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Les preuves d’une tolérance passée

Doaa Elhami, Mardi, 21 mai 2013

Avec plus de 200 manuscrits arabes, grecs et coptes, l'ancienne bibliothèque du monastère de Sainte-Catherine témoigne de l'esprit de tolérance religieuse qui régnait en Egypte à l'ère islamique. D'autres manuscrits grecs et coptes retracent la vie quotidienne pendant cette époque.

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Les symboles des deux religions se croisent au monastère de Sainte-Catherine. (Photo: Al-Ahram)

« Ces 200 manuscrits sont des promesses et des engagements édictés par les différents califes qui ont gouverné l’Egypte pendant plus de 1000 ans », explique Abdel-Réhim Rihan, directeur des recherches coptes et islamiques au ministère des Antiquités. La bibliothèque comprend une copie du premier serment engageant son auteur à protéger la vie des chrétiens, leur culte, leurs églises et leurs monastères.

Ce document, édicté par le prophète Mohamad et rédigé par l’imam Ali, fut conservé à la bibliothèque du monastère de Sainte-Catherine avant même l’arrivée des troupes musulmanes commandées par Amr Ibn Al-As.

En 1517, le fondateur de l’Empire ottoman, Sélim Ier, livre une copie officielle du décret à la bibliothèque du monastère de Sainte-Catherine. Edicté par le prophète, il est devenu un principe pour les souverains musulmans qui ont gouverné l’Egypte depuis Amr Ibn Al-As.

L’église protégée

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Dans un second décret édicté par Amr Ibn Al-As au premier siècle de l’hégire, le wali s’adresse à son peuple en ces termes : « Voici ce que dit Amr Ibn Al-As aux citoyens d’Egypte. Leur vie est en sécurité, aussi bien que leurs biens, leurs églises, leurs croix, leurs voies terrestres et maritimes. Rien ne sera ajouté à leur mode de vie et rien en sera déduit ».

La bibliothèque comprend aussi un nombre considérable de documents arabes publiés par les souverains fatimides, ayyoubides, mamelouks et ottomans et envoyés aux moines du mona stère. Ces documents peuvent être répartis en deux catégories. La première décrit les relations entre les moines du monastère et les tribus bédouines qui habitaient les alentours du monastère. La deuxième catégorie décrit les relations entre les moines et l’Etat égyptien.

« Ces documents témoignent de la sécurité et la paix qui régnaient en Egypte à l’époque arabe et islamique. On y trouve des indices sur la liberté de culte dont jouissaient les moines du Sinaï, à l’inverse de leur persécution au cours de l’époque byzantine », reprend l’expert.

« Les Fatimides ont accédé facilement aux demandes des ermites. En plus, les Ayyoubides ont défendu les droits des moines. Les choses ont quelque peu changé cependant sous les Ottomans. Les manuscrits témoignent cependant de relations délicates entre les responsables du monastère et les souverains égyptiens au cours des 300 ans de règne de l’Empire ottoman en Egypte », affirme l’historien Abdel-Hamid Sobhi dans son livre Le monastère de Sainte-Catherine à l’époque ottomane.

En effet, le fondateur de l’Empire ottoman Sélim Ier et le célèbre Soliman Al-Qanouni ont accordé plusieurs avantages aux ermites du monastère, et ce sans oublier le sultan Moustapha Ier dont le firman a donné aux ermites le droit de voyager à l’extérieur du territoire égyptien et le droit de posséder des waqfs ou des biens religieux en Egypte ainsi qu’en Crête et en Roumanie (bâtiments, terrains, prairies, jardins, etc.) (voir encadré).

Ces biens représentaient l’une des sources majeures de revenus pour le monastère. « Celui-ci est devenu une force économique considérable », reprend le directeur. Quant aux manuscrits de l’époque de la famille alide (du XIXe jusqu’au milieu du XXe siècle), on y apprend que des taxes ont été décrétées par les autorités pour l’intérêt du monastère de Sainte-Catherine.

Tolérance, paix et prospérité sont les trois évidences dont témoignent les manuscrits de l’ancienne bibliothèque du monastère de Sainte-Catherine. Une leçon à retenir.

Les principaux serments des différentes époques islamiques

L’époque fatimide (386-410 de l’hégire / 996-1019 ap. J.-C.)

Le serment de sécurité du calife Al-Hafez Ledine-ellah. Il met l’accent sur le fait de traiter avec bonté les ermites et les prêtres ainsi que de protéger leurs biens.

Le serment de sécurité du calife Al-Faez Ledine-ellah. Avec 488 cm de longueur, ce serment assure la sécurité des ermites et des prêtres ainsi que leur fortune.

Le serment du calife Al-Adel, dont la longueur atteint les 10 mètres, facilite les demandes des moines tout en leur accordant plus de liberté pour gérer leurs affaires.

L’époque ayyoubide (567-648 de l’hégire / 1171-1250 ap. J.-C.)

Le serment du roi Abou Bakr Ayoub est le plus important. Il ajoute aux avantages cités, la protection des ermites dans leur monastère.

L’époque ottomane (922-1213 de l’hégire / 1517-1798 ap. J.-C.)

Des avantages promulgués par le fondateur de l’Empire ottoman Sélim Ier et le renommé Soliman Al-Qanouni ont transformé le monastère en une véritable force économique.

Le firman du sultan Moustapha Ier, fils de Mohamed, promulgué en 1618 ap. J.-C. Le sultan a donné ce firman aux ermites du monastère sous le règne du pape Guibraël IV. Ce firman a donné aux ermites le droit de voyager dans les quatre coins du monde sans la moindre limite. De plus, les marchandises ont été exemptées de taxes, et ce sans la moindre intrusion dans leurs affaires ou même celles de leurs héritiers. Le firman leur donnait le droit de posséder des waqfs (biens religieux) dans leurs monastères ou leurs églises, ainsi que dans leurs biens, qu’ils soient situés en Egypte ou ailleurs.

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