Trente sarcophages anthropoïdes intacts en bois, scellés et dont la plupart sont magnifiquement peints ont été mis au jour par la mission archéologique égyptienne opérant sur le site de la nécropole d’Al-Assassif, à quelques pas du temple de la reine Hatshepsout, à Louqsor. Ils remontent à la XXIIe dynastie pharaonique. « C’est une découverte unique faite par une équipe égyptienne d’archéologues, de conservateurs et de travailleurs », a déclaré Moustapha Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) et président de la mission. La deuxième saison de fouille de la mission a commencé il y a 2 mois. « La semaine dernière, nous avons entendu le cri de l’un des travailleurs, qui avait trouvé un sarcophage au nord de la cour découverte en novembre 2018. Puis les trouvailles de sarcophages se sont succédé. On est arrivé au nombre de 30 », a indiqué, avec fierté, Waziri.
En dessablant le sol, et à seulement un mètre de profondeur, les sarcophages ont été trouvés empilés les uns sur les autres, en deux colonnes : la première en renfermait 18 et la deuxième 12. « C’est une tombe collective de prêtres et de prêtresses de la XXIIe dynastie, adorateurs des dieux Amon et Khonsou », a expliqué Waziri, assurant que les études préliminaires de l’état et des inscriptions ainsi que des momies conservées dans du lin permettront de dévoiler l’histoire de ces sarcophages et de connaître la raison pour laquelle ils ont été posés à l’abri dans cette cachette. 23 sarcophages appartiennent à des hommes, 5 à des femmes et 2 à des enfants. « Ces sarcophages appartiennent à une famille importante de prêtres », a souligné Waziri.
En ouvrant l'un des sarcophages, la momie et les inscriptions à l'intérieur apparaissent.
Lors de l’annonce de la découverte, samedi 19 octobre, deux sarcophages ont été ouverts devant le public. « Les momies à l’intérieur sont couvertes de lin et très bien conservées », a déclaré Khaled El-Enany, ministre égyptien des Antiquités, ajoutant qu’il est heureux de la découverte d’une cachette intacte de prêtres sur cette nécropole. « C’est la première cachette de cette sorte découverte à Louqsor depuis la fin du XIXe siècle », a-t-il assuré, notant que parmi les caches, il y avait celles des momies royales d’Al-Deir Al-Bahari, trouvées en 1881, celle du roi Amenhotep II, en 1898, et celle des prêtres de Bab Al-Gasos, découverte en 1891.
Cette découverte est, d’après le célèbre égyptologue Zahi Hawas, exceptionnelle, d’autant plus que les 30 sarcophages sont en très bon état de conservation. « On voit que c’est le même atelier qui a fabriqué ces cercueils », a-t-il dit, ajoutant que les prêtres en ce temps-là étaient forts, détenaient des positions importantes et dirigeaient tout le sud du pays. Plusieurs sarcophages sont finement décorés, d’autres sont incomplets, alors que quelques-uns sont dépourvus d’inscriptions. Les inscriptions multicolores ont été faites sur un fond jaune, sur lequel on distingue des oiseaux, des serpents ou encore des fleurs de lotus. Il y a également des hiéroglyphes qui citent le nom de diverses divinités égyptiennes auxquelles était voué un culte particulier sur la rive ouest de Thèbes, tels qu’Amenhotep Ier et Hathor, ainsi que des scènes du Livre des Morts et les titres des défunts. « Des recherches supplémentaires seront menées sur les sarcophages et les momies pour déceler plus de secrets », a déclaré Waziri.
Il a été décidé de transporter les sarcophages au Caire pour les restaurer. « Ces sarcophages feront partie de l’une des galeries du Grand Musée Egyptien (GEM) lors de son inauguration vers la fin 2020 », a affirmé Al-Tayeb Abbas, superviseur du GEM, indiquant que tous les détails concernant cette découverte seront dévoilés.
Cachette et allégations
Si les archéologues estiment avoir fait la découverte du siècle, des voix se sont élevées pour protester. Certains historiens assurent, en effet, qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle découverte. Ils soutiennent que cette cachette n’est qu’un abri utilisé en 1967, lors de la guerre égypto-israélienne. Selon eux, quand Israël a bombardé Louqsor, les archéologues responsables à l’époque avaient transporté ces sarcophages de la rive est de Louqsor vers Al-Assassif, à l’ouest, pour les mettre à l’abri dans cette cachette. L’historien Ahmad Issa exhorte donc les responsables du ministère des Antiquités à analyser les archives du ministère pour prouver qu’il s’agit de nouveaux sarcophages.
Ces allégations sont catégoriquement rejetées par le ministère, comme l’a indiqué Khaled El-Enany lors de la conférence de presse du 19 octobre. Moustapha Al-Saghir, directeur des temples de Karnak, est lui aussi formel. « C’est l’une des plus grandes et des plus importantes découvertes de ces dernières années. Pourquoi veulent-ils voler nos efforts et notre succès ? », dit-il, ajoutant que ces sarcophages ne sont pas documentés dans les archives du ministère. D’après lui, il s’agit d’une fausse hypothèse de la part des historiens, car il est impossible de transporter ce grand nombre de sarcophages de l’est de la ville vers l’ouest et de les empiler de cette manière.
Lors de la découverte, les sarcophages ont été trouvés empilés.
L’égyptologue Mohamad Saleh, conservateur d’Al-Gorna, à Louqsor, dans les années 1960, se souvient que lorsque l’aéroport de Louqsor a été bombardé, le ministère avait transporté quelques pièces antiques et les avait regroupées dans la grande tombe de la plaine d’Al-Assassif, au pied du temple de Deir Al-Bahari, soit la tombe TT 33 de Padiamenopé, qui date de la fin de la XXVe ou du début de la XXVIe dynastie (vers 650 av. J.-C.). Or, il assure : « Il y a une quinzaine d’années, toutes les pièces sont retournées aux entrepôts de Louqsor ».
« Les études de la géographie du terrain et des sarcophages dévoileront si ces derniers ont été déplacés ou non, et à quelle époque », souligne Al-Saghir, estimant toutefois que c’est plutôt au cours de l’époque tardive, quand les pillages de tombes étaient fréquents, que les sarcophages ont été déplacés et empilés les uns sur les autres, puis recouverts de sable. Il y a plus de 3 000 ans, les pilleurs de tombes étaient, en effet, nombreux aux quatre coins du pays, volant des collections funéraires trouvées dans les tombes et détruisant les sarcophages et les momies.
« Cette découverte spectaculaire vient s’ajouter aux dizaines d’autres faites pendant ces deux dernières années. Elles viennent non seulement enrichir le domaine de l’archéologie, mais encore aider à promouvoir le tourisme, qui est en bonne voie actuellement », conclut El-Enany.
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