« Trente ans de fouilles archéologiques à l’entrée est de l’Egypte », tel est le titre de l’exposition de photos qui se tient jusqu’au 30 juillet à la Bibliotheca Alexandrina. Inaugurée la semaine dernière par Khaled Anani, ministre des Antiquités, elle présente, sur près de 1 000 panneaux riches en illustrations et en informations, les résultats des fouilles menées par les différentes missions archéologiques égyptiennes et étrangères qui ont opéré sur une quinzaine de chantiers dans le Sinaï comme Tell Al-Habwa, Tell Al-Herr et Tell Al-Makhzan. L’exposition met en exergue l’histoire de cette région et son importance, notamment militaire, de l’Antiquité à nos jours. « Les fouilles ont commencé après la récupération complète du Sinaï en 1981, dans le cadre d’un programme lancé en 1986 par les autorités égyptiennes dans le but de découvrir les trésors archéologiques de la région, notamment les nombreuses forteresses militaires », explique Mohamad Abdel-Maqsoud, chef de la mission archéologique égyptienne, qui travaille sur place depuis le premier jour. « Les forces d’occupation israéliennes avaient, elles aussi, procédé à des fouilles dans la région durant les années d’occupation du Sinaï entre 1967 et 1973 et volé de nombreuses pièces. Nous avons réussi à en récupérer un grand nombre, notamment des manuscrits de la Citadelle de Saladin, des statuettes et des masques pharaoniques », ajoute-t-il.
Ce n’est qu’au début des années 1990 que les missions archéologiques étrangères ont commencé à travailler sur les sites de la péninsule dans le but de découvrir ses trésors cachés.
Une multitude de découvertes
« En 2004, la mission archéologique égyptienne a découvert le site de Tell Al-Habwa. Au fil des saisons de fouilles, les archéologues ont réussi à mettre au jour une grande ville fortifiée, connue sous le nom de Tharo. Elle contient cinq forteresses militaires datant du Nouvel Empire, de même que des palais royaux qui remontent au règne des rois Thoutmosis III et Ramsès II », raconte Abdel-Maqsoud, tout en précisant que la mission égyptienne a aussi découvert des entrepôts et des bâtiments administratifs. Mais la découverte phare est le plus grand temple en brique du Sinaï : d’une superficie de 70 m/80 m, il porte des inscriptions en couleurs vives commémorant les pharaons Ramsès I et II. Sa magnificence et sa taille laissent à penser qu’il était peut-être destiné à impressionner les armées et les délégations étrangères arrivant en Egypte. L’importance de cette découverte, c’est qu’elle est conforme aux inscriptions gravées sur les murs des temples de Karnak à Louqsor. « La péninsule du Sinaï marque l’entrée est de l’Egypte. Elle comporte 11 forteresses militaires qui la protégeaient, mais jusqu’à présent, on n’en a découvert que cinq », indique Al-Sayed Abdel-Alim, directeur des antiquités d’Al-Qantara-Est, résumant l’importance de la région. En 2009, la mission archéologique égyptienne a, de plus, découvert une énorme forteresse considérée comme la plus grande mise au jour dans le Delta oriental.
Départ des missions étrangères
Bien que bon nombre de missions étrangères aient opéré dans la région au cours de plusieurs années, les archéologues égyptiens sont aujourd’hui seuls à y travailler. Les missions étrangères ont en effet été obligées de quitter la région suite à la révolution de janvier 2011. Avant son départ, la mission française a pu lever le voile sur les secrets de la région de Tell Al-Herr à l’est du Canal de Suez, un des principaux sites archéologiques de la région. Il se compose d’une colline formée de vestiges superposés et de plusieurs fortifications et nécropoles. Le site avait un intérêt stratégique pendant le IVe siècle av. J.-C. « Les travaux de Tell Al-Herr se sont étendus sur trois saisons, de 2007 à 2009, et ont permis de dégager une grande résidence royale construite sous le règne de Seti Ier, deuxième pharaon de la XIXe dynastie. C’est une grande construction en briques, composée d’une salle principale et de pièces secondaires, et entourée d’une enceinte rectangulaire », indique Abdel-Alim. Il précise que sur le même site, la mission a trouvé des forteresses militaires datant des époques perse et gréco-romaine, un camp romain, des bâtiments administratifs, ainsi que de nombreuses statuettes en terre cuite.
Quant à la mission polonaise, elle a découvert en 2005, à Tell Al-Farma, le plus grand théâtre romain d’Egypte. Il possède la forme traditionnelle d’un hémicycle et est entouré de colonnes en granite. Au préalable, les archéologues avaient dégagé une partie d’un beau carrelage de mosaïque, qui, avec ses couleurs vives et ses motifs évoquant la nature, avait fait partie autrefois du théâtre. Malheureusement, le théâtre avait été détruit par les forces d’occupation israéliennes en 1967, mais le ministère des Antiquités a pu le restaurer entre 2005 et 2016.
Notons que la plupart des pièces archéologiques trouvées sur les différents sites se trouvent actuellement dans les musées de Taba, d’Al-Arich et de la ville de Suez.
Lien court: