A Charm Al-Cheikh, la culture aux côtés du tourisme balnéaire
« La beauté, la passion et la paix ». C’est le message du nouveau musée des antiquités égyptiennes fondé dans la célèbre station balnéaire du Sud du Sinaï, Charm Al-Cheikh. Inauguré cette semaine par le président de la République, Abdel-Fattah Al-Sissi, et Khaled El-Enany, ministre du Tourisme et des Antiquités, ce musée est la première installation culturelle dans cette ville balnéaire connue surtout par la plongée, les safaris et les activités nautiques. « C’est une expérience leader qui vise à lier le tourisme balnéaire au culturel et à diversifier les moyens d’attraction touristiques de Charm Al-Cheikh », souligne El-Enany. Une idée qui remonte à 2003, mais faute de financement et à cause du déclenchement de la Révolution en 2011, le projet est resté à l’arrêt plusieurs années avant de reprendre d’arrache-pied en 2018.
C’est sur une superficie de 191 000 m2 qu’a été construit le nouveau musée de Charm Al-Cheikh. A part le bâtiment du musée, il existe un édifice renfermant une salle de conférences et des cafétérias, un troisième abritant des boutiques exposant des produits artisanaux, en plus d’un théâtre en plein air et de nombreux restaurants pour servir les visiteurs. L’édifice du musée, dont le coût a atteint 812 millions de L.E., est composé de deux étages et de six salles. « C’est un grand musée qui peut renfermer jusqu’à 20 000 pièces. Mais actuellement, 6 062 seulement y sont exposées. Celles-ci sont collectées des quatre coins du pays, plusieurs pièces proviennent du site de Saqqara au Caire, de Minya et de Louqsor en Haute-Egypte et également d’Alexandrie », précise Moustapha Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA).
Une mosaïque hellénistique découverte à Alexandrie et un grand buste représentant Ramsès II sont à l’accueil des visiteurs. « Les têtes, statues et bustes des rois et des reines, à l’exemple de la reine Hatchepsout, Touthmosis Ier et Merenptah font l’objet de la grande salle d’exposition appelée la Salle royale. Alors que l’allée hathorienne est décorée par différentes figurines de la déesse Hathor, d’Isis et d’autres divinités égyptiennes », explique Moëmen Osman, chef du secteur des musées au ministère du Tourisme et des Antiquités. La Grande salle peinte en bleu marine, se référant à la couleur de la mer de la ville balnéaire, a pour thème l’homme et la vie quotidienne dans l’Egypte Ancienne. Les pièces exposées reflètent cette relation entre l’homme et l’environnement, sa passion envers les animaux qu'il chasse ou vénère. « Le musée expose des animaux momifiés résultant des dernières fouilles du site archéologique du Bubastéion de Saqqara tels que des chats, des scarabées et des crocodiles, ainsi que des statues en forme humaine en tête de babouin et de faucon », explique Waziri. Toujours dans cette salle qui regroupe plus de 5 000 pièces, la présence de l’art romain est explicite. Il est représenté par des statues colossales et des colonnes. « Il y a aussi une belle collection de statuettes de femmes en terracotta portant des habits de différentes formes et couleurs », reprend Osman.
Découvrir les rites funéraires
Hatchepsout et Thoutmosis Ier figurent parmi les pièces de la salle royale.
Dans l'une des six salles, la chambre funéraire avec ses mobiliers est représentée montrant au visiteur les rites de l’enterrement chez les Anciens Egyptiens. Prenant la forme d’une tombe, le visiteur y rencontre deux sarcophages et la momie d’Isetemkheb, princesse égyptienne et fille du pharaon Psousennès Ier de la XXIe dynastie. « On a voulu, par la muséologie de cette salle, donner au visiteur, qui n’a jamais visité une tombe, l’impression d’être dans une vraie. On a ainsi exposé toutes les pièces qui peuvent se trouver dans une tombe : sarcophage, momie, en plus des différents objets funéraires qu’elle peut renfermer. Une conception visuelle a été produite accompagnée d’un faible éclairage et une couleur pâle des murs », explique Mahmoud Mabrouk, conseiller du ministre du Tourisme et des Antiquités et membre du comité de la muséologie des nouveaux musées. Avant de continuer la tournée dans les autres galeries du musée, il est indispensable de découvrir le deuxième étage. Les regards sont pris par la grandeur des deux bateaux funéraires appartenant au roi Snéfrou de la IVe dynastie pharaonique, découverts à Dahchour en 1895, dont chacun fait 10 m de long et 2,30 m de large. « Le transport de ces deux bateaux funéraires du Musée égyptien du Caire et leur installation ici était un grand défi pour les archéologues », affirme Waziri.
D’ailleurs, le musée de Charm Al-Cheikh expose aussi à travers des répliques des pièces artisanales et des habits, formant le patrimoine des bédouins de la péninsule du Sinaï. A la fin de la tournée, la salle consacrée aux expositions temporaires présente, pour la première et dernière fois, 10 pièces de la célèbre collection du jeune roi Toutankhamon avant de rejoindre les 5 000 artefacts du trésor du pharaon doré pour l’inauguration du Grand Musée Egyptien (GEM), prévue en 2021. Selon Mabrouk, la diversité des activités dans cette ville balnéaire vise à satisfaire les intérêts et les goûts de tous les touristes. « Le musée, avec l’histoire de la civilisation qu’il présente, vient ajouter un cachet culturel important à Charm Al-Cheikh », conclut Mabrouk, espérant que la visite du musée incitera les touristes à se rendre dans d’autres villes égyptiennes, afin de découvrir leur beauté.
Kafr Al-Cheikh retrouve ses propres trésors
Les statuettes d'Isis portant son enfant Horus montrent l'histoire de cette célèbre légende.
Le nouveau musée de Kafr Al-Cheikh s’étend sur une superficie de 6 670 m2. Une trentaine d’années après le début du projet comprenant de nombreuses périodes de suspension pour des raisons financières et politiques, l’édifice est enfin ouvert au public. « C’est un rêve qui s’est enfin réalisé. Un cadeau offert par l’Etat à tous les citoyens du gouvernorat de Kafr Al-Cheikh », a déclaré Khaled El-Enany, ministre du Tourisme et des Antiquités, lors de l’inauguration officielle du musée. Le bâtiment de 1 350 m2 abrite 1 200 pièces antiques découvertes sur les collines de ce gouvernorat historique.
L’idée de fonder un musée archéologique régional, afin de devenir un lieu culturel pour les habitants de la région, remonte à 1992, mais les travaux n’ont été repris de façon régulière qu’en 2018. « Après des années de suspension et de travaux intermittents, on a commencé en 2018 à travailler d’arrache-pied pour achever ce projet longtemps attendu », raconte Moustapha Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA).
« Le mythe d’Isis et d’Osiris, et la lutte d’Horus contre Seth » est le thème principal de la muséologie de cette collection régionale. Cette légende, qui raconte les aventures d’Isis et de son époux, Osiris, tué par Seth, son frère, donne à tous les Egyptiens de l’époque l’espoir d’une vie après la mort. Une statue colossale représentant Horus, fils d’Osiris et d’Isis, figure à l’entrée du nouveau musée. A savoir que c’est Horus qui vengera son père en tuant Seth et deviendra pharaon à son tour. « Le visiteur du musée peut en apprendre davantage sur cette légende initiatique où l’amour et la raison triomphent de la mort », explique Al-Sayed Al-Banna, superviseur du nouveau musée de Kafr Al-Cheikh.
L’histoire de la ville de Bouto est aussi retracée à travers une collection montrée dans le musée. « Toutes les pièces exposées sont le fruit des travaux de fouille effectués dans les 50 collines réparties dans le gouvernorat », souligne Al-Banna.
Il est à noter que Bouto, connu actuellement sous le nom de Tell Al-Faraïne, qui signifie colline des pharaons, était la capitale de l’Egypte durant la période pré et protodynastique (IVe millénaire av. J.-C.). « A cette époque, la ville était l'un des lieux saints les plus importants du Delta », reprend Al-Banna.
Le musée est adossé à l’Université de Kafr Al-Cheikh. Il était donc indispensable de montrer, à travers des pièces originaires de différentes époques, le génie des Egyptiens dans les domaines scientifiques, en particulier la médecine, la pharmaceutique, l’ingénierie, l’astronomie, l’agriculture et le commerce. « Les objets choisis retracent l’histoire de la science en Egypte Ancienne d’une manière chronologique simple », explique Mahmoud Mabrouk, conseiller du ministre et membre du comité chargé de la muséologie des nouveaux musées. Il ajoute que le plus difficile était de devoir choisir, parmi les milliers d’objets stockés dans les entrepôts du gouvernorat, des éléments représentatifs de l’idée recherchée. « La plupart des pièces sont montrées au public pour la première fois », déclare-t-il.
Le musée est composé de trois grandes salles principales. La statue du roi Ramsès II avec la déesse Sekhmet se dresse au milieu d’une des galeries d’exposition. « La statue du grand roi Ramsès II, celle d’un prêtre de la XXXe dynastie pharaonique, une troisième prenant la forme d’un sphinx en basalte et la stèle en granite noir de Thoutmosis III sont toutes des pièces découvertes à Tell Al- Faraïne », souligne Moëmen Osman, chef du secteur des musées au ministère du Tourisme et des Antiquités. D’ailleurs, parmi les objets magnifiques et uniques exposés figure une sculpture en marbre de 62 cm de hauteur, représentant un enfant endormi, vêtu d’une tunique romaine, qui s’appuie sur un rocher. « Cette oeuvre a été trouvée en 1997 par un pêcheur du lac Borollos au nord du gouvernorat. C’est un exemple typique de l’art romain », raconte Mabrouk.
Deux villes retraçant l’histoire copte et islamique
L'enfant endormi est parmi les pièces maîtresses du musée.
L’art copte est aussi représenté dans le musée par différents éléments, dont le plus remarquable est celui d’une étoffe multicolore en laine, de forme carrée, datant du VIIIe ou IXe siècle. « Sur ce tissu antique apparaissent différentes scènes représentant la Sainte Vierge Marie portant son enfant Jésus et décrivant également leur passage par la ville de Sakha, l'une des villes du gouvernorat de Kafr Al-Cheikh », explique Al-Banna, ajoutant que Sakha est connue pour être l'un des lieux de refuge de la Sainte Famille et l'une de leurs stations importantes. L’histoire de la ville est représentée dans le musée au moyen de panneaux explicatifs et de cartes décrivant la diversité des églises antiques de la ville, telle que l’église de la Vierge. Le musée n’a pas négligé de présenter l’art islamique du gouvernorat. Au moyen d’illustrations variées, le musée retrace l’histoire de la ville de Fowa, située au nord-ouest de Kafr Al-Cheikh, sur le district de Rachid. « Connue pour être la ville des mosquées, Fowa abrite un grand nombre de monuments et édifices datant des différentes époques islamiques. Cette ville se classe en troisième place après Le Caire et Rachid par le nombre de ses monuments islamiques », souligne Al-Banna.
La construction du musée de Kafr Al-Cheikh, dont le coût s’élève à 62 millions de L.E., a pris en considération les personnes handicapées en leur traçant un itinéraire de visite. « Le bâtiment moderne du musée, le parcours de visite, les panneaux explicatifs bilingues ainsi que l’éclairage font de ce musée une destination d’excursion agréable qui non seulement retrace l’histoire de la civilisation égyptienne, mais donne de plus aux générations futures un espoir pour l’avenir », conclut Mabrouk.
Des carrosses qui racontent l’époque royale
Le musée renferme 40 carrosses de différentes tailles et de différents pays, dont l'Egypte.
Au milieu du brouhaha et fracas de la rue du 26 Juillet dans la région de Boulaq Aboul-Ela au Caire se dresse somptueusement le musée des carrosses royaux, qui s’apprête à accueillir les visiteurs après trois ans de travaux de restauration. Sa façade de couleur beige, récemment restaurée par le ministère du Tourisme et des Antiquités, est ornée de motifs du XIXe siècle. Conçu pour devenir « l’Autorité des véhicules khédiviales », le bâtiment fut construit en 16 ans depuis 1863 sous l’ordre du khédive Ismaïl, cet endroit est fait à l’origine pour stocker toutes sortes de carrosses et calèches reçus comme cadeaux ou fabriqués en Egypte. L’endroit servait aussi de réparer ces véhicules pour être utilisés lors des cérémonies ou cortèges royaux. En 1922, le roi Fouad Ier agrandit l’espace de « l’Autorité des véhicules » en ajoutant des chambres supplémentaires pour servir de résidences aux cavaliers et aussi comme ateliers de réparation et de fabrication des calèches. Le roi a changé le nom pour devenir « l’administration des écuries royales ».
Une fois la porte principale antique du musée franchie, le visiteur se trouve dans une grande cour rectangulaire, avec au milieu une fontaine, alors qu’à droite et à gauche, des têtes de chevaux anciennes décorent les parois du bâtiment. Cette fontaine était utilisée à l’époque comme abreuvoir pour les chevaux. Alors que la cour était un lieu pour entraîner les chevaux à tirer les différents genres de carrosses ou véhicules hippomobiles qui comptaient dans le temps près de 78 dans ces locaux. Aujourd’hui, le musée compte 7 salles et 42 véhicules qui font l’objet de la nouvelle scénographie de ce musée royal, qui a été transformé en musée depuis la Révolution égyptienne de 1952 et enregistré comme lieu antique en 1984.
Le parcours commence par la salle intitulée « antiquekhana », elle renferme 6 simples calèches qui étaient utilisées par les princes et princesses de la famille royale lors de leurs randonnées au palais Abdine ou à Alexandrie au palais Montazah, ou pendant leurs promenades de chasse. La plupart de ces véhicules sont faits de « bambou » et munies de capote à soufflet. Les parois de cette salle sont décorées de peintures représentant des cavaliers et des calèches dans les jardins des palais khédiviaux.
Une grande partie de la muséologie du musée est basée sur le jeu des sons. Les hennissements des chevaux et leurs galops ainsi que le hurlement des marchands ambulants accompagnent le visiteur lors de sa balade d’une salle à l’autre. Sur une superficie de 970 m se trouve la salle du « cortège », dont le toit est en verre. Ici, le visiteur trouve des répliques de chevaux tirant des carrosses royaux et dont une était utilisée lors de la cérémonie de l’inauguration du Canal de Suez en 1869. Chaque calèche ou carrosse représente une vraie oeuvre d’art, et raconte une histoire différente. « Le squelette » par exemple fait partie de la muséologie de cette salle. C’est ce véhicule qui a transporté les corps du khédive Ismaïl, du sultan Hussein Kamel, du roi Fouad et du révolutionnaire Saad Zaghloul à leur lieu d’enterrement. Cette salle guide le visiteur à une autre, celle des « cérémonies royales » qui abrite le prestigieux carrosse offert par l’impératrice Eugénie et son mari Napoléon III au khédive Ismaïl lors de son mariage.
Bien que la salle renferme de nombreux véhicules hippomobiles de différents genres et formes et fabriqués de différents matériaux comme le bois, le fer et le cuivre, décorés par du verre, du plastique et couverts de tissu, elle renferme également les accessoires des chevaux dont la selle, la bride et le fer-à-cheval. Celle-ci guide ensuite à une salle décorée par une grande peinture rare représentant le wali Mohamad Ali à dos de cheval et où se trouvent les vêtements des cavaliers et leurs équipements équestres.
D’autres objets royaux
Différents styles vestimentaires de chevaliers de l'époque alide.
Bien que le musée soit à l’origine consacré aux carrosses, ses salles renferment aussi une variété de pièces remontant toutes à l’époque alide. Il renferme non seulement des véhicules hippomobiles de valeurs, mais on y trouve encore des peintures géantes des XVIIIe et XIXe siècles, représentant le roi Fouad Ier, sa femme Nazli et sa fille Fawziya. A l’intérieur d’une des salles où est gravé sur sa porte « VIP », le visiteur se trouve dans une salle enrichie de mobilier d’une collection magnifique remontant à la famille alide. Un amalgame de meubles style Louis XV et Louis XVI constitue le salon importé de la Citadelle du Caire. Alors que le bureau du khédive Ismaïl et son grand buste en bronze noir occupent un coin prestigieux à l’intérieur de cette salle. Sur ce bureau se trouve le téléphone doré du roi Fouad Ier. Une douce musique domine la salle VIP à travers le gramophone et le pianola de la princesse Fawziya aux dépens du hennissement des chevaux à l’extérieur qui ne s’entend presque plus. Dans la salle de « réception », le visiteur peut contempler dans les vitrines des échantillons des bijoux royaux. D’autres vitrines renferment les médailles et les broches royaux.
Partout dans le musée, le visiteur se trouve devant des écrans qui diffusent des documentaires en noir et blanc, dont la durée varie entre 3 et 5 minutes, et qui retracent des épisodes de la vie royale des siècles passés. Ce bâtiment historique, les carrosses et calèches, les peintures ainsi que toutes les pièces exposées ont subi une restauration minutieuse depuis 2017 et qui a coûté près de 63 millions de L.E.
Il est à noter que ce musée compte parmi les quatre grands musées mondiaux des carrosses royaux après celui de la Russie, de la Grande-Bretagne et de l’Autriche. Et voilà qu’aujourd’hui, il reprend sa gloire d’antan pour refléter le charme et l’authenticité d’une période importante de l’Egypte moderne.
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