La femme a de tout temps eu un statut particulier dans la société égyptienne. Il n’est pas vrai qu’elle a commencé à prendre ses droits à partir des temps modernes mais bien avant. Déjà à l’époque de l’Egypte Ancienne, la femme profitait d’un statut élevé et possédait des droits égaux aux hommes. Des droits auxquels elle n’a accédé que très récemment à l’époque moderne. « L’Ancien Egyptien a imaginé que l’univers est créé à travers deux divinités. Une masculine du nom de Geb, dieu de la terre, et l’autre féminine portant le nom de Nout, déesse du ciel », explique l’archéologue Magdi Chaker, ajoutant que la femme a toujours été une partenaire égale à l’homme dans l’Egypte Ancienne, notamment durant l’époque pharaonique.
Contrairement aux Grecques et Romaines, la femme égyptienne était libre, indépendante et puissante. Elle était même égale à l’homme devant la loi. A cette époque, l’Egyptienne possédait, gérait, décidait et gouvernait.
Selon Ahmad Badrane, professeur d’égyptologie à l’Université du Caire, à cette époque, les femmes en Grèce, connue pourtant comme étant le berceau de la démocratie, valaient moins qu’un esclave. Elles ne pouvaient jamais accéder au statut de citoyennes. « Les Egyptiennes, elles, possédaient des biens, dirigeaient des affaires de commerce, participaient aux récoltes, elles étaient tisserandes, brasseuses, scribes et exerçaient même la médecine », explique Ahmad Badrane.
Le premier médecin de l’histoire humaine était une femme nommée Méret Ptah. Son nom est d’ailleurs encore enseigné dans les écoles de médecine et figure dans toutes les références médicales internationales. Examinant, diagnostiquant et traitant les hommes et les femmes malades, il y a environ 5 000 ans, Dr Méret a vécu lors de la troisième dynastie vers 2700 av. J.-C. pendant le règne du roi Djoser. Elle est aussi la première scientifique dans l’histoire à avoir préparé des composés chimiques, des médicaments et des produits cosmétiques.
Une représentation du « médecin en chef », comme on l’appelait à l’époque, figure sur une tombe dans la nécropole près de la pyramide à degrés de Saqqara. En réalité, Ptah n’était pas seule. Un tiers des scientifiques de l’Egypte Ancienne dans les domaines de la médecine, de la chimie, de la physique et des mathématiques étaient des femmes. « Plus tard aussi, la femme dans l’Egypte Antique a accédé aux plus hautes fonctions de l’Etat jusqu’à celle de vizir. Elle était aussi juge et prêtresse comme Sha-Amun-en-su qui vivait à Thèbes pendant la première moitié du VIIIe siècle av. J.-C. », indique Badrane. Et d’ajouter que les différences de compétence ou de salaire entre hommes et femmes n’existaient pas dans l’Egypte Ancienne.
Des droits sociaux intangibles
Même dans la vie sociale, la femme dans l’Egypte Ancienne était avant-gardiste. Elle avait le droit de choisir son mari, le droit de s’en séparer et d’intenter un procès pour récupérer tous les biens du ménage et gagner ce procès, puis se remarier. L’éducation des filles valait celle des garçons et la naissance d’une fille était accueillie de la même manière que celle d’un garçon. La femme avait aussi droit à l’héritage et à la distribution de ses biens à sa guise.
Les papyrus araméens d’Eléphantine témoignent de droits sociaux de la femme dans l’Egypte Ancienne. Ils relatent l’histoire d’une femme appelée Mibtahyah, née vers 475 av. J.-C. Mariée à quinze ans avec un juif d’Eléphantine, son père lui donne comme dot une maison et un terrain. Veuve sans enfant treize ans plus tard, elle devient propriétaire d’une seconde maison que lui donne son père, suite à son mariage avec un Egyptien. Cette fois, divorcée en 440 av. J.-C., elle garde les maisons, selon le contrat de mariage, et intente un procès qu’elle gagne pour récupérer les autres biens du ménage. Elle épouse un autre Egyptien, qui la laisse une nouvelle fois veuve avec deux fils vers 420 av. J.-C. et meurt dix ans plus tard. Des droits pour lesquels se bat la femme d’aujourd’hui.
La liberté de la femme apparaît de même dans son mode vestimentaire par rapport à nos jours. « Dans l’Egypte Ancienne, elle pouvait s’habiller à sa guise, se permettre de porter des vêtements transparents et marcher librement sans être taquinée ou harcelée », indique Badrane, racontant que lorsque le nombre d’étrangers a augmenté en Egypte, les femmes ne pouvaient plus marcher librement. Alors, le roi Ramsès III a créé la police de la rue et a ouvert les jardins de son palais pour les femmes, afin qu’elles puissent se balader à leur aise.
Un rôle politique majeur
Même dans la vie politique, la femme a joué un rôle important dans l’histoire de l’Egypte Ancienne. « On peut dire que la civilisation égyptienne doit une grande partie de son rayonnement et peut-être même sa longévité aux femmes », souligne Badrane. La reine Téti Chéri de la XVIIe dynastie a joué un rôle majeur dans la libération de l’Egypte de la colonisation des Hyksos.
C’est grâce à elle et à sa fille, la reine Iyah Hotep, que son petit-fils le roi Ahmosis Ier a lutté contre les usurpateurs et les a renvoyés du pays. Sa mère, Iyah Hotep, a dirigé elle-même des troupes militaires et a participé aux combats. Dans sa tombe, plusieurs outils de guerre ont été découverts comme la hache, le poignard et un nombre de médailles et de décorations militaires. Elle a préservé et dirigé le pays au nom de son fils.
La plus ancienne régente connue est la reine Ankhnespepy II qui était l’épouse de deux pharaons de la VIe dynastie et mère d’un troisième, Pépy II. « C’était la mère, et non pas l’oncle ou le frère, qui devenait régente, car les Egyptiens étaient convaincus que la femme était la personne la plus capable d’assumer cette fonction et de diriger le pays. Ceci puisqu’elle était aux côtés de son mari le roi à chaque pas, et qu’elle était la seule pouvant permettre à son pays de traverser cette période délicate, jusqu’à ce que son fils atteigne l’âge majeur. C’est Ankhnespepy II qui a tenu, seule, les rênes du pouvoir, alors que son fils était encore enfant », indique l’archéologue Hamada Qellawi.
Il y a une autre grande reine de la civilisation égyptienne, c’est la mère d’Akhenaton, la reine Tyi. C’est elle qui a initié son fils au monothéisme et aux arcanes du pouvoir. « Tyi était, aux côtés de son époux le roi Amenhotep III, une diplomate douée qui aidait le roi pour gérer les affaires étrangères. Vers la fin du règne de son époux, c’est elle qui a pris le pouvoir à la tête du royaume », raconte Qellawi. Sa belle-fille, la reine Néfertiti, était aussi aux côtés de son époux Akhenaton pendant plus de dix-sept ans.
« Sans le soutien de cette reine légendaire, Akhenaton n’aurait jamais pu mener sa révolution monothéiste, politique, artistique et même idéologique », assure Ahmad Badrane, professeur d’archéologie à l’Université du Caire. Et d’ajouter que les bas-reliefs et les fresques de l’époque représentent souvent le couple légendaire, Akhenaton et Néfertiti, comme amoureux ou en famille, avec leurs enfants.
Venons-en à la reine Hatchepsout, qui était la cinquième pharaonne de la XVIIIe dynastie. Elle a dirigé l’Empire égyptien au même titre qu’un homme. Fille de pharaon, elle a tout d’abord été régente de son neveu, et a pris le pouvoir après plusieurs décès dans son entourage. Sur les fresques et reliefs, elle est représentée avec tous les attributs du pharaon, à commencer par le pagne et la barbe postiche.
« Hatchepsout est la seconde femme à devenir pharaonne d’Egypte après la reine Sokneferu, dernière pharaonne de la XIIe dynastie, et parmi plus de 50 femmes qui ont dirigé l’Egypte Ancienne », conclut Ahmad Badrane .
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