Dix ans après le commencement d’un grand projet de restauration, la première phase de la partie orientale de la bibliothèque du monastère de Sainte- Catherine a été achevée.
Les travaux avaient commencé en 2008, suite aux recommandations des moines et des prêtres du monastère et l’approbation du Comité permanent des antiquités islamiques et coptes. « Tous les travaux ont été menés sous la supervision du ministère avec des fonds fournis par le monastère », déclare Mohamad Abdel-Latif, assistant du ministre des Antiquités et chef du secteur des antiquités coptes et islamiques au ministère. Le projet de restauration comprend la conservation du côté oriental de la bibliothèque, le renforcement de la façade et de son architecture exceptionnelle, ainsi que la consolidation du mur de la bibliothèque, dit « mur de Justinien le Grand », qui remonte au VIe siècle. C’est, en effet, cet empereur byzantin (483-565) qui avait ordonné la construction du monastère.
« Lors des travaux, les scientifiques ont découvert, en juillet 2017, un palimpseste (document en vélin comportant plusieurs couches d’écritures), dont les inscriptions remontent aux Ve et VIe siècles », indique Abdel-Latif. Il ajoute que le manuscrit a fait l’objet d’analyses minutieuses et d’une numérisation par des experts et des scientifiques qui ont pu dévoiler les textes cachés.
Il s’agit de plusieurs ordonnances médicales écrites par le célèbre médecin grec Hippocrate, considéré comme le « père de la médecine occidentale », ainsi que de trois autres textes médicaux écrits par différents savants inconnus.
La bibliothèque du monastère de Sainte-Catherine, considérée comme la deuxième plus grande collection de manuscrits anciens au monde après la bibliothèque du Vatican, « renferme environ 3 300 manuscrits anciens, principalement des textes chrétiens en grec (trois quarts des manuscrits), copte, arabe, hébreu, syriaque, arménien, géorgien et en d’autres langues », a souligné l’archevêque Damyanos, lors de la cérémonie de réouverture de la bibliothèque qui a eu lieu en décembre. La bibliothèque renferme en outre environ 8 000 livres anciens imprimés (dont 7 000 en grec), ainsi que 5 000 nouveaux livres et des rouleaux de manuscrits datant du IVe siècle. « Au moins 160 manuscrits comportent de légères éraflures et des traces d’encre provenant d’inscriptions plus récentes », dit Tony Kazamias, conseiller de l’archevêque, alors que les palimpsestes ont probablement été réutilisés par les moines du monastère entre les VIIIe et XIIe siècles, vu la rareté de ce type de cuir à l’époque. Les thèmes des manuscrits, dont la plupart ont été rédigés au Sinaï, vont de la religion à l’histoire, en passant par la géographie et la philosophie.
L'une des fresques de la bibliothèque. (Photo : Ministère des antiquités)
La bibliothèque renferme, par ailleurs, des ouvrages qui comptent parmi les plus anciens au monde, notamment le Codex Sinaiticus, datant du IVe siècle. Il s’agit d’une copie incomplète de l’Ancien Testament en grec, rédigée par le pape Aspius, sous l’ordre de l’empereur Constantin. Elle a été offerte au monastère en 569. « Le manuscrit a été transporté en Russie, puis vendu au Royaume- Uni au XXe siècle, qui l’a exposé au British Museum, ne laissant en Egypte que 12 pages et quelque 24 fragments écrits en syriaque », explique Abdel-Latif. Et d’ajouter : « Avant la construction de la bibliothèque, les manuscrits étaient conservés dans trois endroits différents : dans le mur nord du monastère, dans le voisinage de l’église et dans un endroit central où les textes étaient accessibles ».
D’une valeur inestimable, la collection de palimpsestes est actuellement accessible aux étudiants, aux universitaires et au public sur WWW.sinaipalimpsests. org. « D’autres travaux de restauration sont en cours, mais sans délai fixe », a déclaré Ahmad Al-Nimr, membre du bureau scientifique du ministre des Antiquités.
Mosaïque de la Transfiguration restaurée
Parallèlement à la réouverture de la bibliothèque, le ministère a annoncé la fin des travaux de restauration de la mosaïque de la Transfiguration. Il s’agit d’une mosaïque placée au-dessus du choeur de l’église du même nom, qui a été restaurée par une équipe égypto-italienne dirigée par l’expert italien Nardi Guviani. « C’est l’une des mosaïques byzantines les plus anciennes, les plus belles et les plus grandes des églises d’Orient », affirme Al-Nimr. D’une surface de 46 m2, datant du VIe siècle, elle avait été réalisée à la demande de l’empereur Justinien. Elle est composée de plus de 500 000 fragments de pierre et de marbre, dont la dimension latérale moyenne est de 5 à 7 mm de pierres semi-précieuses et de pièces en verre. Certaines pièces sont incrustées d’or et d’argent. La mosaïque représente le Christ, debout, avec les apôtres Pierre, Jacques et Jean. Cette scène centrale est entourée d’une bande de 31 médaillons contenant les bustes des prophètes, des évangélistes et des apôtres et d’un disque représentant une croix. Sur l’arc triomphal sont représentés deux anges en vol, ainsi que des scènes montrant Moïse. Plus bas, deux autres médaillons représentent Jean-Baptiste et la Vierge Marie. La mosaïque s’était détériorée, principalement sous l’effet de l’infiltration de l’eau et de séismes.
Avec la réouverture de la bibliothèque et la fin des travaux de restauration de la mosaïque, le monastère de Sainte-Catherine retrouve toute sa splendeur. Ce qui fait dire à Khaled Al-Anani, ministre des Antiquités égyptiennes : « Le monastère est une source d’inspiration qui rayonne à travers la civilisation, à la fois régionale et globale ». Et d’ajouter : « Sainte- Catherine constitue un lieu de rencontre entre les trois religions monothéistes. Cette réouverture constitue un message de sécurité et de paix pour le monde entier ».
Sainte-Catherine, perle du Sinaï
Le monastère de Sainte-Catherine du Sinaï, appelé aussi le monastère de la Transfiguration, est un monastère orthodoxe situé sur les pentes du mont Sainte-Catherine, dans le Sud de la péninsule du Sinaï. Il se situe à 1 570 m d’altitude et est l’un des plus anciens monastères au monde encore en activité. Abritant une précieuse collection d’icônes et une bibliothèque riche en manuscrits, le monastère a été inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco en 2002. L’enceinte contient 24 chapelles, notamment l’église de la Transfiguration, ainsi que le « puits de Moïse ».
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