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Le patrimoine détourné de l’Egypte

Dalia Farouq, Mardi, 19 juillet 2016

Israël vient de restituer deux pièces d'antiquité égyptiennes ayant fait l'objet d'une contrebande. De nombreuses autres pièces, pillées durant l'occupation israélienne du Sinaï, se trouvent dans ce pays.

Le patrimoine détourné de l’Egypte

Sortis d’Egypte en contrebande et introduits en Israël de manière illégale via Dubaï, deux couvercles de sarcophage antiques datant de l’époque pharaonique ont été remis à l’ambassade d’Egypte en Israël. Selon Chaabane Abdel-Gawad, président du département des antiquités récupérées au ministère des Antiquités, ces pièces ont été pillées en Egypte durant la période d’instabilité politique qui prévalait dans le pays après la révolution de 2011. « Ce sont les autorités israéliennes qui les détenaient depuis quatre ans. Les deux pièces étaient déposées dans le magasin d’un concessionnaire, dans la vieille ville de Jérusalem. Ensuite, l’Egypte a fait une demande auprès des autorités israéliennes pour que ces dernières les restituent. Les efforts se sont poursuivis en coopération avec le ministère des Affaires étrangères et l’ambassade d’Egypte à Tel-Aviv pour leur récupération », explique Abdel-Gawad. Ces sarcophages sont en bois recouverts de plâtre et décorés d’hiéroglyphes et d’illustrations brillantes. L’un d’eux est âgé de 3 400 à 3 600 ans et remonte à la XVIIIe dynastie. L’autre date de 3 000 ans.

« C’est la deuxième fois depuis la signature du traité de paix entre l’Egypte et Israël en 1979 que l’Egypte récupère des pièces d’antiquités d’Israël », assure Khaled Al-Anani, ministre des Antiquités. La première fois était en 1994, lorsque l’Egypte a récupéré plus de 38 000 pièces de l’Etat hébreu. « En vertu d’une des clauses du traité de paix, Israël devait rendre à l’Egypte toutes les pièces d’antiquités découvertes dans le Sinaï lors de l’occupation israélienne », souligne Abdel-Halim Noureddine, ex-président du Conseil suprême des antiquités et président de la délégation archéologique qui a ramené les antiquités égyptiennes en Egypte. Il explique que pendant son occupation du Sinaï, de 1967 à 1982, Israël avait fouillé plus de 35 sites archéologiques au long et au large de la péninsule égyptienne. D’après lui, une délégation de 17 personnes, constituée notamment de professeurs d’archéologie, d’archéologues, de restaurateurs et de conservateurs, s’est rendue à Jérusalem pour examiner les pièces, les enregistrer et les ramener soigneusement en Egypte par route. « Cette collection comprenait des statues, des vases, des ouchabtis, des stèles et des pièces de monnaie. 20 000 pièces ont été exposées au musée de Arich au nord du Sinaï et à Qantara près d’Ismaïliya », se souvient Noureddine.

Mises en vente sur Internet

Selon le président du département des antiquités, d’autres pièces d’antiquités égyptiennes se trouvent encore en Israël. Le ministère multiplie les efforts pour récupérer plus de 90 pièces qui avaient été mises en vente dans deux salles aux enchères à Jérusalem. L’histoire remonte à la fin de 2013 lorsque le département de récupération des antiquités a découvert sur Internet la mise en vente de 126 pièces remontant à différentes époques pharaoniques, dans deux salles de vente aux enchères israéliennes : Aweidah Gallery et Baidun Shop. Le ministère égyptien des Antiquités a aussitôt envoyé une lettre au ministère égyptien des Affaires étrangères, lui demandant de prendre les mesures nécessaires, en collaboration avec l’ambassade d’Egypte à Tel-Aviv, pour récupérer les pièces en question. Le ministère a également contacté l’Interpol et l’Unesco, afin d’ouvrir une enquête. « On a demandé aux autorités israéliennes de mener des enquêtes indépendantes pour déterminer si les deux salles de vente sont les propriétaires légales de ces objets ou s’ils sont illégalement exposés », explique Ali Ahmad, ex-directeur du département des antiquités récupérées. La vente a été arrêtée, mais plus d’une trentaine de pièces avaient été déjà vendues. « On a alors intenté un procès devant la cour israélienne afin de récupérer ces pièces, surtout que les salles de vente aux enchères n’avaient pas de certificats d’authenticité », reprend-il, ajoutant que ces pièces ont été volées.

Encore plus choquante est la vente toujours en cours sur un autre site Internet spécialisé dans la vente des pièces antiques d’un grand fragment faisant partie de la collection connue sous le nom de Moshe Dayan, l’ancien ministre israélien de la Défense. Selon Moustapha Mohamad, directeur des antiquités du Sud-Sinaï, ce fragment fait partie d’une scène pillée du temple de la déesse Hathor à Sarabit Al-Khadem dans le Sinaï. « Loin des fouilles des autorités archéologiques israéliennes qui étaient documentées et enregistrées, Dayan avait visité ce site deux fois en 1956 lors de l’agression tripartite sur l’Egypte, et en 1969 après l’occupation du Sinaï. Il a pillé quelques pièces du temple, notamment des fragments, et les a transportées par hélicoptère chez lui en Israël. Seule la colonne de Hathor a été récupérée en 1994 et a été remise à sa place au temple », explique Moustapha Mohamad, ajoutant que c’est Dayan lui-même qui a reconnu ces faits dans son livre intitulé Vivre avec la Bible, publié en 1978, où il raconte son voyage à Sarabit Al-Khadem au centre du Sinaï. Selon le directeur des antiquités, personne ne connaît le nombre exact ou encore la nature des pièces d’antiquités égyptiennes pillées pendant l’occupation israélienne. « Et on ne le saura jamais. On le saura seulement lorsque ces pièces apparaîtront, soit dans les salles de vente aux enchères, soit sur des sites Internet spécialisés, soit dans des expositions. D’ailleurs, on s’attend à l’apparition de beaucoup d’autres pièces appartenant à la civilisation égyptienne, et on va certainement entamer des procédures afin de les récupérer », conclut-il.

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