Pour célébrer sa 116e année, le Musée égyptien du Caire, à la place Tahrir, inaugure quelques pavillons, fraîchement rénovés, dans l’aile orientale du premier étage du musée. Le transport de la collection du roi Toutankhamon, soit près de 4 800 pièces exposées et stockées, vers le Grand Musée Egyptien (GME), dont l’inauguration est prévue en 2020, a laissé un grand vide dans le musée.
De même, ce réaménagement était devenu indispensable pour redonner un nouveau souffle au musée de la place Tahir. Le trésor doré a été remplacé par une collection tout aussi riche. Il s’agit des trésors de Yoya et Toya, ancêtres du roi-enfant, qui sont exposés dans 7 grandes salles. « Toute la collection, qui compte 214 pièces antiques et exceptionnelles, est exposée », explique Névine Nazar, assistante du ministre des Antiquités pour la muséologie, notant que quelques pièces de ces trésors, découverts en 1905 dans la Vallée des rois à Louqsor, étaient entassées dans une seule salle.
Leur importance et leur beauté étaient ainsi bien cachées. « Bien que la collection de Yoya et Toya n’appartienne ni aux rois ni aux reines, elle est très importante. Découverte à côté des tombeaux royaux, elle est presque intacte et toujours très belle, alors que beaucoup de tombes ont été pillées dans l’antiquité pour les huiles aromatiques rares qu’elles abritaient », explique Moustapha Waziri, secrétaire général du Conseil suprême des antiquités, ajoutant que Yoya et sa femme Toya sont les parents de la reine Tiyi, épouse d’Amenhotep III (1390-1353 av. J.-C., XVIIIe dynastie), ancêtre du jeune roi Toutankhamon.
Pour sa part, Sabah Abdel-Razeq, directrice du musée, explique que les travaux de rénovation et d’aménagement de ces pavillons avaient commencé en 2014. « Le nettoyage des murs, du plafond et du sol de cet étage a été la première étape, car nous voulions rendre à ce bâtiment néoclassique, fondé spécifiquement pour être un musée d’art égyptien, sa beauté d’antan », dit-elle.
Une collection aussi unique que rare
Les visiteurs venant admirer la collection découvrent d’abord deux masques dorés en cartonnage, minutieusement sculptés et incrustés de pierres rares. Puis les mobiliers de la vie quotidienne du couple sont exposés dans des vitrines, tels le char de Yoya, des chaises et des lits. La collection funéraire exposée est aussi unique que rare. Les sarcophages aux décorations soignées et gardant leurs momies en très bon état de conservation sont le signe, selon les archéologues, de la grande valeur de Yoya et Toya, en tant que nobles.
De nombreux autres objets sont également exposés : des oushebtis, des amulettes, un coffre renfermant des vases canopes en albâtre, des boîtes à bijoux et des sandales. « Le scénario muséologique veut montrer la vie, puis la mort des deux époux, ainsi que leur vie dans l'au-delà », souligne Nazar, notant qu’il s’agit d’une importante collection découverte dans les tombeaux de la Vallée des rois, 17 ans avant celle de Toutankhamon.
Le comité chargé de tracer cette muséologie a conservé les vitrines qui renfermaient auparavant les trésors du jeune roi. « Ces vitrines font partie de l’authenticité du musée. On ne peut pas les modifier », explique Nazar. Les seules vitrines modernes, avec un éclairage étincelant et indirect renferment les sarcophages intérieurs anthropoïdes conservant encore les momies de Yoya et Toya, jamais exposées. « Ces sarcophages ont été ouverts pour la première fois pour montrer aux visiteurs à la fois la beauté du sarcophage doré et les momies à l’intérieur », assure Hassan Sélim, professeur d’archéologie à l’Université de Aïn-Chams et membre du comité chargé du développement et du réaménagement du musée.
Un papyrus inédit de 20 m
Le masque de Yoya contemplé par les visiteurs. (Photo : Moustapha Emeira)
Une autre pièce unique exposée pour la première fois est un papyrus d’environ 20 m de long. « Connue sous le nom de Papyrus de Yoya, cette pièce avait été mise au jour lors de la découverte de la tombe, il y a 113 ans. Pour le transporter et le stocker, il avait été divisé en 34 parties égales sur des planches en carton », explique Moëmen Osman, directeur du département de la restauration du Musée égyptien. Il y a quelques mois seulement, les restaurateurs égyptiens, avec la Bibliotheca Alexandrina, ont lancé un projet de sauvetage, de documentation et de conservation de ce magnifique papyrus coloré.
Celui-ci renferme des chapitres du célèbre Livre des morts. Jusqu’ici, les restaurateurs du musée et de la Bibliotheca Alexandrina ont pu en traduire le tiers. « C’est un travail minutieux qui se poursuit », ajoute Osman, tout en signalant que la Bibliotheca Alexandrina a également réalisé un court documentaire sur les différentes étapes de la conservation du papyrus. Elle a en outre publié une nouvelle galerie photos de Yoya et Toya sur son application mobile The Wall of Knowledge, pour sensibiliser le grand public à l’importance de leur histoire.
Outre la rénovation de l’aile orientale du musée, des panneaux expliquant la première phase du projet de développement et de réaménagement de ce musée antique ont été installés. Avec une collection de plus de 160 000 pièces antiques — exposés ou stockés — le Musée égyptien garde tout son charme. Et voilà qu’il fait peau neuve pour rester un site incontournable. « Depuis le lancement des projets des nouveaux musées, soit celui de la civilisation à Fostat ou du GME sur le Plateau des pyramides, tout le monde se soucie du sort du musée de Tahrir », a déclaré Khaled El-Enany, ministre des Antiquités, lors de la cérémonie d’anniversaire du musée.
Or, le Musée égyptien est l’un des plus grands au monde, et son anniversaire est une indication claire qu’il s’agit d’un musée vivant, dont l’histoire s’étend de 1902 à 2018 et continuera encore et encore. « Le plan de développement qui a été lancé pour renouveler la muséologie de ce joyau historique traduit l’intérêt majeur qu’on lui accorde. Ce musée n’est pas seulement l’un des monuments d’Egypte, il est également un endroit distingué et emblématique du pays », a souligné El-Enany, garantissant que le musée ne fermera jamais ses portes. Il sera le point de départ des visites touristiques, soit vers le GME, soit vers le Musée national de la civilisation égyptienne (NEMEC) .
Réaménagement du musée, emblème d’Egypte
Le Musée égyptien attire toujours l’intérêt des passionnés d’archéologie du monde entier. Une initiative pour le réaménagement du reste du musée a été lancée le jour de l’anniversaire du musée par l’Union européenne en collaboration avec le ministère des Antiquités et cinq des principaux musées européens (Turin en Italie, Le Louvre à Paris, The British Museum à Londres, The Egyptian Museum de Berlin et Rijksmuseum Van Oudheden aux Pays-Bas). Ce projet, qui devrait durer 7 ans, vise à montrer, avec une nouvelle muséologie, les chefs-d’oeuvre de différentes périodes pharaoniques. « Dans quelques jours, les travaux de rénovation du reste du musée débuteront. Deux années de travaux, à commencer par l’entrée du musée, l’atrium et les galeries de gauche et de droite, suivant une ligne chronologique de l’art égyptien », explique Ola Al-Aguizi, membre du comité de développement du musée, qui ajoute que les travaux seront conduits en parallèle au transfert des pièces vers le GME (quelques statues colossales) ou le NEMEC (momies ou autres).
Ce projet commencera par le nettoyage du sol et des plafonds. De nouveaux systèmes d’éclairage et de sécurité seront aussi installés. Les verres reflétant tous rayons nuisibles seront aussi remplacés. 5 000 pièces antiques seulement seront exposées dans tous les pavillons du musée. Les colosses d’Amenhotep III et de sa femme resteront en face de la porte principale de l’entrée, avec celles de Ramsès. La collection dorée de Tanis remplacera le reste des salles de Toutankhamon. « Des galeries, qui étaient déjà utilisées comme entrepôts au rez-de-chaussée, seront ouvertes et feront partie du scénario de la nouvelle exposition. C’est dans ces salles qu’on va dévoiler des pièces antiques inédites jamais vues », conclut Al-Aguizi.
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