L’ile de zamalek, la valeur et le patrimoine. Tel est le titre d’un nouvel ouvrage qui invite le lecteur à voyager dans le temps dans une agréable excursion de plus de 150 années. Une promenade dans les dédales de l’un des quartiers les plus huppés du Caire, Zamalek. Publié récemment par l’Organisme national de l’harmonisation urbaine, ce livre vise à enregistrer, dans le but de le conserver, le patrimoine architectural et urbain de Zamalek. Rédigé par une équipe d’experts en archéologie, en histoire et en architecture, cet ouvrage est le premier de la série Mémoire de la cité, qui offre des livres visant à exposer la richesse architecturale et distinguée des différents quartiers égyptiens.
Créée pendant la deuxième moitié du XIXe siècle, l’île de Zamalek est étroitement liée au khédive Ismaïl (1863-1879). Auparavant, cette région comprenait de petites huttes qui appartenaient aux pêcheurs pauvres. La hutte signifie zomlok en langue turque et dont le pluriel est zamalek. Le khédive Ismaïl l’a transformée et y a créé l’un de ses plus beaux palais, celui de Guézira, l’actuel hôtel Marriott et le premier édifice construit selon le style européen à Zamalek. Le khédive fait de son palais un lieu de rencontre de l’élite et de l’aristocratie de l’époque, ce qui a encouragé la haute société et les étrangers à y habiter, ainsi que les peintres et les artistes à la recherche du calme pour créer tranquillement leurs oeuvres d’art. C’est en effet de là que vient la distinction de ce quartier qui a eu une grande influence sur la beauté et l’élégance architecturales des édifices.
Une architecture variée et harmonieuse
Le livre expose, à travers ses 8 chapitres, cette relation entre les habitants de Zamalek et leurs édifices. Le quartier Zamalek a acquis sa distinction et sa richesse architecturale grâce à l’amalgame de plusieurs styles architecturaux européens, comme le néoclassique inspiré de l’art gréco-romain que l’on trouve par exemple dans la bâtisse de l’ambassade de la Corée du Nord. «
Cet édifice a un aperçu de l’art de l’Egypte Ancienne », lit-on dans le livre. L’ouvrage met l’accent aussi sur le style néo- Renaissance que l’on trouve clair au Palais Aïcha Fahmi ou le complexe des arts. De même, «
le néo-gothique y est rencontré, malgré sa rareté, c’est l’exemple de la faculté de pédagogie musicale », note-t-on dans le livre.
Le style éclectique domine un nombre considérable des villas du XIXe siècle, le palais Guézira à Zamalek en est un témoin par excellence.
Ces styles architecturaux reflètent la personnalité de leurs propriétaires. « Le style éclectique qui regroupe beaucoup de styles architecturaux, y compris le néo-islamique, reflète la personnalité ouverte du khédive Ismaïl », retrace-t-on dans le livre qui met en évidence l’importance de ce palais, témoignant de la naissance de la cité moderne à l’époque. D’ailleurs, le livre met l’accent sur la réutilisation et l’exploitation de ces bâtiments patrimoniaux : le palais Guézira transformé en hôtel, celui de Samiha Hanem, devenu la Bibliothèque du Caire et beaucoup d’autres transformés en établissements scolaires.
Malgré la diversité de tous ses styles architecturaux, l’harmonie et la beauté dominent Zamalek par excellence, surtout que chaque palais et chaque villa possède son propre jardin. C’est un quartier cosmopolite par excellence. Une beauté due à la position naturelle du quartier. « Etant une île, Zamalek jouit de paysages magnifiques, avec les jardins qui en couvraient une superficie considérable », retrace-t-on.
L’oeuvre d’une trentaine d’architectes
Fusion harmonieuse de plusieurs styles architecturaux dans un seul édifice à Zamalek.
En raison de la richesse des édifices de Zamalek, les auteurs ont consacré tout un chapitre aux architectes, créateurs de ces oeuvres. Leur nombre est 29 architectes dont 21 étrangers qui ont laissé leurs empreintes sur ce quartier. Les architectes italiens occupent un nombre considérable de ces oeuvres architecturales, citons à titre d’exemple Domenico Limongelli, Gaston Rossi et Paolo Caccia Dominioni. Quant aux autres, ils sont de différentes nationalités : anglaise, française, belge, arménienne, russe et grecque. « Les architectes égyptiens avaient aussi leurs contributions dans l’architecture de Zamalek », retrace le livre, à l’exemple d’Antoune Sélim Al-Nahhas, Mahmoud Riyad et Moustapha Fahmi pacha, qui font partie d’une longue liste d’architectes égyptiens.
Le livre jette aussi la lumière sur ce quartier de culture et de littérature par excellence. Dans ce quartier a vécu le romancier britannique Lorence Dariel, l’Egyptien Edward Al-Kharrat et le scénariste Aboul- Séoud Al-Ebiari. Zamalek abrite aussi le nouvel Opéra, la Société égyptienne des études historiques ainsi qu’une série infinie de villas transformées en lieux culturels comme la villa de Choukriya Halim, située rue Hassan Sabri, qui est actuellement le Centre national du théâtre. Le livre mentionne aussi les villas détruites au cours des dernières décennies, comme celle de la diva Oum Kalsoum. Une ancienne photo de la villa est publiée à côté d’une récente photo du même endroit où se trouve une statue de la diva dressée devant un gratteciel dépourvu de toute beauté.
L’ouvrage est enrichi par ses illustrations reflétant non seulement les divers styles architecturaux, mais aussi les photos des personnages qui y ont vécu : Les acteurs Hind Rostom, Mahmoud Al-Melligui et Ismaïl Yassine, ainsi que le chanteur Abdel-Halim Hafez.
Selon les auteurs, ce livre est un moyen de préserver et de documenter ce quartier huppé, tout en sonnant l’alarme de risque de la perte qui poursuit plusieurs zones patrimoniales. C’est le premier livre en son genre, mais pas le dernier puisque le prochain ouvrage sera consacré à un autre quartier vieux et chic, Garden City.
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