C’est au pied des pyramides que s’est tenu le XIIe Congrès International des Egyptologues (CIE) cette semaine, à l’hôtel Marriott Mena House. 600 personnes avaient fait le déplacement en Egypte pour être au fait des dernières découvertes.
C’est la quatrième fois que l’Egypte accueille ce congrès. Le premier regroupement de scientifiques avait d’ailleurs eu lieu ici en 1976, puis en 1988 et 2000. « Mais c’est la première fois que je vois un si grand nombre de participants », assure l’égyptologue Mahmoud Afifi, qui souhaiterait que ces rencontres se tiennent chaque année ici pour pouvoir améliorer les travaux archéologiques. « J’avais assisté au même congrès en Italie comme ministre des Antiquités en 2015. Je constate, jour après jour, que la passion de l’égyptologie est en recrudescence », explique Mamdouh Al-Damati, ex-ministre égyptien des Antiquités. Au cours de cette session, près de 600 personnes entre experts, professeurs, étudiants et passionnés par cette science étaient présents, dont 375 interlocuteurs provenant de 30 pays différents et une centaine d’étudiants égyptiens. Selon Laurent Bavay, ex-directeur de l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) et membre du comité scientifique du congrès, le comité a reçu des documents de plus de 500 personnes voulant présenter au public leurs travaux archéologiques. « Nous ne pouvions pas les prendre tous. Les travaux les plus récents et les plus intéressants ont été sélectionnés », explique-t-il. Lui-même a d’ailleurs présenté, le premier jour du congrès, les travaux effectués par sa mission archéologique opérant à Thèbes dans la tombe de Khay, vizir de Ramsès II.
14 thèmes
Les débats lors du congrès étaient diversifiés et d’une grande richesse. Les sessions étaient réparties en 14 thèmes couvrant tous les volets essentiels de l’égyptologie. A l’exemple des nouvelles méthodes de travail sur le chantier, l’art et l’architecture, la gestion des sites, la conservation et la préservation des monuments, la langue, la littérature et les textes ainsi que les pensées religieuses. « Bien que les thèmes soient classiques et généraux, ils sont tous intéressants. Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les fouilles et leurs résultats », souligne Cédric Gobel, directeur de la Société égyptienne d’exploration (EES) en Egypte.
Parmi les sessions les plus intéressantes du congrès, celle portant sur les dernières fouilles et découvertes exécutées par les missions archéologiques égyptiennes. Moustapha Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA), a mis l’accent sur les efforts déployés par les missions égyptiennes ainsi qu’étrangères. « Au cours des 4 dernières années, le nombre des missions archéologiques opérant sur les sites en Egypte a augmenté pour atteindre 250 », indique-t-il, soulignant que la récente découverte de la cachette d’Al-Assassif à Louqsor est l’une des plus importantes du siècle, puisque plus de 30 sarcophages ont été découverts intacts et en très bon état de conservation. « Vu l’importance de cette découverte, nous avons l’intention de consacrer une salle spéciale à ces sarcophages au nouveau Grand Musée égyptien (GEM) lors de son inauguration en 2020 », a-t-il ajouté. Avant d’annoncer qu’une prochaine découverte sera présentée le 23 novembre à la nécropole de Memphis, à Saqqara.
Parmi les thèmes les plus intéressants qui ont été traités lors du congrès, la traduction des textes hiéroglyphiques. « L’archéologie apporte toujours des choses impressionnantes complètement nouvelles qu’on n’a jamais imaginées », indique l’égyptologue Laure Pantalacci, vice-président de l’Association internationale des égyptologues, qui organise cet événement. « Ce ne sont pas uniquement les fouilles qui nous apportent des choses nouvelles, mais c’est plutôt la compréhension des textes déjà découverts qui apporte du nouveau à cette science », souligne-t-elle, en précisant que les découvertes ne proviennent pas seulement des fouilles effectuées dans les chantiers archéologiques, mais aussi des études des pièces qui se trouvent dans les entrepôts des musées où l’on peut découvrir quelquefois des choses intéressantes, et l’archéologie des textes.
Les 30 sarcophages découverts à Al-Asassif, en octobre 2019.
Pour sa part, le ministre Khaled El-Enany a présenté les travaux du ministère des Antiquités en citant les différents et importants projets exécutés pendant ces dernières 4 années. « Outre les découvertes archéologiques, le ministère a déployé des efforts exceptionnels pour reprendre les travaux suspendus il y a plusieurs années », explique-t-il, citant un très grand nombre de projets inaugurés pendant cette période, à l’exemple du Musée d’art islamique endommagé par une bombe en 2014, le Musée de Mallawi et celui de Sohag. Le ministre a également souligné les travaux de sauvetage de quelques temples, comme celui d’Edfou et de Kom Al-Choqafa, en plus des travaux de restauration et d’anastylose de certains monuments. « On travaille en parallèle entre fouilles, restauration et reconstruction des statues et des obélisques endommagées », a souligné El-Enany, ajoutant que « lors de ce congrès, nous avons pu révéler et mieux faire connaître une partie des secrets de la plus grande et plus ancienne civilisation du monde à travers les discussions sur différents axes importants concernant l’histoire de l’Egypte Ancienne, les méthodes modernes utilisées dans le travail de fouille archéologique, la gestion des sites et d’autres ».
Un tremplin pour les jeunes archéologues
Pour les jeunes archéologues, ce congrès est une tribune en or. « C’est une chance de pouvoir présenter nos derniers travaux et études devant les plus grands égyptologues », indique Essam Nagui, jeune égyptologue du ministère des Antiquités, qui a présenté, lors d’une des sessions, les travaux effectués au sud du Xe pylône des temples de Karnak. « Les découvertes, ainsi que l’anastylose de la chapelle d’Ozir-Ptah, de la XXVe dynastie, ouvriront de nouveaux circuits de visites touristiques aux temples thébains », assure-t-il. Paroles appréciées par plusieurs archéologues de différents pays. « Bien que ces jeunes égyptologues aient leur propre congrès et association active depuis quelques années, être présent aux côtés des égyptologues de renom reste un privilège pour eux et une richesse pour les deux. C’est l’occasion de voir comment les thèmes de recherches évoluent », explique Pantalacci.
Pour sa part, Christopher Naunton, directeur de l’Association Internationale des Egyptologues (AIE), a félicité la bonne organisation du congrès de la part du ministère des Antiquités et aussi le programme des visites touristiques variées, organisé en marge de la conférence. Il a aussi présenté, lors de son discours, son successeur à la tête de l’association, Willeke Wendrich, de l’UCLA (encyclopédie d’égyptologie en ligne), et annoncé le lieu du prochain congrès : l’Université de Leiden, aux Pays-Bas, en 2023.
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