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L’Université américaine, haut lieu culturel depuis un siècle

Dalia Farouq, Mardi, 19 février 2019

L'Université américaine du Caire fête ses cent ans. Créée dans l’idée de développer l’éducation en Egypte, l’institution est devenue bien plus au fil des ans. Un lieu social et culturel majeur du pays.

L’Université américaine, haut lieu culturel depuis un siècle
Le personnel de l'Université américaine en 1931.

Fondée en 1919, l’Université Américaine du Caire (AUC) est la plus ancienne université privée d’Egypte. C’est l’Américain Charles Watson qui l’a fondée, avec pour objectif de développer l’éducation en Egypte.

C’était au départ à la fois une école secon­daire et une université. L’école a ouvert ses portes en octobre 1920 avec 142 élèves répartis dans deux classes. Les premiers diplômes déli­vrés sont des certificats de cycle secondaire remis à 20 étudiants en 1923. Plus tard, l’école ferme, mais l’université continue d’être la pre­mière institution de langue anglaise dans le Moyen-Orient. Elle reçoit l’inscription de sa première étudiante femme, Eva Habib Al-Masri, en 1928.

Né en Egypte le 17 juillet 1873, Charles Watson, fondateur de l’université, reçoit ses premières années d’éducation au Caire. Il quitte ensuite l’Egype et obtient son doctorat en théologie à l’Université de Princeton en 1899. Watson a mené une vie consacrée à l’ex­pansion des valeurs éducatives chrétiennes à l’étranger, mais surtout en Egypte. Il com­mence sa carrière en tant que membre d’une église missionnaire à Pittsburgh. Plus tard, il travaille comme enseignant et pasteur. Membre actif du Conseil chrétien du Proche-Orient, l’Américain a aussi fait partie d’une commis­sion égyptienne chargée d’étudier un pro­gramme d’éducation nationale pour le pays. Il étudie le système éducatif égyptien à partir des années 1900. Et en 1915, il organise le premier conseil d’administration de l’Université améri­caine du Caire, qui rentre en service quatre ans plus tard.

Un palais transformé en université

Le siège de l’AUC du Caire, célèbre par son style architectural magnifique, était à l’ori­gine un palais construit en 1870 par le khé­dive Ismaïl. Donnant sur la place Ismaïliya, l’actuelle place Tahrir, le plus ancien bâtiment de l’Université américaine du Caire avait été édifié pour être la maison de Zeinab, fille du khédive Ismaïl, et de son mari Ahmad Khairi pacha qui devint, plus tard, ministre de l’Edu­cation. C’est l’architecte hongrois Max Hertz qui a conçu ce palais. Après la mort de Khairi pacha, le palais est vendu à l’homme d’af­faires grec Nestor Janaklis et devient une fabrique de cigarettes utilisée par Janaklis pour la production de produits du tabac Helmar, très connu à l’époque. En 1908, le palais est loué pour servir de premier siège de l’Université égyptienne, pendant sept ans, jusqu’à ce que Charles Watson, président fon­dateur de l’Université américaine, l’achète. Elèves, professeurs et visiteurs fréquentent ce palais pendant plus de 90 ans, jusqu’en 2009, date à laquelle l’université a déménagé sur le site d’Al-Tagammoe Al-Khamès. Possédant une longue et riche histoire, ce palais demeure toutefois, et pour toujours, une pierre angu­laire de l’histoire de l’université.

Une manifestation féministe lancée depuis l’université

L’Université américaine, haut lieu culturel depuis un siècle
Le siège de l'Université place Al-Tahrir.

Face à l’expansion des activités de l’AUC, Watson souhaite construire une salle de réu­nion et aussi un auditorium, mais il n’a pas les moyens. Une généreuse donatrice change la donne. En 1925, une femme, qui visite l’université avec son amie Ruth Litt, égale­ment proche de Watson, fait un don anonyme de 100 000 dollars pour l’université. Avec cette somme importante, Watson construit Ewart Memorial Hall. La salle, livrée en mars 1928, a été nommée ainsi en mémoire de son grand-père, l’homme d’affaires améri­cain William Dana Ewart, inventeur et grand amateur de l’Egypte. La salle a été imaginée par l’architecte Ariston St. John Diamant pour être construite du côté ouest du palais historique de l’université. Elle est conçue dans le nouveau style mamelouk, combinant techniques de construction modernes et motifs orientaux traditionnels, comme les moucharabiehs. La salle, à deux niveaux, peut accueillir jusqu’à 1 000 personnes. Au fil des ans, la Ewart Memorial Hall a été témoin d’événements importants culturels, sociaux et même politiques. Elle est devenue un lieu phare pour les conférences publiques données par des intervenants du monde entier et pour des événements cinématographiques et culturels. C’est là par exemple que la mégastar Oum Kalsoum a donné son premier concert en 1937.

En 1951, la Ewart Hall fut témoin d’un évé­nement historique important pour l’Egypte. C’est en effet dans cette salle qu’a été lancée la manifestation du 19 février avec en tête la féministe Dorria Chafiq. Le Mouvement fémi­niste égyptien, fondé par Hoda Chaarawi et le mouvement Bent Al-Nil, fondé par Dorria Chafiq y avaient organisé conjointement une conférence féministe. Puis près de 1 500 femmes sont sorties de l’Université américaine du Caire et se sont rendues jusqu’aux portes du parlement, rue Qasr Al-Aïni, pour réclamer le droit de vote pour les femmes et l’accès aux postes publics supérieurs. Pendant quatre heures, elles ont protesté, jusqu’à obtenir une promesse orale des responsables de l’Etat. Cette manifestation a abouti au final à l’an­nonce par le gouvernement égyptien en janvier 1956 du droit de vote pour les femmes.

La salle Ewart Hall a aussi accueilli des dignitaires locaux et internationaux tels que les écrivains Taha Hussein et Edward Saïd, des auteurs et des philanthropes comme Helen Keller et le philosophe Noam Chomsky, entre autres. Des lauréats du prix Nobel tels que Naguib Mahfouz, Jimmy Carter et Zoweil y sont aussi passés. C’est ici également que Condolezza Rice, ancienne ministre améri­caine des Affaires étrangères, a donné son célèbre discours sur la paix au Moyen-Orient lors de sa visite en Egypte en 2005.

La Ewart Memorial Hall est actuellement en cours de rénovation, 90 ans après son ouverture, notamment pour moderniser des systèmes de son et d’éclairage. Cet aménage­ment s’inscrit dans le cadre d’un grand projet de rénovation du campus universitaire de l’AUC à la place Tahrir pour en faire un centre culturel « TCC » (Tahrir Cultural Center) au centre-ville du Caire. Ces innova­tions permettront à Ewart Hall de devenir une destination importante pour de nombreux évé­nements sociaux, artistiques, culturels et poursuivre ainsi son rôle culturel en Egypte pour de nouveaux centenaires.

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