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150 ans d'histoire

Nasma Réda et Doaa Elhami, Mardi, 18 octobre 2016

Le parlement égyptien fête, le 22 octobre, ses 150 ans d'existence. Retour sur l'histoire de cette institution où ont été rédigées les lois les plus décisives de l’histoire contemporaine de l'Egypte.

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(Photo : Mohamad Moustapha)

L’Egypte moderne était l'un des objectifs essentiels de mon grand-père, Mohamad Ali, puis de mon père Ibrahim. Ils ont déployé tous leurs efforts pour renforcer la sé­curité et les conditions de vie du peuple égyptien. Pour ma part, lors de mon accession au pouvoir, j’ai mis en place un gros projet de développement urbain et civil. Le Conseil consultatif des députés était l'un de mes objectifs que je réalise aujourd’hui. C’est à vous, députés élus, de défendre les droits natio­naux et les intérêts du peuple dans vos circonscriptions respectives. Et je suis convaincu que vous en êtes capables ». C’est avec ces propos que le khédive Ismaïl (1863-1879) ouvre le discours d’inauguration de la première session parlementaire le 22 octobre 1866.

Des festivités ont été organisées ainsi qu'une réunion regroupant le conseil des parlements africains à Charm Al-Cheikh.

L'inauguration officielle du parle­ment par le khédive Ismaïl avait été précédée de plusieurs initiatives. La première a eu lieu pendant l’Expédi­tion française d'Egypte (1798-1801). A cette époque, Napoléon Bonaparte avait formé un diwan (conseil) com­posé de 8 oulémas d’Al-Azhar pour organiser la vie des citoyens. Ce diwan sélectionnait les soldats de la police qui contrôlaient les marchés et surveillaient les réserves de nour­riture du Caire. Le diwan se préoccu­pait aussi de l’hygiène. La deuxième tentative de création d'un parlement a eu lieu en 1829 par Mohamad Ali pacha, le fondateur de l’Egypte mo­derne et de la famille alide. Ce der­nier avait créé un conseil composé de commerçants, de notables, de maires et d'oulémas importants de la ville. Ce conseil donnait son avis sur les affaires administratives générales et le transmettait au pacha qui prenait la décision finale. Mais ces tentatives parlementaires n’avaient évolué qu’avec l’arrivée du khédive Ismaïl qui était ébloui par les systèmes po­litiques européens et le mode de vie moderne. Le parlement égyptien est le 5e plus ancien au monde. « La création d'un parlement faisait par­tie du projet de modernisation de l'Etat égyptien. Ce premier pas vers la modernité a également été suivi par le développement de l'urbanisa­tion et de la construction du Caire khédiviale avec ses hôtels luxueux », explique Mohamad Hossam Ismaïl, expert en archéologie à l'Université de Aïn-Chams. Le khédive Ismaïl a également créé le « Conseil consul­tatif » dont les élus avaient pour mission de délibérer sur les sujets touchant aux questions internes, de surveiller les projets du gouverne­ment, ou encore de discuter des déci­sions ministérielles. Ce conseil était formé de 75 notaires élus qui avaient des mandats de 3 ans. Le premier président de ce conseil fut Ismaïl pa­cha Ragheb (1819-1884). « A cette époque, les traditions parlemen­taires étaient encore peu connues des députés, tout comme la notion d'opposition, qui se caractérise par la représentation d'un groupe contre et d'un groupe pour le gouverne­ment. Tous les élus ont facilement occupé les sièges situés à droite de l'Assemblée, mais il a fallu de lon­gues heures de discussions, pour que Ismaïl pacha Ragheb réussisse à persuader certains députés d'aller s'installer à gauche de l'Assemblée, sur les bancs de l'opposition », com­mente l'expert Mohamad Hossam Ismaïl.

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(Photo : Mohamad Moustapha)

Le parlement naissant a connu de nombreuses réformes. Après l'échec de la révolte armée présidée par le général nationaliste, Ahmad Orabi (1881), puis l’occupation anglaise du pays, le parlement devient bica­méral, surtout avec la mise en appli­cation de la loi de l’année 1883, qui prévoyait une répartition en deux chambres : le conseil législatif et l’Assemblée générale. « En 1881, pour la première fois, le parlement pouvait contester l’autorité des mi­nistres. Mais malheureusement, ce parlement n’a survécu qu’une seule année », souligne l’historien Was­sim Al-Sissi. Pour sa part, la dé­putée et intellectuelle Lamis Gaber rappelle que l'objectif des Anglais n'était pas de permettre une vie par­lementaire réelle en Egypte.

Batailles politiques

Le développement de la vie po­litique au début du XXe siècle a énormément influencé la vie par­lementaire. « Après l’arrestation et la déportation du chef nationaliste, Saad Zaghloul, ce dernier a déclen­ché la grande insurrection natio­nale de 1919 qui a mis fin au pro­tectorat britannique, le 28 février 1922. Puis, le roi Fouad a signé par décret l'établissement d'un régime constitutionnel pour l'Egypte », ra­conte Al-Sissi.

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Le roi Farouq sur le trône, sous la coupole pour inaugurer la session parlementaire. (Photo : Mohamad Moustapha)

La Constitution de 1923 a donné lieu à un parlement élu en 1924. Le parti patriotique du Wafd remporte les élections du Conseil des dé­putés, et son chef historique Saad Zaghloul devient premier ministre. Mais celui-ci, en désaccord avec le roi, démissionna en novembre et le parlement est dissous. Il s'agit du mandat le plus court de l'histoire. Deux ans plus tard, en mai 1926, le Wafd remporte les élections, et Saad Zaghloul devient le président du parlement. « Saad Zaghloul était fier toute sa vie d’avoir été élu par le peuple », ajoute l'his­torienne Lamis Gaber. La mort de Saad Zaghloul en 1927 a provoqué une grande instabilité politique. La Constitution de 1923 fut abrogée puis remplacée par une nouvelle en 1930. Le Wafd a présenté au conseil le seul président copte, Wissa Wassef, surnommé le « briseur de chaînes ». « Le roi avait ordonné de fermer les portes du parlement avec de grosses chaînes pour empêcher Wissa Wassef de rassembler les dé­putés suite à un grave conflit avec le gouvernement wafdiste. Mais ce dernier, faisant fi de cette interdic­tion, organisa la réunion à l'hôtel Intercontinental », raconte l'histo­rien Mohamad Hossam Ismaïl.

Moments difficiles

L'histoire parlementaire com­prend des moments difficiles. Parmi eux se trouve l'assassinat d'Ahmad Maher pacha, président de l'As­semblée du peuple. Un jour de l'an­née 1938, en traversant le couloir menant à la porte du parlement, il reçoit 3 balles qui le tuent immé­diatement. En 1940, le politique et diplomate Hassan pacha Sabri, ho­noré du Grand Cordon de Mohamad Ali pacha, est mort lui aussi alors qu'il s'apprêtait à lire un discours d’honneur sous la coupole du par­lement.

Cette période de l'Histoire est marquée par des rivalités qui op­posaient les partis du Wafd, d'Al-Ahrar, d'Al-Destouriyne et le roi, ce qui a finalement déclenché la Révo­lution de 1952.

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La fameuse coupole parlementaire, témoin de divers événements et discours. (Photo : Mohamad Moustapha)

Après cet événement majeur, une nouvelle vie parlementaire reprend, et de nombreuses figures célèbres marquent l’histoire législative égyptienne. Anouar Al-Sadate, l'un des généraux de l’armée, a présidé deux fois le parlement en 1960 et en 1964. L’union avec la Syrie en 1958, puis la rupture avec ce pays en 1964 perturbent la vie parlemen­taire. Le nombre de députés atteint le chiffre record de 350 députés, dont la moitié était des ouvriers et des paysans. Sous la République arabe unie (l'union avec la Syrie), il y avait 400 députés dont 200 Sy­riens. A cette époque, les femmes aussi luttaient pour leurs droits. Et elles ont réussi à accéder au parle­ment pour la première fois en 1957.

Le président Gamal Abdel-Nas­ser, ainsi que son successeur Anouar Al-Sadate, y ont tenu d’importants discours comme le célèbre discours de Sadate en 1973, après la victoire d’Octobre contre Israël dans le Si­naï. « A partir de là, le parlement a connu une période de stabilité et les députés ont continué leur mandat de cinq ans », affirme Gaber.

Cependant, le seul président de l’Assemblée du peuple qui ait été nommé président de la République, pour huit jours, était Soufi Abou-Taleb (1978-1983), après l’assassi­nat du président Al-Sadate en 1981. « La vie parlementaire égyptienne a connu son heure de gloire sous la présidence de Fathi Sorour », indique Alaa Chaaban, directeur du Musée du parlement. Sorour a présidé l’Assemblée du peuple pen­dant 3 mandats successifs, de 1995 jusqu’au déclenchement de la révo­lution de 2011. Après la révolution, deux parlements ont été formés. Le Conseil consultatif a été supprimé et le Conseil des députés a retrouvé son rôle.

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