
Femme d’affaires

Maat, divinité de la justice, coiffée de la plume de justice.
Parallèlement aux métiers traditionnels, la femme s’est aussi distinguée dans le domaine administratif et les hautes fonctions qu’elle a occupées durant l’Egypte Ancienne. « Au cours du Moyen Empire (2022-1650 av. J.-C.), la garde des sceaux, responsable des sceaux officiels, la directrice du domaine royal et la directrice des réserves exerçaient leur mandat », souligne Mayssara Hussein. Ainsi, Techa, de la XIIe dynastie (1991-1783 av. J.-C.), était la directrice du domaine du gouverneur Khonom-Hotep à Bercha, en Moyenne-Egypte. Techa était responsable des sceaux personnels de Khonom-Hotep, ainsi que de ses réserves. Ceci constitue une preuve que les fonctions supérieures n’étaient pas limitées aux hommes. « Au contraire, la gestion des travaux et des propriétés était accessible également aux femmes », renchérit le professeur Mayssara Hussein. C’est l’exemple de Ni-Nefer qui vivait à Thèbes pendant la XVIIIe dynastie (1549-1295 av. J.-C.), sur la rive ouest de Louqsor. Cette dame était propriétaire de ses propres domaines et de ses entrepôts. Ni-Nefer a pu étendre ses activités et réaliser des accords commerciaux hors des frontières égyptiennes, à tel point qu’elle avait des agents qui développaient ses affaires commerciales en Syrie et au Liban.
Egalité avec l’homme

La déesse de la joie, Hathor, est toujours inspiratrtice du bonheur.
Dans un autre domaine, les fonctions liturgiques et cultuelles étaient souvent exercées par des femmes. Les prêtresses excellaient dans la lecture et l’écriture. Elles avaient une position distinguée, voire sacrée en Egypte Ancienne. « Les prêtresses d’Hathor maîtrisaient la danse et l’utilisation des instruments musicaux, alors que celles d’Amon se distinguaient par leurs voix mélodieuses pour chanter les hymnes. Ces officiantes réveillent le dieu au petit matin avec la musique et les hymnes », raconte le professeur Mayssara Hussein. Dans les temples, la femme est parvenue au statut de prêtresse en chef. « On pense que le roi Mykérinos fut le premier à fonder la classe des prêtresses, compte tenu de l’amour qu’il portait à Hathor. L’intérêt pour cette divinité a perduré sous le règne de la Ve dynastie », explique l’égyptologue Magdi Chaker. Selon l’égyptologue Mayssara Hussein, il n’était pas nécessaire d’être issu d’une couche sociale aisée pour devenir prêtresse. « Il existait un institut de formation à la prêtrise où n’importe quelle jeune femme désirant s’investir dans la vie liturgique pouvait s’initier à la lecture et l’écriture et se perfectionner dans l’exercice des rites et du cérémonial », renchérit Mayssara Hussein.
Juge, médecin et femme d’affaires, ces fonctions étaient bien représentées dans la haute société et la noblesse. Et si une femme n’occupait pas un métier particulier, cela ne l’empêchait pas d’accomplir d’autres travaux en préservant son égalité avec l’homme. A la préhistoire, la femme participait aux tâches pastorales, ainsi qu’à la préparation des outils de la chasse et de la nourriture. « Des milliers de graffitis représentent la femme aux côtés de l’homme, son égal », commente Mayssara Hussein. A l’apparition de l’agriculture, la femme semait, cultivait et récoltait. Compte tenu de l’adresse qu’elles nécessitaient, certaines activités étaient toutefois manifestement réservées aux femmes, comme la fabrication des parures, des bijoux, des parfums, le textile, la couture et la broderie. La femme fabriquait aussi des perruques de cheveux naturels. Comme c’est le cas aujourd’hui, chaque métier faisait déjà partie d’un organisme dont le rôle équivaudrait à nos syndicats. Ces organisations sont apparues à l’époque tardive. « La direction du syndicat du textile se trouvait à Sayes, dans le Delta. Toute fille qui voulait travailler dans ce domaine devait payer un abonnement annuel. Ces cotisations, accumulées pendant toute sa vie, lui permettaient de bénéficier d’une assurance sur sa santé et même de bénéficier d’une sorte de pension », explique le professeur Mayssara Hussein.
La femme égyptienne a toujours occupé une position distinguée depuis l’aube de l’Histoire. Forte, égale de l’homme, elle a occupé beaucoup de postes prestigieux, sans considération de ses origines sociales .
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