Dans les jardins du Musée national de Damas, fermé à cause du conflit qui déchire le pays depuis 2011, les visiteurs sont accueillis par l’imposante sculpture en pierre calcaire d’un lion de Palmyre, joyau de la cité antique syrienne vieux de 2 000 ans. Haute de trois mètres, la sculpture de 15 tonnes, appelée également le lion Al-Lât, du nom de la déesse pré-islamique de la fécondité et de la féminité, avait été détruite par les djihadistes du groupe Daech qui s’étaient emparés de Palmyre, « la perle du désert » syrien, en mai 2015. Mais les morceaux éparpillés ont été assidûment rassemblés.
(Photo : AFP)
« Pour le moment, les visiteurs n’ont accès qu’à une aile où 1 500 objets sont exposés, sur plus de 100 000 que recèle l’institution », explique Mahmoud Hammoud, à la tête de la Direction Générale des Antiquités et des Musées (DGAM). Ils pourront bientôt déambuler librement dans d’autres salles, mais ils peuvent déjà admirer des mosaïques des Ve et VIe siècles, arborant parfois des panthères et des coqs. Il y a aussi la statue romaine en marbre blanc d’un sportif nu au corps sculptural, datant du IIe siècle de notre ère, ou encore un imposant sarcophage de Palmyre, sur lequel est juchée la statue d’un notable à demi couché, tenant à la main un gobelet. Sur les côtés, des fresques élaborées sculptées dans la pierre.
Protéger les trésors
(Photo : Reuters)
Situé au coeur de Damas, le musée national, fondé en 1920, a fermé en 2012. Fief gouvernemental, la capitale est restée relativement à l’abri des violences. Mais elle était devenue la cible d’obus tirés par les rebelles. De nombreuses pièces ont alors été transférées en lieux sûrs, les responsables craignant de voir se reproduire en Syrie les pillages ayant frappé les musées en Iraq au lendemain de l’invasion américaine en 2003. « Nous avons fermé tous les musées (...) et vidé toutes les salles », se souvient Maämoun AbdulKarim, ancien directeur de la DGAM. Au total, 300 000 pièces appartenant aux 34 musées de Syrie, dont 80 000 de Damas, ont été mises à l’abri dans des endroits secrets protégés des incendies, des obus et des inondations. « Nous avons emballé et placé les objets dans des coffres-forts », explique le directeur des bâtiments historiques à la DGAM, Ahmed Dib.
« Les pièces difficiles à transporter sont restées sur place, mais protégées avec des blocs en ciment » placés tout autour, se souvient-il. Déménagées en 1936 dans le bâtiment actuel du Musée national de Damas, les collections sont réparties en fonction de leur périodicité historique : préhistoire, période classique, ère islamique et époque moderne. Elles vont des conquêtes d’Alexandre Le Grand (323 av. J.-C.) à la fin de l’ère byzantine et le début des conquêtes musulmanes.
Selon la DGAM, plusieurs sites archéologiques à travers le pays ont été endommagés par la guerre, dont la citadelle médiévale d’Alep (nord), deuxième ville de Syrie, le temple hellénistique de Bêl et le célèbre arc de triomphe à Palmyre. L’Unesco a d’ailleurs inscrit six sites syriens sur sa liste du patrimoine mondial en péril, dont la vieille ville d’Alep, la citadelle de Saladin et le vieux Damas.
(Photo : AFP)
Pour certains, la restauration du Lion de Palmyre symbolise un retour à la stabilité à un moment où le régime Al-Assad, soutenu par l’allié russe, a consolidé son emprise sur la capitale et ses environs. « C’est une des premières statues à avoir été restaurées », confie, à l’AFP, l’archéologue polonais Bartosz Markowski, qui avait déjà contribué en 2005 à une rénovation de la statue. En 2016, quand les forces gouvernementales soutenues par l’allié russe ont chassé les djihadistes de Palmyre, l’archéologue s’est retrouvé devant le lion fracassé. De nouveaux travaux de restauration ont alors été menés. « C’est quelque chose d’important pour les gens. Ils peuvent y voir le symbole d’un conflit qui touche à sa fin. Lentement, mais la situation s’améliore », poursuit l’archéologue. Pour compléter ce puzzle, une pièce manquait. Entre les pattes du lion, une antilope échouée avait perdu son museau. Retrouvé, cette semaine seulement, il a été fixé sur la sculpture à la veille de l’inauguration.
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