Au début du mois de février prochain, le premier vol régulier en provenance de Moscou atterrira à l’aéroport international du Caire, après plus de deux ans de suspension des vols russes vers la totalité de l’Egypte. Cette décision a été annoncée suite à la signature d’un accord de coopération dans le domaine de la sécurité aérienne entre Moscou et Le Caire vendredi à Moscou. Le président russe, Vladimir Poutine, avait souligné que Moscou était prête à reprendre ses vols vers l’Egypte lors d’une conférence de presse en marge de sa visite au Caire le 11 décembre dernier, au cours de laquelle les deux pays ont signé un important contrat relatif à la réalisation d’une centrale nucléaire. Les vols directs entre la Russie et l’Egypte, qu’ils soient réguliers ou charters, avaient été suspendus fin 2015 suite à l’attentat contre un airbus russe au-dessus du Sinaï, quelques minutes après son décollage de l’aéroport de Charm Al-Cheikh. Cet attentat, qui avait fait 224 morts, avait été revendiqué par le groupe djihadiste Daech et avait fortement perturbé les relations entre la Russie et l’Egypte.
En réaction à la nouvelle de la reprise des vols, les professionnels du tourisme sont partagés. Quelques-uns font preuve d’un grand optimiste, alors que d’autres sont plus réservés, d’autant plus que le ministre russe des Transports, Maxime Sokolov, a précisé dans un communiqué que cet accord « est le premier pas vers la reprise des vols. Cela permettra très probablement de reprendre les vols vers Le Caire dès février. Mais il reste encore beaucoup de travail à faire ». Ce qui fait dire à Moustapha Abdel-Ghani, tour-opérateur travaillant avec le marché russe : « Selon l’accord signé, il s’agit pour l’heure actuelle des vols réguliers reliant les deux capitales. Une éventuelle reprise des vols charters entre la Russie et l’Egypte devra faire l’objet d’autres discussions prévues pour avril. Ce qui veut dire qu’il n’y aura pas de retour immédiat des touristes russes en Egypte ». Selon Abdel-Ghani, les touristes russes sont des amateurs de destinations balnéaires comme Charm Al-Cheikh et Hurghada, ce qui signifie qu’ils ne viendront pas en masse pour visiter Le Caire. « Même si on admet que certains touristes vont se rendre à Charm Al-Cheikh via Le Caire, par exemple, ce seront des voyages réservés à une élite qui ont les moyens de se le payer, les billets des vols réguliers étant beaucoup plus chers que ceux des charters », renchérit Abdel-Ghani.
Une reprise des vols limitée au Caire
Le vice-président de l’Union russe de l’industrie touristique, Iouri Barzykine, partage cet avis. Il pense que la reprise des vols entre Moscou et Le Caire ne permettra pas aux tour-opérateurs de relancer la vente de voyages. « Les destinations de vacances principales des Russes étaient Charm Al-Cheikh et Hurghada (…), mais les vols directs vers ces villes ne vont pas reprendre pour l’instant », a-t-il déclaré à l’agence de presse russe TASS. Pour sa part, Mohamad Osmane, membre de la Chambre égyptienne du tourisme, estime que la Russie continuera de faire patienter l’Egypte, puisqu’elle prétend que seul l’aéroport du Caire est conforme aux normes internationales de sécurité des aéroports.
Or, depuis le crash de l’avion russe, l’Egypte a déployé beaucoup d’efforts pour renforcer les mesures de sécurité, autant dans les aéroports que dans les destinations et les sites touristiques. Depuis la suspension des vols par la Russie, il existe une coopération entre les deux pays afin d’augmenter le niveau de sécurité dans les aéroports. Des entreprises russes ont ainsi fourni aux aéroports égyptiens des appareils de détection d’explosifs qui recourent à la nanotechnologie ainsi que des portiques électroniques qui utilisent cette même technologie, en plus de radars de détection et de surveillance. De plus, des appareils spéciaux de contrôle des passagers et des bagages ainsi que de nouveaux équipements biométriques et des caméras ultrasophistiquées ont été installés. Enfin, l’Egypte s’est accordée avec la Russie en matière de transfert des valises à partir de la zone de chargement jusqu’à la piste, et ce, dans des conteneurs entièrement fermés et accompagnés de personnel de sécurité. « Plusieurs délégations d’experts russes sont venues en Egypte pour vérifier les mesures de sécurité. Leurs rapports étaient positifs. Pourquoi donc seulement une reprise partielle des vols ? », se demande Osmane.
Selon lui, la véritable reprise du tourisme russe n’aura pas lieu avant la saison d’hiver 2019, puisque les tour-opérateurs ne pourront pas programmer de voyages pour l’Egypte cette saison. En plus, la reprise concerne uniquement les vols réguliers, qui seront moins d’une dizaine par semaine, contre des centaines de charters qui atterrissaient dans les différents aéroports égyptiens avant 2015. « Les voyages effectués seront soit des voyages d’affaires, notamment pour les experts de la station nucléaire d’Al-Dabaa, soit des voyages à destination de Moscou pour les Egyptiens qui décident d’assister aux matchs de la Coupe du monde de football en juillet prochain », indique Osmane.
Les touristes russes, des passionnés d’Egypte
Plus optimiste, Walid Al-Battouty, conseiller du ministre du Tourisme, salue la reprise des vols entre Le Caire et Moscou. « C’est un bon signe pour le tourisme égyptien, puisque cela permet de corriger l’image de l’Egypte et de montrer qu’il s’agit d'une destination sûre. De plus, les touristes russes et les tour-opérateurs là-bas vont faire pression sur le gouvernement pour accélérer la reprise des vols vers la totalité de l’Egypte. La demande pour l’Egypte est intense parmi les touristes russes, qui constituaient plus de 30 % du mouvement du tourisme égyptien avant 2015. La preuve en est que plus de 15 000 touristes russes ont visité l’Egypte à travers des vols passant par la Turquie ou par l’Ukraine au cours des 10 derniers mois », souligne-t-il. Et d’ajouter que lors de sa participation au Salon du tourisme la plus connue en Russie, Intour Market, en mai dernier, le ministère du Tourisme a travaillé avec cette passion russe pour l’Egypte.
Pour sa part, Magdi Sélim, ex-vice-ministre du Tourisme, assure que ce pas aura un impact positif sur le secteur du tourisme en général. « Beaucoup d’autres pays pourraient alléger ou même supprimer leurs réserves aux voyageurs concernant la destination égyptienne. La Grande-Bretagne, qui est l’un des importants marchés pour le tourisme égyptien, pourrait suivre l’exemple de la Russie et reprendre ses vols à destination de Charm Al-Cheikh. Ceux-ci ont également été suspendus à cause du crash de l’avion russe », souligne Sélim. Selon lui, l’Egypte doit profiter de cette reprise partielle des vols pour lancer une grande campagne de publicité pour la promotion du tourisme en Egypte sur le marché russe ainsi qu’une autre, de relations publiques, afin de réorienter le marché russe tout entier vers l’Egypte. Cela en mettant l’accent sur la compétitivité de l’Egypte en matière de prix, notamment en comparaison avec la Turquie, la Grèce ou Chypre — pays vers lesquels les touristes russes se sont orientés ces deux dernières années.
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