Al-Ahram Hebdo : Un citoyen a présenté dernièrement au procureur général une demande de juger Napoléon Bonaparte pour avoir cassé le nez du Sphinx. Qu’en pensez-vous ?
Abdel-Halim Noureddine : C’est du n’importe quoi. Il n’y a aucune preuve qui puisse confirmer une telle accusation. Napoléon Bonaparte est venu en Egypte lors de l’Expédition d’Egypte (1798-1801) avec ses soldats mais aussi avec des savants et des scientifiques dans tous les domaines pour explorer la civilisation égyptienne. Les Français continuent jusqu’à aujourd’hui à aider les Egyptiens surtout dans le domaine archéologique. L’Ifao est un exemple concret de cette aide française. La coopération franco-égyptienne est très grande dans les domaines des fouilles, des restaurations et de la recherche scientifique.
Les missions de fouilles et de restauration sont nombreuses et se trouvent aux quatre coins du pays. Les plus grands archéologues français du monde sont passés par l’Egypte et ont fait des travaux extraordinaires. On ne peut pas marginaliser des travaux comme ceux de Jean-Philippe Lauer ou Madame Desroches de Noblecourt qui sont les pionniers de cette science et qui ont contribué à la découverte de notre civilisation.
— Mais comment expliquer la disparition du nez du Sphinx ?
— La destruction du nez du Sphinx a été expliquée de plusieurs manières parfois fantaisistes dans plusieurs ouvrages. Je pense que le nez du Sphinx a disparu tout simplement à cause de l’érosion. Les anciennes inscriptions montrent que le Sphinx était à moitié enseveli sous le sable. Dans ces illustrations, le nez du Sphinx était invisible. Selon quel critère ce citoyen veut-il faire condamner Bonaparte et les Français ? C’est ridicule. Si les Français avaient cassé le nez du Sphinx, on l’aurait su et cela aurait été écrit quelque part. Or, tel n’est pas le cas. En plus, le nez n’est pas la seule partie manquante du Sphinx. Une partie du menton est exposée au British Museum de Londres. L’Egypte a demandé sa restitution à maintes reprises, mais en vain. C’est une pièce de grande valeur que les Anglais estiment essentielle dans la collection égyptienne du musée. Si les Français avaient possédé le nez, ils l’auraient sûrement exposé.
— Certains exigent des indemnités à la France pour le nez du Sphinx sous peine d’une rupture des relations dans le domaine archéologique. Qu’en pensez-vous ?
— Pourquoi rompre une relation aussi ancienne que forte. Il faut penser, au contraire, à fortifier cette relation qui a apporté beaucoup à l’Egypte. Il y a des choses plus essentielles à faire, il faut conserver le Sphinx qui est dans un état délicat. Il faut suivre de près le niveau des nappes phréatiques, qui est en hausse continuelle. Tant qu’il y aura des cultures dans les alentours du plateau des Pyramides, le danger persistera. C’est là une question à débattre.
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