Desphotos de Qéna, Louqsor, Assouan, des oasis de Kharga et de Dakhla dans le Désert occidental, puis retour à Assouan. Une tournée des endroits connus pour leurs monuments de l’Egypte Ancienne. C’est ce qu’offre l’exposition Les Sanctuaires de l’horizon sacré, organisée par Ahmed Awad, doctorant de la section d’architecture de l’Université du 6 Octobre, au Musée des antiquités de la Bibliotheca Alexandrina, à Alexandrie. Ouverte jusqu’au 22 avril, elle se compose de 24 photos qui montrent les rayons du soleil perpendiculaires sur les sanctuaires de 9 temples des époques de l’Egypte Ancienne et gréco-romaine. Ces temples sont Dendara, Deir Al- Bahari, Deir Al-Chalwite, Kalabcha, Hibis, Qasr Al-Ghweita, Deir Al- Hagar et Edfou. « Cette exposition est organisée à l’occasion de la célébration de la perpendicularité des rayons du soleil par rapport au sanctuaire du temple d’Abou- Simbel, bâti par le grand conquérant Ramsès II », explique Al-Hussein Abdel-Bassir, directeur du Musée de la Bibliotheca Alexandrina. Pour lui, l’exposition montre au grand public, notamment aux Alexandrins, la grandeur et le développement sophistiqué de la civilisation égyptienne. En effet, elle explique le phénomène de la perpendicularité des rayons du soleil par rapport à certains sanctuaires à des moments précis. Celui-ci a occupé les archéologues, les astronomes et les architectes durant plusieurs décennies.
L’exposition illustre le phénomène de manière simple, à travers les photos et leurs légendes trilingues, en arabe, en anglais et en français. L’exposition est divisée en 5 sections. Chacune comprend plusieurs photos qui indiquent le trajet des rayons, depuis le seuil des temples, en passant par les différentes salles, pour tomber enfin perpendiculairement sur les statues ou les reliefs des sanctuaires de l’horizon saint. « J’ai pris plus de trois ans pour accomplir ce travail. Les photos de l’exposition ont été sélectionnées avec précaution parmi 1 000 photos », explique le chercheur Ahmed Awad. Les groupes de photos suivent l’ordre géographique des temples, du nord, en passant par le Désert occidental, jusqu’au sud. La tournée commence par le temple de Dendara, à Qéna. « Les rayons du soleil levant éclairent le Mammisi (la maison de naissance de la divinité Hathor, ndlr) tous les matins des 8 novembre et 4 février du calendrier grégorien », explique Awad. A travers 4 photos, le visiteur peut suivre le mouvement des rayons du soleil, depuis leur entrée dans le temple jusqu’à ce qu’ils tombent perpendiculairement sur la fausse porte qui mène vers l’au-delà. Cette dernière est surmontée d’une frise gravée de trois disques solaires et d’une rangée de cobras coiffés de disques solaires, qui sont illuminés par le soleil levant. « Le 8 novembre et le 4 février correspondent aux fêtes de la divinité Hour et à sa naissance sacrée dans l’au-delà, ce qui correspond au Mammisi et à la fausse porte », souligne le chercheur Ahmed Awad.
Louqsor est la deuxième station de l’exposition. Là, le visiteur découvre deux temples dont les sanctuaires sont illuminés par la tombée perpendiculaire des rayons du soleil. Le premier est celui de Deir Al- Bahari, bâti par la reine Hatshepsout et dont le sanctuaire, orné du disque solaire ailé, est considéré comme « le protecteur du trône ». Le soleil jette ses rayons sur le temple et ceuxci pénètrent dans le sanctuaire, afin d’illuminer le disque solaire ailé le 9 décembre, lors de l’apparition de la divinité Hour, et le 6 janvier, qui correspond à l’apparition de la divinité Hathor. A Thèbes, le visiteur peut admirer les photos du temple romain Deir Al-Chalwite, qui se dresse à 4 km au sud de la cité de Habou. « L’exposition offre à ses visiteurs l’occasion de voir des temples peu connus en Haute-Egypte et qui se distinguent eux aussi par ce phénomène astronomique », déclare Abdel-Bassir. Les photos décrivent l’illumination d’un relief représentatif des divinités solaires Mounto-Râ et Amon-Râ, les 23 octobre et 19 février.
Le roi divinisé
La tournée continue avec Djebel Al-Silsila, à Assouan. Là, c’est plutôt la force du roi divinisé qui domine la scène. Le visiteur se retrouve devant une photo représentant la chapelle du roi Hormoheb, qui était le chef de l’armée égyptienne pendant les règnes d’Akhenaton et de Toutankhamon. Le soleil éclaire une statue brisée du roi et de la divinité solaire Amon-Rê le 29 septembre et le 15 mars. « L’illumination à cet endroit indique la domination du roi divinisé, qui renaît ces deux jours », indique Awad.
L'éclairage du Naos le 6 septembre au temple d'Hibis. (Photo : Ahmed Awad)
Pour ce qui est des photos d’Assouan, elles offrent au visiteur des vues du temple de Kalabcha, dédié à la divinité Hour et dont le sanctuaire est illuminé le 29 octobre et le 14 février. Les rayons illuminent le dieu solaire Mandoulis en forme de faucon, coiffé de la double couronne, qui, comme l’indique le chercheur, est l’une des formes nubiennes de la divinité Hour, et la divinité Isis, parée de la couronne solaire.
L’exposition consacre aussi une section au Désert occidental, dans le gouvernorat de la Nouvelle Vallée : deux temples dans l’oasis de Kharga, Hibis et Qasr Al-Ghweita, ainsi que le temple de Deir Al-Hagar, qui se situe dans l’oasis de Dakhla. Dédié à la divinité solaire Amon-Rê, le sanctuaire du temple Hibis est orné d’une scène gravée représentant la divinité Amon-Rê, accompagnée de l’Ennéade d’Oun (la cité du soleil). La scène est illuminée le 7 avril, début du cortège de la Fête de la Vallée. Un deuxième éclairage se produit le 6 septembre, ce qui correspond aux festivités de l’Opet, l’une des plus somptueuses fêtes religieuses de la divinité solaire.
Toujours à Kharga, au temple Qasr Al-Ghweita, les rayons illuminent une plateforme de pierre, qui « pourrait avoir porté, à l’époque, le bateau d’Amon-Rê, qui était consacré à son culte » souligne Awad. Les rayons du soleil sont ici perpendiculaires les 12 mars et 2 octobre, dates qui correspondent aux fêtes des divinités solaires Rê et Hour. Comme à Qasr Al-Ghweita, au temple de Deir Al- Hagar, qui se dresse à Dakhla, les rayons illuminent une plateforme qui portait le bateau d’Amon-Rê, les 9 mars et 5 octobre. Mais par chance, « les parois du sanctuaire conservent encore les gravures de la divinité accompagnée d’un groupe de démiurges assis sur leurs trônes sacrés », reprend le chercheur. Ces jours correspondent aux fêtes de Hour.
De retour dans la Vallée du Nil, les dernières photos représentent le phénomène astronomique dans le sanctuaire du temple d’Edfou, à Assouan. C’est la région où Horus, symbole de la prospérité et de la bienséance, voire de la lumière, aurait vaincu Seth, symbole du mal et des ténèbres. Le sanctuaire du temple d’Horus est illuminé le 21 juin. Là, le pyramidion du naos, qui abritait une statue du dieu solaire Horus, le sommet de la barque sacrée d'Horus et la table d’offrandes sont illuminés par les rayons solaires de midi. « La victoire exige la force et la puissance de la jeunesse, ce qui correspond à l’heure de l’ultime force du soleil, celle de midi », déclare le chercheur. L’exposition apprend au visiteur que le phénomène de la perpendicularité du soleil concerne des temples répartis dans les quatre coins de l’Egypte, y compris les régions les plus éloignées, comme le Désert occidental. Il apparaît d’autant plus clairement que le phénomène avait une importance religieuse pour les souverains comme pour le peuple. Aujourd’hui, il fascine toujours autant.
Assurer l'ordre et la prospérité de l'univers
Nombreux sont ceux qui pensent que le phénomène de perpendicularité des rayons du soleil sur les sanctuaires des temples égyptiens à des moments précis de l’année est accidentel. Néanmoins, les astronomes, les archéologues et les architectes s’accordent pour dire qu’il s’agit d'un phénomène désiré, étudié et habilement réalisé par les ancêtres, et essaient de mieux le comprendre.
D’après les archéologues, la perpendicularité des rayons du soleil est connue dès l’Ancien Empire, précisément depuis la IIIe dynastie, comme illustrée par le complexe pyramidal du roi Djoser (2628-2609 av. J.-C.). Elle se produit dans tous les temples et sanctuaires égyptiens qui se dressent encore aux quatre coins de l’Egypte. « Les Anciens Egyptiens considéraient leurs temples comme une sorte de lieu transitoire que traversent le disque solaire et ses divinités durant leur voyage de l’au-delà vers le monde apparent », affirme Ahmed Awad, doctorant de la section d’architecture de l’Université du 6 Octobre.
Lorsque les rayons du soleil tombent perpendiculairement sur les divinités solaires, leurs éclats génèrent vie et puissance pour répandre l’ordre dans l’univers. Le phénomène se produit uniquement pendant les jours de célébration des fêtes des divinités concernées. Tous les temples et sanctuaires égyptiens sont donc orientés en fonction du mouvement du soleil, soit sur la base de calculs astronomiques ou d’après la symbolique du culte de l’Egypte Ancienne. Le phénomène de la perpendicularité des rayons du soleil sur les divinités solaires pendant les fêtes de ces dernières est donc un désir théologique, qui vise à assurer l’ordre, la stabilité et la prospérité de l’univers.
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