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Les mille visages de Qasr Al-Aïni

Doaa Elhami, Mercredi, 19 juillet 2017

Qasr Al-Aïni, la faculté de médecine de l’Université du Caire, célèbre cette année ses 190 ans. Toute une histoire de la dynastie mamelouke jusqu’à aujourd’hui, en passant par l’Empire ottoman.

Les mille visages de Qasr Al-Aïni

« C’est une longue histoire qui mérite de donner à Qasr Al-Aïni le terme de l’hôpital des hôpitaux », souligne Dr Fathi Khodeir, doyen de la faculté de médecine de l’Université du Caire, Qasr Al-Aïni. C’est ainsi qu’à partir de 1827, Qasr Al-Aïni est devenu la première école médicale supérieure en Egypte, voire dans toute la région. La faculté de médecine célèbre cette année ses 190 ans d’existence. L’histoire de Qasr Al-Aïni, palais Al-Aïni en arabe, remonte à l’empire mamelouk (1250-1517). A cette époque, le notable Chéhabeddine Ahmad Abdel-Hamid Badreddine Mahmoud Al-Aïni a bâti un glorieux palais comme résidence personnelle, dont l’inauguration a été honorée par le sultan Khoshqadam en personne. Durant l’Empire ottoman (1517- 1914), les princes mamelouks qui sont restés dans le pays se sont emparés du palais qui avait plusieurs utilisations. Il a été transformé en palais d’hospitalité, en prison ou exil et il a même servi de résidence au gouverneur .

Avec l’Expédition française (1798- 1801), le palais de Qasr Al-Aïni a changé de peau. Napoléon Bonaparte l’a transformé en ce temps en hôpital, pour devenir pour la première fois un hôpital militaire pour ses officiers et ses soldats. A savoir que le général Kléber a été enterré dans le jardin du palais avant le transfert de sa dépouille en France. Le palais a été déserté jusqu’en 1825, lorsque Mohamad Ali pacha décida de l’exploiter et le transformer en école militaire.

Et comme Mohamad Ali accordait une grande importance à l’enseignement moderne, il décida d’y créer une école de médecine. « En ce temps, la médecine avait pris une ultime priorité chez le gouverneur Mohamad Ali, surtout après l’épidémie de la peste qui avait ravagé tout le pays. Et afin d’installer une forte armée composée d’Egyptiens, Mohamad Ali a alors décidé de créer un organisme médical pour soigner ses soldats », explique l’archéologue Amal Mahfouz, spécialiste en Egypte moderne. Pour faire, Il a embauché le chirurgien français Antoine Barthélemy Clot (voir encadré).

L’impact Clot bey

Les mille visages de Qasr Al-Aïni
Qasr Al-Aïni dans les années 1800 et aujourd'hui.

Clot bey avait déjà fondé en 1825 une école de médecine à Abou- Zaabal, banlieue située au nordest du Caire. « Une localisation sélectionnée auprès d’un grand camp militaire, nommé Guéhad Abad, pour servir les officiers et les soldats et faciliter leur transfert », explique Amal Mahfouz. Cet emplacement a aidé aussi les étudiants de s’approcher des officiers et des soldats blessés, connaître leurs symptômes et voir les étapes de leur rétablissement. D’après les documents, cette école était un bâtiment carré composé d’un étage, avec au centre un jardin où l’on plantait des herbes médicinales. Des médecins européens enseignaient dans cette école et les élèves étaient des étudiants égyptiens choisis minutieusement parmi les étudiants d’Al-Azhar. Le chirurgien français Antoine Clot avait conseillé à Mohamad Ali de former une génération de jeunes médecins égyptiens, et de les envoyer ensuite en bourse scientifique en Europe. Clot avait embauché des Syriens qui connaissaient à la fois le français, l’italien et l’arabe pour traduire les cours médicaux. Cinq ans plus tard, soit en 1832, la première promotion de l’école de médecine d’Abou- Zaabal a vu le jour. Elle était aussi le premier hôpital universitaire de tout l’Empire ottoman. Douze étudiants parmi cette promotion ont obtenu des bourses pour continuer leurs études de médicine en Europe. Chacun d’eux devait traduire les livres étudiés en Europe et qui étaient imprimés par l’imprimerie de Boulaq, installée en 1821.

Quand les soldats ont quitté le camp militaire d’Abou-Zaabal en 1837, l’école de médecine a alors pris place au palais de Qasr Al- Aïni par les soins de Mohamad Ali, qui a nommé Clot aux commandes. Et au lieu de servir uniquement les militaires, elle commence depuis cette date à prodiguer des services aux civiles, notamment les pauvres.

Expansion de l’école

La médecine a vu une période de développement et de prospérité grâce aux travaux de Clot bey, qui a installé à Qasr Al-Aïni plusieurs organismes médicaux et scientifiques. Un laboratoire pour la composition des médicaments, une « école de maternité » à l’intention des jeunes filles et un hôpital civil connu sous le nom d’« hôpital royal ». En revanche, la plupart des jeunes médecins issus de Qasr Al- Aïni étaient envoyés aux diverses unités militaires égyptiennes qui se répandaient partout dans l’Empire ottoman : La Grande Syrie, Hidjaz, le Yémen et le Soudan. Pas question que les médecins égyptiens qui accompagnaient l’armée dans ces expéditions ont réalisé beaucoup d’opérations chirurgicales. Ce qui les a enrichis sur le plan pratique.

Premier recensement

Sur le plan administratif, un département médical nommé « la consultation des médecins » a été installé. Ce département ayant des branches partout en Egypte présentait gratuitement le service médical aux citoyens. Un programme de vaccination a été créé pour tous les enfants du pays contre la petite vérole. Des hôpitaux régionaux ont été dressés dans les grandes villes.

Les mille visages de Qasr Al-Aïni
Le premier doyen égyptien, Ali Ibrahim pacha.

Qasr Al-Aïni a réussi à prendre des mesures de précaution contre les épidémies, notamment la peste et le choléra qui ont disparu vers la fin des années 1880. En 1848, Qasr Al-Aïni a réussi à effectuer le premier recensement de l’Egypte. Parmi les médecins renommés qui ont travaillé en Egypte, on peut citer le médecin allemand Theodor Bilharz (1825-1862) qui a découvert l’une des maladies qui étaient répandues parmi les paysans égyptiens, celle de la bilharziose. En 1908, l’école de médecine de Qasr Al-Aïni est devenue la faculté de médecine de l’Université de Fouad Ier. Elle était l’une des premières facultés de l’université naissante.

Le premier doyen était le médecin anglais Wilson. Ce n’est qu’en 1929 que le professeur Ali Ibrahim pacha fut nommé premier doyen égyptien de la faculté de médecine de Qasr Al-Aïni. Voulant faire des travaux d’expansion de la faculté de médecine, il a dû construire de nouveaux bâtiments. Il a alors construit l’hôpital universitaire en 1936, qui se trouve actuellement à Manial et porte aussi le nom de Qasr Al-Aïni.

A l’intérieur de la faculté se trouve un musée médical qui raconte l’histoire de la médecine égyptienne depuis l’époque pharaonique et qui avait été créé par le roi Fouad Ier en 1908. « Ce musée regroupe des outils de chirurgie et des manuscrits, notamment le serment médical et une copie du célèbre livre de La Description d’Egypte, réalisé par les scientifiques de l’Expédition française », reprend l’archéologue Amal Mahfouz. Ce musée renferme aussi des aquarelles représentatives de l’équipe fondatrice de l’école de médecine, du bâtiment d’Abou- Zaabal et bien d’autres. Ce complexe hospitalier, témoin de plusieurs époques, mérite bien son nom « l’hôpital des hôpitaux ».

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