Al-Ahram Hebdo : Que pensez-vous des différentes découvertes à Wadi Al-Garf ?
Pierre Tallet : Depuis une dizaine d’années, nous avons plus d’informations sur la présence des Anciens Egyptiens sur les côtes de la mer Rouge, et ce, grâce à l’exploration de deux sites portuaires, qui ont fait récemment l’objet d’importants travaux archéologiques. Il s’agit de Marsa Gaouasis, un port utilisé par les Anciens Egyptiens au cours du Moyen Empire pour se rendre au pays de Pount (l’actuelle Somalie), et Al-Aïn Al-Sokhna. Ce port était aussi utilisé pour transporter le cuivre et la turquoise du Sinaï à partir de la fin de la IVe dynastie. La découverte d’un nouveau port plus ancien à Wadi Al-Garf, au sud de la ville côtière de Zaafarana, nous apporte un complément d’information sur cette présence. En juin 2011, une première campagne sur le terrain avait permis de dresser un plan topographique complet de cette région. Le site s’étend en effet sur 6 km de l’ouest à l’est, du premier contrefort rocheux des montagnes du désert oriental aux rivages de la mer Rouge.
Notre objectif était au départ de découvrir cette côte et dévoiler ses secrets. Les pharaons Snéfrou et Chéops du début de la IVe dynastie étaient les premiers à construire leurs pyramides géantes. C’était probablement la raison pour laquelle ils ont fait ce port à Wadi Al-Garf, juste en face de la zone minière. C’est une découverte d’importance majeure qui va nous donner plus d’informations surtout sur le quotidien des Anciens Egyptiens.
— A part le port, quel est l’intérêt de ce site ?
— Outre le fait qu’il est le plus ancien port connu jusqu’à maintenant, il s’agit de 30 galeries creusées dans la montagne en face de la côte. 17 d’entre elles sont aménagées autour d’une petite éminence rocheuse, tandis que 9 autres sont creusées sur le flanc du petit Wadi orienté du nord vers le sud. Les galeries sont en moyenne longues d’une vingtaine de mètres, larges de 3 m et de 2 m de hauteur. Les papyrus découverts sont également importants, car ce sont les plus anciens écrits de ce genre trouvés jusqu’ici en Egypte. Ils donneront une idée de la façon dont l’administration centrale travaillait à cette époque, comment elle pouvait contrôler la livraison de la nourriture qui était envoyée aux ouvriers et aux responsables engagés dans des expéditions dans le Sinaï.
— Quels sont vos objectifs et vos perspectives à Wadi Al-Garf ?
— Il s’agit d’un site très large contenant plusieurs galeries (caves) creusées dans la roche. Ces galeries ont été fermées avec de gros blocs de calcaire sur lesquels le nom de Chéops est inscrit plusieurs fois. L’étude des papyrus va commencer. C’est un travail compliqué : sous-marin, au bord de la mer, à la montagne et dans les laboratoires.
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