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La médecine à l’ère islamique, une histoire rayonnante

Dalia Farouq, Mercredi, 09 décembre 2020

Le Musée d’art islamique accueille, tout au long du mois de décembre, une exposition sur les maladies et les instruments médicaux de l’ère islamique.

La médecine à l’ère islamique, une histoire rayonnante
Le directeur du Musée d’art islamique lors de l’inauguration de l’exposition.

« Maladie et remède » est le titre de l’exposition temporaire qui se tient au Musée d’art islamique dans le quartier de Bab Al-Khalq, au Caire. Tout au long du mois de décembre, le visiteur du musée pourra contempler 85 pièces montrant comment des épidémies ont affecté la vie économique et sociale des pays islamiques, ainsi que les moyens utilisés pour les affronter. Derrière quatre vitrines qui occupent la salle d’exposition numéro 1 se trouvent des instruments médicaux et chirurgicaux, ainsi que des pièces de monnaie qui remontent à l’époque islamique. On y trouve également des outils de la médecine populaire comme Tasset Al-Khadda et des accessoires de désinfection et de purification, première ligne de défense contre les épidémies.

« Cette exposition va de pair avec le contexte mondial actuel dominé par la crise du coronavirus. Elle assure par ailleurs le rôle éducatif du Musée islamique et son interaction avec les événements ordinaires », souligne Mamdouh Osmane, directeur du Musée d’art islamique, lors de la cérémonie inaugurale de l’exposition, expliquant que, par le passé, le pays a traversé plusieurs pandémies au cours de l’époque islamique. « La peste s’était propagée à plusieurs reprises entre l’époque omeyyade et l’ère ottomane. Une crise appelée Al-Mostansériya a notamment duré sept ans au temps du calife fatimide Al-Mostanser Bi Allah qui a régné sur l’Egypte durant la seconde moitié du Ve siècle de l’Hégire. Cette tension économique engendrée par la diminution du niveau du Nil a provoqué une sécheresse et la propagation de la peste. Toutes ces épidémies ont été suivies par de fortes dépressions économiques qui ont occasionné à plusieurs reprises la diffusion de la famine dans le pays », explique Osmane. Il ajoute que les instruments médicaux et chirurgicaux exposés, comme les scalpels et les pinces médicales qui remontent aux époques mamelouke et ottomane, montrent l’essor de la médecine à l’époque islamique. En ce qui concerne les pièces de monnaie, elles datent de l’époque mamelouke.

La médecine à l’ère islamique, une histoire rayonnante
Un manuscrit iranien rédigé en langue persane remontant au IXe siècle de l’Hégire.

Entre les XIIIe et XIVe siècles, l’empire arabo-islamique est à son apogée et connaît un rayonnement scientifique, en particulier dans le domaine de la médecine. Des savants comme Ibn Sina, Mohamad Ibn Zakariya Razi, Aboul-Qassim Al-Zahrawi ont brillé dans des domaines tels que l’anatomie, la physiologie, les maladies infectieuses, la chirurgie et la pharmacopée. « Les traductions des manuscrits des savants grecs vers l’arabe tels que Galien et Hippocrate ont beaucoup contribué à l’évolution de la médecine et de la pharmacopée dans le monde islamique », souligne Adel Mohamed, conservateur au Musée d’art islamique. Ce sont ces traductions qui ont sauvegardé ces manuscrits précieux, surtout après l’effondrement de l’Empire romain et la longue période d’obscurantisme scientifique en Occident. Les hommes de science arabes se sont appuyés sur les connaissances médicinales occidentales et les ont approfondies. Les savants arabes ne se sont pas contentés de réaliser leurs propres découvertes médicales. Par exemple, Ibn Al-Nafis est connu pour avoir été le premier à décrire la petite circulation du sang ou la circulation pulmonaire. Ses confrères également ont instauré un procédé rationnel fondé sur l’observation et l’expérience. Une méthodologie qui leur a permis d’actualiser et de moderniser la médecine. Les hôpitaux abondaient dans le monde islamique de Bagdad à La Mecque et de Damas au Caire. Ils ont donné l’opportunité aux médecins, infirmiers, pharmaciens et étudiants de pratiquer et de développer la pratique dans ce domaine.

Médecine populaire et prières

Le développement de la recherche scientifique à l’époque islamique n’a pas empêché le recours à la médecine traditionnelle où le médecin n’est pas le personnage central. Des pratiques populaires comme « Tasset Al-Khadda » étaient répandues. Il s’agit d’un plat en cuivre qu’on faisait résonner très fort pour faire frissonner le malade, convaincu que ce frissonnement remédiera à ses maux. Des instruments tels que les ventouses apparaissent aussi parmi les éléments exposés. « En forme de petit récipient en verre, la ventouse suit une technique ancestrale pour soigner. Originaire de Chine, elle a été rapportée dans le monde arabe par les grands médecins de la civilisation égyptienne », explique Adel Mohamed, soulignant que la médecine populaire était très réputée dans la civilisation islamique, surtout dans les régions pauvres.

Le Musée d’art islamique possède toute une collection d’instruments qui servaient dans ce genre de traitement. La chemise magique venue d’Iran apparaît parmi ces objets. « C’est une chemise ayant des symboles et des talismans et on dit que rien de mauvais n’atteint celui qui la porte », reprend Adel Mohamed

La médecine à l’ère islamique, une histoire rayonnante
Le manuscrit de l’anatomie du corps humain par Ibn Iyas Al-Chirazi qui remonte au XVIIe siècle.

Une des vitrines est consacrée aux instruments de désinfection et d’hygiène comme les bassins et les cuvettes d’eau en cuivre qui datent de l’époque mamelouke. « Les savants de cette époque ont accordé beaucoup d’importance à l’hygiène et à la désinfection qu’ils considéraient relever de la foi et un moyen de prévention efficace contre les maladies », explique Adel Mohamed. Avec la prévention et les remèdes, il ne restait qu’à prier pour alléger les effets de l’épidémie. Ainsi, on trouve dans la dernière vitrine des versions du Coran et des manuscrits portant des prières qui remontent à l’époque ottomane.

Si les 85 pièces de l’exposition donnent un aperçu rapide de la médecine pendant les différentes époques islamiques, le visiteur peut également se rendre au Musée d’art islamique qui consacre toute une salle à la médecine et à aux produits pharmaceutiques et où sont montrés plusieurs instruments, manuscrits et outils médicaux qui couvrent toutes ces périodes. « Parmi les éléments les plus importants se trouve le traité d’anatomie d’Ibn Iyas Al-Chirazi qui date du XVIIe siècle. Il est encore de nos jours une référence en anatomie dans toutes les encyclopédies médicales internationales », souligne Adel Mohamed.

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