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Philipe Delaval : Les documents, les archives et même le patrimoine immatériel ne doivent pas rester à l’écart du numérique

Samar Zarée, Mardi, 05 mars 2019

3 questions à Philipe Delaval, président du Centre des monuments nationaux à Paris.

Philipe Delaval

Al-Ahram Hebdo : La numérisation dans le domaine du patrimoine est-elle une exigence ?

Philipe Delaval : Je dois avouer que depuis que j’ai rencontré le numérique pour la première fois, il ne m’a plus quitté. Mon premier contact avec la révolution numérique remonte au début des années 1990. A cette époque, je participais à la Bibliothèque nationale de France à un programme de numérisation des connexions de la bibliothèque, dans le cadre du grand projet de sa rénovation ou de sa refondation, engagé à l’époque par l'ancien président François Mitterrand. J’ai réalisé alors que la numérisation des connexions écrites et des documents papiers était une garantie pour une bonne conservation, dans quelle mesure elle facilite certains travaux de recherche et comment les divers secteurs des monuments doivent profiter de cette révolution numérique.

— Comment le numérique peut-il servir le patrimoine ?

— Je suis convaincu que les documents, les archives et même le patrimoine immatériel ne doivent pas rester à l’écart de la révolution numérique. Nous avons des exemples très clairs où la numérisation est essentielle, comme les événements en Syrie et en Afghanistan il y a quelques années. On a alors vu comment un certain positionnement identitaire peut avoir des conséquences très graves sur la conservation ou le maintien du patrimoine, ce qui nous explique pourquoi l’on doit créer une forte relation entre le numérique et le patrimoine. Pas seulement dans les cas où ces monuments sont totalement ou partiellement détruits et où le numérique permet de les restituer à travers des dispositifs de réalité virtuelle. Le numérique apporte aussi une plus-value considérable à la connaissance et à la mise en valeur des monuments existants par la présentation de leurs états successifs ou de leurs usages, ce qui aide à percevoir des éléments difficilement saisissables à l’oeil nu, à permettre la visite aux personnes handicapées et à gérer les flux de visite, notamment dans les lieux exposés à un risque de surfréquentation.

— La visite numérique des sites archéologiques remplacera-t-elle un jour la visite réelle ?

— En parlant de monuments, je pense que ce n’est pas possible, puisque le site archéologique a un caractère de fixité, d’intransportabilité et d’impossibilité de duplication. Un tableau ou un livre, par exemple, vous pouvez les reproduire plusieurs fois et ils auront le même effet, mais on ne peut pas reproduire les ensembles monumentaux, et encore moins les sites naturels, qui sont liés au patrimoine monumental. Le deuxième facteur qui rend difficile l’intervention du numérique dans le secteur monumental est l’entourage territorial de ces monuments. Un monument implanté dans une ville ou un lieu possède souvent une influence déterminante sur les caractéristiques de ce lieu. Un exemple : le château de Versailles, à Paris, qui a créé toute une ville autour de lui, qui est la ville de Versailles. De plus, il est difficile de reproduire le caractère expérientiel d’une visite, qui est le produit d’un ensemble de facteurs, comme l’humidité de l’air et l’odeur de moisissure, qui sont absents dans le fac-similé.

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