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L’incroyable histoire du palais d’Al-Montazah

Nasma Réda, Mercredi, 30 janvier 2019

Construit en 1892, à Alexandrie, le palais d’Al-Montazah a changé de visage au gré de l’histoire politique égyptienne. Séduit par la beauté du lieu, chaque dirigeant a voulu y laisser sa marque.

Photos : Bibliothèque d
Le palais Al-Haramlek, dit le palais d'Al-Montazah. (Photo: )

Fasciné par le plus grand jardin de la ville d’Alexandrie, avec ses plantes et arbres rares, conçu par son grand père Mohamad Ali, le khédive Abbas Helmi II, qui régna sur l’Egypte de 1892 jusqu’à 1914, décide de s’y construire un palais pour passer les vacances d’été en famille.

C’est ainsi qu’en 1892, l’architecte de la famille royale, Dimitri Fabricious, d’origine grecque, conçut le grand palais, Al-Salamlek, au style baroque autrichien, mêlant architec­ture médiévale et de la Renaissance. Le palais, surmonté de tours, est constitué de multiples coupoles. L’architecte a créé un bâtiment symétrique et joué avec les matières et la lumière. Les jardins entourant ce palais étaient un lieu de chasse, le grand plaisir du khédive.

Photos : Bibliothèque d
Le palais Al-Salamlek, actuel hôtel. (Photos : Bibliothèque d'Alexandrie)

Abbas Helmi s’intéressait beaucoup au déve­loppement du jardin du palais et de la forêt. C’est à lui que l’on doit le nom « Al-Montazah » qui signifie « Le Parc ». Ces jardins, entourés par de grands murs au sud, à l’est et à l’ouest, et s’ouvrant sur une plage au nord, sont, jusqu’à aujourd’hui, connus pour leurs espèces d’arbres et de plantes remarquables avec des pins, palmiers, casuarinas et parterres de fleurs qui s’étendent sur un espace dépassant les 300 feddans.

Avec le début de la Première Guerre mon­diale (1914-1919), l’occupation anglaise éloigne le khédive Abbas Helmi II du pouvoir égyptien. Les Anglais s’emparent alors du palais et Al-Montazah devient un hôpital de la Croix-Rouge. Après la guerre, le palais et ses annexes sont restitués à la famille royale et utilisés comme résidence estivale.

Une petite villa est ajoutée au palais Al-Salamlek pour la résidence du reste de la famille, et surtout pour les reines. En 1926, cette villa bâtie par Helmi est détruite par ordre du roi Fouad qui demande à l’architecte italien Ernesto Virocci bey d’y construire, en 1927, un nouveau palais, Al-Haramlek. Dans un style italien ancien, décoré par des éléments baroques et rococo, ce petit palais se caracté­rise par sa cour intérieure couverte de verre teinté. De cette cour jaillissent des éléments architecturaux distinctifs tels des escaliers extérieurs et des tours.

Le grand palais est construit sur trois étages. Au premier étage se trouve un grand nombre de salles et le bureau du roi. Il comprend éga­lement une salle de billard et une salle à man­ger. Le deuxième étage était la zone de la maison royale, où vivaient les domestiques et les serviteurs de la famille royale alors que le dernier étage était celui du roi, de la reine et de leurs enfants.

Ce palais donne d’une part sur des jardins de cactus, et sur le port royal d’autre part. A l’ex­térieur, des piscines « naturelles » ont été créées pour les princesses.

Secret de la lettre F

Lors d’une soirée d’été, alors que le roi Fouad flâne dans les jardins du palais d’Al-Montazah, une vieille femme apparaît devant lui et lui prédit un destin agréable pour lui et sa famille. Suite à ces paroles, Fouad donne l’ordre à des artistes italiens de décorer le palais d’Al-Montazah avec d’énormes calli­graphies portant la lettre F. Peu de temps après, la première fille de Fouad naît, et il lui donne un nom commençant par F— Fawziya. Sa deuxième fille s’appelle Fayza, la troisième Fayqa et la quatrième Fathiya. Farouq est le cinquième enfant. Il est le fils et héritier du roi.

Devenu roi d’Egypte en 1936, Farouq conti­nue d’utiliser la lettre F qui domine tous les palais. Avec son arrivée, le palais d’Al-Monta­zah prend d’autres fonctions. Ce n’est plus seulement une résidence estivale pour la famille royale, mais aussi un lieu d’où le roi règne sur le pays. Le roi demande donc à l’ar­chitecte renommé Moustapha pacha Fahmi de relier les deux palais royaux avec un kiosque, de style classique. L’architecte y a aussi ins­tallé un cinéma, un réservoir d’eau, une tour à horloge, un moulin et plusieurs annexes de services comme l’écurie et la station royale du chemin de fer, sans oublier une école pour les membres de la famille royale.

Révolution, hôtels et cabines

Quelques années plus tard, le 22 juillet 1952, c’est-à-dire la veille du déclenchement de la Révolution, le roi Farouq organise au palais d’Al-Montazah une grande fête en l’honneur de son beau-frère Ismaïl Chérine. Au cours de la cérémonie, le chef du protocole du palais, Mohamad Hussein, avertit le roi que des offi­ciers se sont emparés du pouvoir au Caire. En très peu de temps, l’armée entoure déjà le palais et le roi Farouq est contraint à l’exil.

Avec la fin de la royauté en Egypte, une nouvelle histoire commence à Al-Montazah. Depuis la fin des années 1950, les jardins d’Al-Montazah sont ouverts au public, enthousiaste à l’idée de rentrer dans cette enceinte et de voir de près la vie de la royauté. Le palais du khédive est transformé en palais présidentiel. L’école est détruite pour être remplacée par l’actuel hôtel Palestine, de style moderne, construit pour accueillir les délégués de 14 pays de la deuxième confé­rence du sommet arabe en 1964, qui s’est tenue à Alexandrie.

Arrivé au pouvoir, Nasser a lui aussi voulu bénéficier de cet endroit exceptionnel connu pour son luxe. Ainsi, de petites villas au style simple et moderne ont été ajoutées dans le jardin d’Al-Montazah. Celles-ci ont été construites pour des membres du Conseil du commandement de la révolution de 1952, comme celles du vice-président à l’époque, Anouar Al-Sadat, de Hussein Al-Chaféï, vice­président, et de Abdel-Hakim Amer, ministre de la Défense.

Au début des années 1960, des cabines de petites superficies de 15 à 40 m2 chacune se sont ajoutées pour accueillir la bourgeoisie apparue à l’époque nassérienne. Environ 580 cabines sont construites sur les anciennes plages privées du roi nommées Aïda, Néfertiti, Cléopâtre et Semiramis, en plus de celles de l’hôtel Palestine.

Pendant près de 50 ans, ces cabines ont été fréquentées par les grands hommes d’Etat, les intellectuels et l’élite de la société égyptienne.

Le petit palais qui donne sur les cabines de Semiramis a été transformé en hôtel de luxe avec un casino, où sont exposés des oeuvres d’art et de divers objets retraçant l’histoire de la dynastie de la famille de Mohamad Ali.

Quant aux jardins, ils ont été longtemps utilisés pour le tournage des films cinémato­graphiques les plus célèbres comme Abi Fawq Al-Chagara du grand chanteur égyp­tien Abdel-Halim Hafez en 1969. Soad Hosni a chanté également sur le pont d’Al-Monta­zah sa chanson Bambi (rose), dans le film Amira Hobi Ana en 1975. La liste des films est longue et les producteurs se précipitaient pour y tourner, vu la beauté de ces palais et de ces jardins .

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