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La tékiya d'Aboul-Dahab accueille Naguib Mahfouz

Dalia Farouq, Mardi, 30 juillet 2019

Longtemps attendu, un musée dédié à Naguib Mahfouz a ouvert ses portes cette semaine à la tékiya de Mohamad Beik Aboul-Dahab. Cet édifice est situé dans le quartier d’Al-Azhar, qui a servi de cadre à de nombreux romans du célèbre écrivain égyptien.

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Une grande photo de Naguib Mahfouz trône sur la cour de la Tékiya d'Aboul-Dahab.

13 ans après la mort de Naguib Mahfouz, un musée consacré au grand écrivain égyptien et lauréat du prix Nobel de littérature voit enfin le jour. C’est la tékiya de Mohamad Beik Aboul-Dahab, fondée en 1774, dans le quartier d’Al-Azhar, que l’écrivain a tant décrite dans ses oeuvres, qui abrite ce musée. « Je me rappelle, lorsque j’étais petit, je voyais une tékiya (lieu d’hébergement pour les soufis et les pauvres, ndlr) dont personne ne s’approchait. Lorsque j’ai commencé à écrire des romans, j’ai trouvé que c’était une bonne matière pour en faire un centre spirituel. Si l’on considère la hara (ruelle, ndlr) comme emblème du monde, de l’Egypte et de toute l’humanité, on doit avoir un centre spirituel. C’était la tékiya ». C’est ainsi que Mahfouz a décrit sa conception de la tékiya lors d’une interview télévisée.

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« Le choix de la tikiya pour accueillir les trésors de Mahfouz et les exposer est génial. Elle se trouve au centre du Caire historique, à deux pas de la maison où est né Mahfouz, au quartier de Gamaliya. En outre, il se trouve dans une hara, longtemps et parfaitement décrite par le grand écrivain dans ses chefs-d’oeuvre et dont il s’inspirait pour la plupart des héros de ses romans, comme pour Awlad Haretna (les fils de la médina) et sa célèbre trilogie Bein Al-Qasrein (l’impasse des deux palais), Qasr Al-Choq (le palais des désirs) et Al-Sokkariya (le jardin du passé) », s’est réjoui Khaled El-Enany, ministre des Antiquités, lors de l’inauguration du musée sous le nom de Centre de créativité et musée Naguib Mahfouz.

Né en 1901, Naguib Mahfouz a passé une grande partie de sa vie dans Le Caire historique, avant de déménager à Abbassiya. On trouve d’ailleurs l’ambiance des quartiers d’Al-Azhar et d’Al-Hussein dans la plupart de ses oeuvres. Gamal Moustapha, directeur du secteur des monuments islamiques et coptes auprès du ministère des Antiquités, indique que c’est le comité permanent des antiquités qui a accepté la demande du ministère de la Culture d’utiliser le bâtiment de la tékiya pour y installer un musée pour Naguib Mahfouz. En 2017, le ministère de la Culture a lancé les démarches en coopération avec le ministère des Antiquités. « Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une tendance de la part du ministère des Antiquités à réutiliser les sites antiques pour des projets culturels, ce qui permet de les maintenir vivants et de les conserver », indique Moustapha.

Plusieurs édifices antiques se sont ainsi transformés en centres culturels ou en musées, tels la maison Al-Séheimi, transformée en centre culturel, et le sabil (fontaine publique) de Mohamad Ali, devenu le Musée du textile. Pour le projet du Musée de Naguib Mahfouz, exécuté par le Fonds du développement culturel, les employés de l’administration du ministère des Antiquités, qui occupaient le rez-de-chaussée du monument, ont déménagé au deuxième étage, libérant ainsi 36 salles, qui sont actuellement consacrées au Musée de Mahfouz. « On a été ravi lorsqu’Oum Kalsoum, la fille de Naguib Mahfouz, a accepté de nous donner les affaires personnelles du grand intellectuel ainsi qu’une grande partie de sa bibliothèque, qui constituent la base de ce musée », indique Inès Abdel-Dayem, ministre de la Culture.

Objets personnels et bibliothèque

La fille de Mahfouz, qui était présente lors de la cérémonie d’inauguration, a d’ailleurs beaucoup apprécié la création d’un musée pour son père à cet endroit précis, dont elle garde de beaux souvenirs avec son père et sa famille. « C’est vrai que cela a un peu tardé à cause de la bureaucratie, mais voilà que Naguib Mahfouz renaît à travers son musée, qui commémore son histoire », se réjouit Oum Kalsoum Naguib Mahfouz.

La muséologie relate la vie du lauréat du prix Nobel tant à travers ses affaires personnelles, comme ses lunettes, les cahiers où il notait ses idées, sa célèbre canne, ses crayons et les prix qu’il a reçus, qu’à travers trois bibliothèques qui renferment les livres qu’il a écrits, ceux qui ont été écrits sur lui, ceux qu’il conservait dans sa bibliothèque ou ceux qui lui ont été offerts et portent des dédicaces d’autres grands écrivains, comme de l’auteur égyptien Sarwat Okacha ou de l’auteur brésilien Paulo Coelho. « La muséologie est aussi belle que satisfaisante pour moi, puisqu’elle relate toutes les phases de la vie de mon père, tout en mettant l’accent sur son rôle pionnier pour développer le roman égyptien. J’ai été vraiment touchée par la salle qui porte le nom d’Al-Harafiche, qui était le nom du groupe d’amis de Mahfouz, qui regroupait une élite d’écrivains, d’intellectuels et d’artistes qui se réunissaient périodiquement », explique Oum Kalsoum.

Al-Hara, Rissaä, Ahlam Al-Rahil, Asdaë Al-Sira, Tagalliyat et Nobel, tels sont les noms de quelques autres salles du musée, qui relatent chacune une partie de la vie du célèbre auteur ou mettent l’accent sur son oeuvre. Par exemple, la salle Ahlam Al-Rahil raconte la dernière décennie de sa vie, après la tentative d’assassinat qu’il a subie et qui a affecté sa capacité d’écrire. Cette salle renferme des photos de l’écrivain, des cahiers qui portent des notes qu’il essayait d’écrire de sa main gauche ou encore le costume qu’il portait lors de la tentative d’assassinat.

Le centre est aussi doté d’une cinémathèque, qui diffuse les films de Mahfouz ainsi que d’une salle d’expositions et d’une autre pour les conférences.

A l’instar du Musée de Molière en France, de celui de Charles Dickens ou d’Edgard Allan Poe aux Etats-Unis, le Musée de Naguib Mahfouz devrait attirer les amateurs de la littérature de Naguib Mahfouz, dont la renommée dépasse de loin les frontières égyptiennes.

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