« Où est le palais Qasdoghli ? ». Difficile pour les passants de répondre … Ce palais est tombé dans l’oubli et avec lui son nom d’origine. Il a été remplacé par une école préparatoire pour filles, le collège Ali Abdel-Latif, aujourd’hui fermé.
Tout le monde dans la rue a oublié ce joyau historique qu’était le palais Qasdoghli et ne connaît que l’école. C’est seulement grâce aux affrontements qui ont eu lieu à plusieurs reprises aux alentours de la place Simon Bolivar que ce palais a refait surface.
Plus de quatre mois après les dégradations faites au palais, situé place Simon Bolivar à quelques pas de la place Tahrir, le ministère d’Etat pour les Affaires des Antiquités a pris la décision de le sauver de la démolition à laquelle il était promis et de le restaurer pour lui faire retrouver sa beauté d’antan.
Car pour la seconde fois en quelques semaines, le palais Qasdoghli a pris feu après que de jeunes adolescents eurent lancé des cocktails Molotov sur la police. L’incendie a détruit les décorations et les gravures des murs et des plafonds. Les meubles antiques sont, eux aussi, partis en fumée.
Par ailleurs, beaucoup d’objets de valeur comme des miroirs belges, des chandeliers et des tableaux anciens ont été volés. « Ce palais a une grande valeur historique et esthétique. Ses décorations, ses fresques florales, ses gravures sur marbre ou sur ivoire témoignent de la richesse de cet édifice », précise Mohamad Abdel-Aziz, directeur du projet de restauration du Caire historique et responsable de la restauration du palais Qasdoghli.
Le CSA mis en cause
Le ministre d’Etat pour les Affaires des Antiquités a révélé suite au premier incendie que l’édifice était enregistré en tant que monument islamique et copte. Mais son contenu (meubles, lustres, miroirs …) ne figure pas dans les registres du Conseil Suprême des Antiquités (CSA). Un oubli qui a suscité de nombreuses critiques de la part des spécialistes qui estiment que les meubles et autres ornements qu’abrite le palais ont au moins autant de valeur que l’édifice lui-même.
D’après Mohsen Abdel-Ghaffar, archéologue, les pièces qui se trouvaient dans le palais ne pourront jamais être retrouvées car rien n’était enregistré au CSA. Impossible donc d’établir un inventaire des objets volés. « On retrouvera tout dans quelque temps dans les salles de vente aux enchères en Europe sans pouvoir prouver quoi que ce soit. C’est dommage », se lamente Abdel-Ghaffar.
Construit en 1900, le palais appartenait à un millionnaire grec, Emmanuel Qalisdogi. C’est l’architecte français Matasek qui l’a bâti selon le style byzantin. La superficie totale du palais est de 2 000 m2 répartis en trois étages. « Il était à son époque l’un des plus somptueux palais du quartier de Garden City. Son ameublement de luxe n’existait que dans les palais royaux, à l’instar des cheminées géantes, des colonnes en bois sculptées en forme d’oiseaux ou de plantes et des ornements en cuivre ou en bois incrustés en ivoire. Les tableaux signés des plus grands peintres de l’époque abondaient aussi dans le palais », précise le responsable de la restauration.
Selon lui, le palais aurait été vendu par les héritiers de l’homme d’affaires grec à un Egyptien. Plus tard, il devint la résidence du consul britannique en Egypte avant d’être utilisé comme siège de l’ambassade des Etats-Unis. A partir de 1947, il est exploité par le ministère de l’Education et de l’Enseignement qui le transforme en collège : Qasr Al-Doubara Al-Sanawiya. Après la Révolution de 1952, il devient une école préparatoire pour les filles.
En 2009, le palais est fermé et l’école évacuée ailleurs dans l’objectif de le restaurer. Mais le manque de financement et les troubles politiques ont sans cesse repoussé les débuts des travaux. Ceux-ci devraient commencer dans les mois à venir.
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