En 2015, seuls 300 000 touristes italiens ont visité l’Egypte, soit une baisse de 20 % par rapport à l’année 2014. Un chiffre bien modeste pour un pays qui pourvoyait à l’Egypte plus d’un million de touristes avant 2011. Une délégation du ministère du Tourisme s’est rendu cette semaine à Rome pour assister à la Bourse du Tourisme International (BTI) de Milan. La délégation du ministère a discuté avec les responsables des moyens de relancer le tourisme italien vers l’Egypte. « En 2010, 1,2 million de touristes italiens ont visité l’Egypte. Depuis 2008, ils figuraient en tête de liste des arrivées touristiques en Egypte. Charm Al-Cheikh était leur première destination, suivie par Marsa Alam », souligne Mohamad Abdel-Gabbar, vice-président de l’Organisme de promotion touristique (ETA). En 2012, un an après la révolution et malgré la situation instable, l’Egypte avait accueilli plus de 729 000 touristes italiens, 29 % de plus par rapport à 2011. Mais c’est à partir de 2013 que le nombre de touristes italiens est descendu sous la barre des 500 000. Et en 2015, cette chute s’est poursuivie après l’attentat contre le consulat général d’Italie au Caire. Mais selon Abdel-Gabbar, il s’agissait d’une baisse du tourisme en provenance d’Italie en général et ne concernait pas seulement l’Egypte. Un résultat direct de la crise économique qui frappe le monde entier. « Mais il y a aussi le fait que les Italiens s’inquiètent des perturbations politiques qui frappent la région toute entière », explique Abdel-Gabbar. Selon lui, les relations entre l’Egypte et l’Italie sont à la fois très anciennes et très fortes aussi bien sur le plan culturel qu’économique. L’Italie reste le premier partenaire commercial de l’Egypte en Europe avec un taux d'investissement de 1,4 milliard de dollars.
Faire revenir les touristes italiens est donc une priorité pour l’Egypte. Au cours de sa visite à Rome, la délégation a donc cherché, avant tout, à rassurer. Il a fallu expliquer aux Italiens que des mesures de sécurité plus strictes ont été adoptées dans les aéroports égyptiens, notamment après le crash de l’avion russe dans la péninsule du Sinaï au mois d’octobre dernier. Il y a également une nouvelle société internationale Control Risks qui désormais contrôle le niveau de sécurité dans les aéroports égyptiens. Mais les facteurs économiques et sécuritaires ne sont pas les seuls responsables de cette chute du tourisme. D’après Ahmad Choukri, expert du tourisme, c’est aussi une question de mode. « En fait, Milan a créé la mode non seulement dans le prêt-à-porter mais aussi dans les destinations de voyage. Il y a une vingtaine d’années, la mode était de voyager à Charm Al-Cheikh où l’on entendait parler l’italien plus que l’arabe. A partir de 2006, c’était Marsa Alam qui était devenue la première destination touristique des Italiens. Ces jours-ci, les Italiens préfèrent les voyages en Turquie », indique Choukri.
Un marché négligé
Loin des raisons politiques, une grande partie des professionnels du tourisme égyptien accuse le ministère du Tourisme et l’Organisme de promotion touristique (ETA) de négliger le marché italien. Pour Ahmad Balbaa, président du comité du tourisme au sein de l’Association des hommes d’affaires égyptiens, il n’y a pas de promotion du tourisme égyptien sur le marché italien. Ce qui en l’occurrence a laissé le chemin ouvert devant d’autres pays pour récupérer les touristes italiens. « Cela fait plus de trois ans que cette promotion est inexistante en Italie. Pourtant, ce pays n’avait jamais déconseillé à ses ressortissants de se rendre en Egypte. Aucune restriction de voyages ne leur a été imposée, même après l’attentat contre le consulat italien. On est en train de gâcher 20 ans de travail de promotion sur le marché italien », se lamente Balbaa. Il ajoute que le ministre du Tourisme aurait dû se rendre à Rome tout de suite après l’attentat contre le consulat italien, afin d’expliquer l’affaire et de rassurer l’opinion publique italienne. « Le contact direct avec les tour-opérateurs, les responsables et les médias est toujours plus efficace que les messages envoyés d’ici », lance-t-il.
Adel Abdel-Fattah, tour-opérateur qui travaille sur le marché italien, partage cet avis. Pour lui, il est temps d’accorder plus d’importance au marché italien, surtout après la suspension des vols vers l’Egypte par la Russie et la Grande-Bretagne. « Les Italiens aiment l’Egypte. On doit investir dans cette passion et lancer une campagne de relations publiques en coordination avec le ministère des Affaires étrangères, afin de redorer l’image de l’Egypte auprès des Italiens et regagner leur confiance, surtout après l’assassinat d’un citoyen italien en Egypte », estime Adel Abdel-Fattah. Il ajoute que cette chute du tourisme italien a causé une perte d’environ 100 millions d’euros.
D’après Mohamad Al-Assi, membre de la Chambre des agences de voyages, le tourisme italien a été gravement affecté par l’interdiction faite aux étrangers d’acquérir des résidences dans le Sinaï pour des raisons sécuritaires. Au début des années 2000, trois grandes entreprises italiennes construisaient des villages touristiques à Charm Al-Cheikh et les commercialisaient auprès des Italiens qui les achetaient. Pour eux, l’Egypte est une destination proche et les prix étaient intéressants. Mais l’interdiction d’achat au Sinaï a, selon Al-Assi, nui à la réputation touristique de l’Egypte auprès des Italiens. Selon Sami Mahmoud, président de l’Organisme de promotion touristique, l’Egypte a lancé sa nouvelle campagne de promotion destinée aux Italiens au début du mois en cours avant la tenue de la BTI et la visite du ministre à Rome. « Toujours dans le but de relancer le tourisme italien en Egypte, le ministre du Tourisme a aussi repris ses campagnes de co-marketing avec les tour-opérateurs italiens et la subvention des vols charter à destination de l’Egypte », explique Mahmoud. L’Egypte espère que ces mesures permettront de relancer le tourisme italien et le ramener à ce qu’il était autrefois.
Lien court: