Mamdouh Oda : Un énorme travail nous attend
Al-Ahram Hebdo :
Quand le département général de la gestion des crises et des catastrophes a-t-il été mis en place ?
Mamdouh Oda : Le département a officiellement été mis en place en janvier 2016, mais l’idée de sa création remonte à 2012 lorsque l’un de nos collègues a fait un stage de gestion des risques d’origine humaine et naturelle en Italie avec la société Akrom (société internationale pour la préservation des musées). De retour en Egypte, il a animé des formations qui ont réuni une trentaine de personnes de divers secteurs du ministère. Ces formations ont été renouvelées afin qu’il y ait un nombre suffisant de personnes qualifiées pour couvrir tout le pays.
Avant la création du département, un groupe intitulé « Equipe de sauvegarde du patrimoine égyptien » a été créé. Il a notamment travaillé au Musée islamique, après l’attentat à l’explosif qui l’a frappé en janvier 2014.
L’équipe a pu isoler et protéger les pièces antiques tout en documentant les étapes de leur travail sur CD, qui ont été transmis à l’Unesco. L’équipe a aussi opéré à Wadi Al-Natroun, où certaines salles d’anciennes églises ont été fortement affectées par les inondations torrentielles qui ont eu lieu en novembre 2015. Cette équipe de travail est le noyau fondateur de la création de ce département.
— Quel est l’objectif du département ?
— Son objectif est d’évaluer les risques auxquels sont exposés les monuments importants du patrimoine égyptien et d’éviter les risques, en mettant en place différentes solutions, que ce soit pour les musées ou les sites archéologiques. Ainsi, en cas de crise, on peut directement faire face aux problèmes qui surviennent. La formation du personnel ministériel est une étape primordiale. Elle comprend des archéologues, des restaurateurs ou encore les agents de sécurité des musées ou des chantiers. Il est également important de former un certain nombre de personnes pour qu’elles puissent faire face à une situation de crise.
— Quel genre de crise ou de catastrophe le département traite-t-il ?
— En principe il y a deux types de catastrophes : naturelle et humaine. Les catastrophes naturelles varient entre les tremblements de terre, les inondations, les changements climatiques, le niveau d’humidité, les effets nocifs des zones de bord de mer, à l’exemple de la Citadelle de Saladin, dressée sur l’île du Pharaon à Taba. Le dossier de ce site sera bientôt présenté à l’Unesco pour être enregistré comme site à protéger. Le rapport comprend l’état du bâtiment et son environnement, mais aussi les effets nocifs de la mer sur la citadelle. La composition de ce rapport détaillé nécessite par exemple l’intervention de notre département.
Pour les catastrophes d’origine humaine, surgissent en premier lieu le terrorisme et ses dégâts destructeurs, à l’exemple de l’attentat qui a eu lieu devant le Musée islamique du Caire, ou l’incident du musée de Mallawi à Minya, en Moyenne-Egypte. Les fouilles clandestines et les incendies représentent aussi de grandes menaces, comme le prouve le palais Al-Mosafer Khana, l’un des joyaux de l’architecture islamique, victime d’un immense incendie.
— Depuis la création officielle du département, quelles sont les missions déjà accomplies ?
— Nous avons agi au monastère souriane à Wadi Al-Natroun, où nous avons restauré les murs fissurés, subissant l’humidité et la salinité des lieux. Nous avons également reconstruit la coupole du monastère. Notre équipe travaille en ce moment à la réhabilitation des réseaux électrique et sanitaire. Nous avons aussi fait une évaluation des dangers qui menacent le Musée copte, comme l’eau de pluie, et avons modifié les planches qui recouvraient le patio où se trouvent les colonnes et des chapiteaux de pierre. Nous sommes également intervenus au Musée égyptien, où nous avons restauré le sistrum coloré du plafond. Les tombes des bâtisseurs des pyramides, construites de brique crue, ont aussi été consolidées et recouvertes d’un film protecteur.
— Quels sont les sites prioritaires ? et pourquoi ?
— La ville cosmopolite d’Alexandrie, la Côte-Nord et Wadi Al-Natroun sont nos trois priorités actuelles. Les deux premières sont exposées à l’humidité et aux effets de la Méditerranée qui fragilisent les monuments. Nous avons déjà entamé une carte d’évaluation des risques pour les sites archéologiques alexandrins, y compris les musées. En réalisant cette carte, nous avons découvert l’état déplorable de plusieurs sites importants. La même chose s’est produite pour les sites de Wadi Al-Natroun qui ont besoin d’un réaménagement global afin de lutter contre les prochaines pluies torrentielles. Un énorme travail nous attend et le département a besoin de moyens, d’outils et d’un dépôt pour accomplir cet énorme travail.
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