Bien que sa valeur archéologique, historique et artisanale soit presque égale à celle de la rue Al-Moez, le site Al-Hattaba, situé dans le quartier Khalifa, dans Le Caire historique, est marginalisé. Pourtant, Al-Hattaba, dont la superficie totale atteint 38 500 m2, fait partie de l’enceinte archéologique de la Citadelle Salaheddine, une situation qui redouble donc l’importance et l’urgence de sa préservation.
L’ONG Al-Fekr Al-Omrani pour l’architecture, l’urbanisme et l’artisanat patrimoniaux (Megawra), en partenariat avec le secteur des antiquités islamiques et coptes du ministère des Antiquités, ont effectué une étude pour sauver Al-Hattaba, et le transformer en un site touristique attrayant. « L’objectif vise à réveiller la conscience patrimoniale de la communauté locale et travailler sur la préservation des monuments restaurés du quartier Khalifa », souligne Mohamad Abdel-Aziz, directeur général du Caire historique auprès du ministère des Antiquités. Il ajoute que « les membres de l’ONG Al-Fekr Al-Omrani ont une bonne expérience dans le développement des sites patrimoniaux détériorés. Ils ont déjà restauré la mosquée Al-Chaféi, les dômes d’Al-Sayéda Roqqaya, petite-fille du prophète Mohamad, celui de sa tante paternelle Atéka, et d’Al-Gaafari, l’un des amis du prophète, (mi-XIIe siècle) ainsi que la coupole de Chagar Al-Dorr (1250), dernière sultane ayyoubide. Et tout ce travail a été fait en intégrant la communauté locale », souligne Abdel-Aziz. La région d’Al-Hattaba et ses monuments seront soumis à des fouilles archéologiques et à une restauration avant le commencement de l’étude de réaménagement.
Al-Hattaba, créé pendant l’époque ayyoubide, tire son nom du fait que le quartier fournissait la Citadelle le bois de chauffage (hatab), ainsi que les reliefs et motifs ornementaux fabriqués en bois. Ses monuments remontent aux époques mamelouke et ottomane. De l’époque mamelouke demeurent aujourd’hui le mausolée Al-Chorafa (les nobles, 1494), Khanqah Nizame Al-Dine (1356), la mosquée et le complexe de Manjaq Al-Youssofi (1349), le bassin de l’émir Chaikho, et le dôme de Younès Al-Dawadar construit en 1381.
Alors que parmi les édifices érigés au cours de l’époque ottomane, on trouve encore la fontaine Abdel-Raman Katkhoda qui date de 1744. La plupart des monuments mamelouks se trouvent dans la rue Bab Al-Wadaa (la porte d’adieu). « Ceci indique que les habitants du Caire des époques ayyoubide et mamelouke n’avaient que ce chemin pour sortir de la capitale », explique Abdel-Aziz.
Plusieurs activités artisanales d’une importance majeure y sont encore exercées aujourd’hui. Al-Hattaba est connue pour la menuiserie, avec toutes ses productions comme le mobilier orné de motifs floraux, les tableaux et les boîtes incrustées de coquillages. Des pièces d’Al-Khiyamiya, type de tissu brodé, y sont aussi toujours confectionnées. Avec ses ruelles montantes, Al-Hattaba possède un paysage panoramique exceptionnel et attire toujours de nombreux visiteurs, comme des peintres et des professeurs des beaux-arts venus faire découvrir la richesse des lieux à leurs élèves. « Al-Hattaba est un excellent exemple patrimonial pour les étudiants », explique Abdel-Aziz Al-Guindi, professeur d’architecture à la faculté des beaux-arts de l’Université de Hélouan. Pour lui, la position des maisons avec les arbres représente un tableau artistique inspirant. « Je suis attirée par les portes des maisons et leurs cadres variés », souligne Menna, étudiante en pleine création d’un tableau.
Un Circuit touristique en création
« Notre plan de développement de la région Al-Hattaba est basé sur toutes ces ressources historiques, archéologiques, humaines et économiques qui représentent un patrimoine matériel et immatériel riche. Un circuit touristique sera donc imaginé autour de ce trésor patrimonial », explique l’ingénieur Héba Negm, membre de l’ONG Megawra, et responsable de l’étude.
Al-Hattaba se situe au nord de la Citadelle devant Al-Bab Al-Guédid (la nouvelle porte), qui sera le point de départ du circuit touristique proposé. Celui-ci débutera dans une longue rue de près de 2 km, parallèle à la muraille de la Citadelle. Selon le projet, des bazars y seront ouverts où seront vendues les oeuvres artisanales produites par les habitants d’Al-Hattaba. « C’est tout un complexe artisanal où les touristes auront le droit de participer à la fabrication des pièces, avant de les acheter », explique Héba Negm, ajoutant que cette rue « touristique » renfermera aussi un espace culturel.
La visite se poursuivra avec la découverte du mausolée d’Al-Chorafa (nobles). « Ce bâtiment sera restauré et transformé en centre pour l’enseignement des conceptions décoratives inspirées de la région », explique l’ingénieur Héba Negm.
Le circuit mènera ensuite le visiteur vers un endroit nommé « Al-Sahara » (le désert). D’après le plan général, dans cet espace vide sera aménagé un complexe touristique avec des kiosques artisanaux, des ateliers d’artisans et des lieux pour accueillir des concerts. A proximité d’Al-Sahara se trouve le jardin d’Al-Hattaba, longtemps recouvert par des tas d’ordures. « L’année dernière, la compagnie Chipsy Egypte a financé la transformation de cet espace en jardin qui sert aujourd’hui de lieu de détente pour les habitants d’Al-Hattaba », explique l’architecte Farah, membre de l’ONG.
Sur les hauteurs d’Al-Hattaba se trouve « Al-Khanqah Al-Nizamiya », où vivaient les soufis. « Dressée sur l’endroit le plus élevé de cette zone, la Khanqah Nizamiya offrira une vue panoramique sur tout Le Caire historique », souligne Héba Negm, précisant qu’un restaurant y sera installé. Néanmoins, la réalisation de ce projet sera précédée de fouilles archéologiques et de la restauration des maisons et d’Al-Khanqah. Le circuit conduira ensuite à la route de Bab Al-Wadaa menant aux édifices mamelouks qui seront transformés en musées racontant l’histoire d’Al-Hattaba et plus largement du Caire historique.
Le dernier arrêt de ce circuit sera au centre de services, un lieu aux multiples fonctions. Il y aura un département pour servir les touristes, un autre consacré aux activités des femmes de la région et un troisième qui abritera un centre sportif pour les jeunes.
Ce projet vise à servir à la fois les touristes et les visiteurs d’Al-Hattaba, mais aussi la communauté locale, notamment les femmes et les artisans.
Des musées proposés
Outre le circuit touristique réaménagé pour la visite de cette partie historique du Caire, quelques monuments seront transformés en musées. Dans l’espace de la fontaine Katkhoda, qui remonte à l’époque ottomane, on pourra découvrir l’histoire de l’eau depuis l’an 641, début de l’époque islamique en Egypte. Ce musée va, par exemple, exposer les photos des porteurs d’eau. Il y aura aussi les jarres et les récipients d’eau et leur évolution à travers les époques islamiques. Alors que le bassin de l’émir Chaikho, de l’époque mamelouke, sera un musée consacré au pèlerinage. Localisé sur la route de Bab Al-Wadaa, il était utilisé par les pèlerins pour partir à La Mecque. Ce musée racontera l’histoire du voyage saint avec toutes ses préparations, ses festivités et ses rites.
Dans le dôme Younès Al-Dawadar, situé juste à côté du cimetière de Bab Al-Wazir, une promenade architecturale sur l’évolution des mausolées du Caire depuis l’arrivée de Amr Ibn Al-Ass, en 641 jusqu’à la fin de l’époque ottomane en 1922, sera proposée. Enfin, le complexe de Manjaq Al-Youssofi, qui se compose d’une mosquée, d’un réservoir, d’une tékiya et d’une cour, sera transformé en musée dédié aux activités des productions artisanales d’Al-Hattaba et à leur évolution.
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