Cette année, l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) célèbre ses 140 ans en Egypte. Et pour l’occasion, il publie une version bilingue anglais-arabe de l’ouvrage Archéologie Française en Egypte. Edité principalement par les archéologues Laurent Coulon et Mélanie Cressent, l’ouvrage est aussi enrichi par la contribution d’égyptologues et d’archéologues français renommés qui opèrent en Egypte depuis longtemps. L’ouvrage focalise sur le soutien de la France dans le domaine archéologique comme étant « l’un des plus grands pays par le nombre de missions, non loin d’une quarantaine. Ce soutien prend des formes variées : des établissements installés de manière permanente en Egypte ou bien des institutions françaises pilotant leurs recherches depuis la France. L’ensemble agit sous le couvert de trois ministères, celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et le ministère de la Culture », retrace Laurent Coulon dans le livre. Ces établissements archéologiques couvrent, avec leurs missions, tout le territoire égyptien, ainsi que toutes les périodes historiques, depuis la préhistoire jusqu’à l’époque alide, en passant par les âges gréco-romain, byzantin et islamique.
L’ouvrage consacre la plupart de ses pages à l’IFAO, qui est le plus grand établissement archéologique en Egypte avec ses 120 agents et près de 35 missions sous son égide, et encore sur ses divers départements. Le livre donne alors une vue panoramique de ses missions et de l’évolution de ses programmes scientifiques dans les domaines de l’archéologie, de la philologie et de l’histoire. En effet, l’IFAO opère dans plusieurs chantiers depuis le XIXe siècle jusqu’à nos jours. Citons à titre d’exemple Médamoud, situé à 5 km au nord de Karnak à Louqsor, où l’IFAO a commencé ses travaux depuis 1925. « Entre 1925 et 1940, à la demande du Musée du Louvre, fut dégagé le temple dédié à Montou de Médamoud, qui livra de nombreux monuments s’échelonnant de la XIe dynastie jusqu’à l’époque byzantine », raconte dans le livre Félix Relats Montserrat, égyptologue à l’IFAO.
En 2011, une nouvelle mission reprend le travail du terrain pour compléter les recherches des missions du début du XXe siècle : préserver et réétudier l’ancienne documentation, composée des inscriptions épigraphiques du temple. Ces inscriptions méritent une traduction actualisée, ainsi qu’un nouveau commentaire de la théologie du lieu. Le site a été exposé aux effondrements et aux effets néfastes de la nappe phréatique, exigeant des premiers archéologues de restaurer les blocs avec du ciment. Raison pour laquelle la nouvelle mission a photographié tous les blocs et a soumis le site au projet de restauration globale.
Perpétuelle évolution

Le travail à Deir Al-Madina, sur la rive ouest de Louqsor, est un autre aspect de l’évolution des sites historiques où opère l’IFAO. Ce site est devenu dans les années 2000 un chantier de la coopération internationale, alors qu’il était une concession propre à l’IFAO depuis 1917. Et jusqu’en 1951, la mission française était dirigée par l’égyptologue Bernard Bruyère qui était chargé de dégager et d’étudier l’ensemble du site. « La documentation archéologique et épigraphique qu’il met au jour est si abondante que son étude et sa publication sont encore poursuivies aujourd’hui sur le terrain par une équipe de chercheurs venus de plusieurs pays », témoigne dans l’ouvrage l’égyptologue Cédric Larcher, de l’IFAO, soulignant que l’ouverture aux collaborations internationales est encouragée ces dernières années et trouve aussi un écho au niveau local. Des étudiants en égyptologie ou des restaurateurs égyptiens en formation sont associés à ces projets pour acquérir expérience et compétences techniques. L’ouvrage met l’accent aussi sur les missions archéologiques que l’IFAO envoie aux oasis comme celle de Douche à Kharga ou Ballat à Dakhla. Ces missions sont interrompues pour des raisons de sécurité.
Des institutions phare
A part le rôle de l’IFAO en Egypte, l’ouvrage met en évidence les autres grands acteurs de l’archéologie française qui regroupent un nombre considérable d’institutions couvrant tout le territoire égyptien. A Alexandrie se trouve le Centre d’Etudes Alexandrines (CEAlex) qui fait « l’étude de l’histoire de la ville d’Alexandrie et de sa région sur sa longue diachronie. Nous effectuons des fouilles archéologiques terrestres et sous-marines, ainsi que des prospections en ville et dans la campagne, et menons à bien des programmes d’étude et de mise en valeur du patrimoine moderne », retrace Marie-Dominique Nenna, du Centre National des Recherches Scientifiques (CNRS).

Lors de l'entraînement des archéologues égyptiens.
L’ouvrage présente aussi un résumé des travaux de deux grandes institutions archéologiques opérant à Louqsor et Thèbes. La première institution est le Centre Franco-Egyptien d’Etude des Temples de Karnak (CFEETK). « C’est une entité binationale rassemblant le Conseil Suprême des Antiquités (CSA), rattaché au ministère des Antiquités égyptiennes, et une unité de service et de recherche du CNRS dédiée à l’étude, à la préservation et à la valorisation du site archéologique de Karnak, le plus vaste complexe religieux de l’Egypte Antique », note Jérémy Houdindu, du CNRS. Quant à la deuxième institution, c’est la Mission Archéologique Française de Thèbes-Ouest (MAFTO) et du Ramesseum. « Cette équipe travaille en étroite collaboration avec le Centre d’Etude et de Documentation sur l’Ancienne Egypte (EDAE), organe du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) de l’Egypte. Elle oeuvre sur le territoire anciennement couvert par l’antique Thèbes, capitale méridionale de l’Egypte pharaonique et l’un des plus riches sites archéologiques de la planète, inscrit à l’inventaire du patrimoine mondial par l’Unesco, puis plus particulièrement sur le Ramesseum », relate l’égyptologue renommé Christian Leblanc.
Le Musée du Louvre fait partie aussi des grands acteurs de l’archéologie française en Egypte. « Archéologie et fouilles de terrain sont étroitement associées à l’histoire du département des antiquités égyptiennes du Musée du Louvre. Et aujourd’hui encore, il a, ou partage, la responsabilité de trois chantiers de fouilles dans la Vallée du Nil, deux en Egypte, à Baouit et à Saqqara, et un au Soudan, dans la région de Méroé », note Vincent Rondot, du Musée du Louvre.
L’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) est également l’un des membres efficaces des grands acteurs de l’archéologie française en Egypte. « Privilégiant l’interdisciplinarité, l’IRD centre ses recherches depuis plus de 65 ans sur les relations entre l’Homme et son environnement en Afrique, en Méditerranée, en Amérique latine, en Asie et dans l’Outre-mer tropical français. Il est implanté en Egypte depuis 1987 et y mène des recherches archéologiques sur plusieurs sites désertiques », explique Gwenola Graff, de l’IRD.
L’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (INRAP) continue cette série, d’après l’ouvrage. « Etablissement public de recherche sans réel équivalent dans le monde, l’institut, depuis sa création, est une référence majeure pour l’archéologie préventive dont le modèle d’organisation est observé avec une attention croissante à l’étranger. Pour répondre pleinement à des missions, l’INRAP a, dès son institution, intégré la dimension internationale dans le panel de ses activités scientifiques et diplomatiques en Egypte », écrit Guilia De Palma, de l’INRAP, dans son article.
Quant à la dernière institution que mentionne l’ouvrage, il s’agit du mécénat. « L’activité archéologique française en Egypte est soutenue par des mécènes qui apportent un complément indispensable à l’étude, à la restauration et à la valorisation des sites. Ce mécénat se concrétise soit par un soutien direct du financeur à telle ou telle mission ou institution, soit par l’intermédiaire de fondations ou de fonds de donation qui, s’appuyant sur un conseil scientifique, mènent une politique de soutien à un ensemble étendu du projet », conclut Claire Sotinel, de l’Université Paris Est Créteil, présidente du Conseil académique d’Arpamed.
Bref, l’ouvrage met en valeur cette relation profonde et unique entre la France et l’Egypte en matière d’archéologie et donne un aperçu rapide sur chaque institution et sa collaboration sur les chantiers égyptiens.
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