Une tombe, un centre industriel et une trentaine d’ateliers de la XVIIIe dynastie ont été découverts la semaine dernière dans la Vallée des singes, sur la rive ouest de Louqsor.
Ces trouvailles viennent répondre à une question jusqu’à présent sans réponse, à savoir celle du mode de construction et de l’équipement des tombes royales des XVIIIe et XIXe dynasties. Mais grâce au travail de la mission archéologique égyptienne dirigée par Zahi Hawas, opérant dans la Vallée des singes, sur la rive ouest de Louqsor, les réponses à cette question se précisent.
« Travailler dans cette zone rocheuse et sablonneuse était un grand défi », souligne Zahi Hawas. L’égyptologue dirige la première mission archéologique égyptienne qui opère dans la Vallée ouest (Vallée des singes) et dans la Vallée des rois. « Près de 3 000 blocs de pierres ont dû être déplacés pour pouvoir commencer le travail sur le chantier », souligne-t-il.
Cette mission, réunissant près de 120 personnes, avait commencé à travailler sur place il y a une dizaine d’années. Mais à cause de l’instabilité politique du pays à cette époque, elle avait dû cesser les opérations et n’est revenue qu’en 2017 sur place, croyant toujours en la richesse cachée dans cette vallée étroite. Et ses récentes découvertes en attestent. « La mission égyptienne dévoile aujourd’hui de nouveaux secrets sur la manière utilisée dans la construction des tombes bâties pendant le Nouvel Empire », a déclaré Moustapha Waziri, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA), lors de la conférence de presse annonçant ces découvertes exceptionnelles, arrivées un peu par hasard. Car au départ, l’égyptologue était à la recherche de tombes royales. A croire que l’histoire se répète, car c’est lui aussi qui avait découvert à Memphis, au Caire, les tombes des bâtisseurs des pyramides, toujours par hasard.

Ici, sur la rive ouest de Louqsor, le travail de la mission a commencé en face de la tombe royale d’Amenothep III, qui a régné vers 1390-1350 av. J.-C. Elle se situe dans la Vallée des singes où se trouvent les quatre entrepôts de meubles funéraires découverts lors de l’Expédition de Bonaparte, débutée en 1799. « L’existence des entrepôts était la preuve pour les membres de la mission de l’existence de tombes royales au même endroit », a expliqué Moustapha Waziri, soulignant que la mission a aussi découvert des caves avec des graffitis appartenant à des ouvriers, toujours autour de ces entrepôts. A l’intérieur de ces caves, la mission a trouvé des ostracas sur lesquels sont gravés des visages humains et des cobras. « Ces résultats m’ont encouragé à continuer les fouilles, car ce sont des indices qui prouvent la présence d’une tombe royale », explique Zahi Hawas. Quelques mois plus tard, lors d’un colloque à l’Université italienne de Torino, l’égyptologue présente sa théorie, ce qui motive les Italiens à envoyer aussi une équipe sur place, équipée d’un scanner très sophistiqué pour examiner le sol. La théorie de Zahi Hawas est confirmée : il y a bien l’entrée d’une tombe à presque 5 m de profondeur.
Mais pour commencer les fouilles, l’égyptologue doit attendre le financement de la chaîne américaine Discovery, qui, depuis 2017 jusqu’au début de 2019, a financé les fouilles. (Ce sont les Japonais de l’Université de Waseda qui financent aujourd’hui les travaux). Fin 2017 donc, la mission réussit à atteindre l’entrée d’une tombe. Selon les chercheurs sur place, celle-ci ressemble typiquement à l’entrée de la tombe du roi Toutankhamon. Au sein de cette tombe, que Zahi Hawas a nommée KV65, la mission a trouvé des restes de lin, des cordes, de la cire, des plumes pour écrire, les os de quelques animaux ainsi qu’une planche en bois utilisée pour le transport du mobilier funéraire. Sur cette planche est écrit en hiéroglyphes : Seigneur des deux pays.
Dans la Vallée des singes, cinq tombes, dont deux royales et trois autres dépourvues d’inscriptions, ont à ce jour été découvertes et une nouvelle théorie est depuis avancée. « Je suis certain que la zone située entre les deux tombes royales d’Amenhotep III et d’Aÿ abrite les tombes des membres de la famille d’Akhenaton, père de Toutankhamon », a déclaré Hawas, soulignant être à la recherche de la tombe de la reine Néfertiti ou celle de l’épouse du roi Toutankhamon, la reine Ankhsenamon, et des soeurs du jeune pharaon.
30 ateliers spécialisés
« Non loin des entrepôts, on a découvert les escaliers utilisés par les artisans de Deir Al-Madina (au nord de la vallée), pour aller à leur travail soit à cette vallée ou à celle des rois », explique Hawas. La mission a découvert deux grandes fosses. D’après leurs formes, les archéologues pensent qu’elles devaient servir de lieu de stockage des graines. Ils ont également découvert un four pour la fabrication de la poterie. La deuxième fosse servait comme réservoir d’eau pour les artisans. « Entre les deux grandes fosses, on a découvert de nombreuses pièces de valeur comme une bague en cuivre sur laquelle apparaît le nom du pharaon Amenothep III qui était certainement considéré comme un dieu pour les Anciens Egyptiens », dit-il. Selon lui, la mission a été chanceuse de trouver des pièces dorées comme les ailes d’Horus qui décoraient le bois des sarcophages royaux ainsi que des pièces antiques qui ornaient les gilets de fête du roi, ainsi qu’une autre bague en argent pour une reine (anonyme) et des tables d’offrandes.
Continuant ses recherches et ses fouilles, la mission a mis au jour 30 ateliers de différentes activités dont le plus important est celui du nettoyage de l’or et de sa fabrication ; selon les archéologues, les pièces en or étaient ramenées à cet atelier pour retrouver leur éclat. Parmi les ateliers découverts : un pour le coloriage des pots, un autre pour la fabrication des mobiliers funéraires, un autre pour le broyage des graines. « Les pots trouvés dans cet atelier ressemblent à ceux découverts, en 1907, dans la tombe KV54, utilisée comme cachette de quelques matériaux d’embaumement de Toutankhamon dans la Vallée des rois dont une partie est exposée au Metropolitan Museum of Art aux Etats-Unis », renchérit Waziri. Bien que les découvertes dévoilées par la mission ne soient pas royales, comme l’espérait Hawas, leur importance archéologique reste d’une grande valeur scientifique, surtout qu’elles jettent la lumière sur des détails encore inconnus pour les spécialistes.
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