Le temple d'Abou-Simbel a été sauvé par l'Unesco dans les années 1960.
Le barrage éthiopien de la Renaissance menace le patrimoine culturel dans la région de la vallée du Nil. C’est le signal d’alarme lancé par une récente étude élaborée par Dr Abdel-Aziz Salem, professeur d’archéologie à l’Université du Caire. «
Ce barrage aura des répercussions graves sur le patrimoine culturel tant en Egypte, au Soudan qu’en Ethiopie », affirme l’auteur de l’étude, qui appelle l’Unesco et les organisations internationales concernées par le patrimoine à «
intervenir pour protéger les monuments de la région ». «
L’Unesco doit agir pour sauver le patrimoine et éviter les dégâts que ce barrage peut causer ou du moins diminuer leur impact »
, explique le professeur. Selon l’étude en question, la construction du barrage éthiopien avec ses dimensions actuelles, soit 170 mètres de hauteur et 1 800 mètres de longueur, va endommager les sites archéologiques à cause des immenses quantités d’eau emmagasinées dans les réservoirs du barrage.
« 74 milliards de m3 d’eau seront stockés dans le barrage. Les sites archéologiques situés à proximité du barrage encourent le risque d’être submergés par les eaux. Quant aux sites situés dans des régions plus lointaines comme le Soudan ou l’Egypte, ils seront affectés par la diminution du niveau des eaux. Celle-ci causera un ébranlement du sol et exposera les monuments à un grand risque », reprend le professeur. Et d’ajouter : « Ce sont les monuments nubiens de Louqsor comme le temple d’Abou-Simbel et la région de Philae ainsi que la ville antique de Thèbes — considérée comme patrimoine mondial depuis 1979 — qui seront les plus affectés par l’ébranlement du sol ». L’opinion du Dr Salem a été relayée par d’autres archéologues comme Abdel-Halim Noureddine, professeur d’archéologie. Ce dernier donne l’exemple de ce qui s’est passé dans les années 1960 après la construction du Haut-Barrage. « Les temples de la région proches du barrage ont été submergés par les eaux et l’Egypte a dû demander l’aide de l’Unesco et lancer une campagne pour sauver le patrimoine égyptien », affirme le Dr Noureddine, ajoutant que la même chose peut se produire avec le barrage de la Renaissance. « L’impact de la construction du barrage d’Ethiopie sur le patrimoine de la région doit être minutieusement étudié. L’Unesco, le Comité du patrimoine mondial, le Fonds de la préservation du patrimoine africain et la Ligue arabe ont une responsabilité à ce niveau. Des mesures doivent être prises pour assurer la sécurité des antiquités », souligne Noureddine.
Le projet du barrage de la Renaissance a été lancé par l’Ethiopie fin 2010 et vise, selon Addis-Abeba, à produire de l’électricité et à développer le pays. L’annonce du projet inquiète profondément l’Egypte qui craint que sa part dans les eaux du Nil (55 milliards de mètres cubes/an) ne soit affectée. Or, l’impact sur les antiquités peut être tout aussi dévastateur. « Cela est probable car le niveau de l’eau s’élèvera dans certaines régions et baissera dans d’autres pendant le remplissage du barrage. Et cela causera une instabilité au niveau du sol », estime, pour sa part, Alaa Yassine, conseiller du ministre des Ressources hydriques et de l’Irrigation et membre du comité égyptien de négociations relatives au barrage de la Renaissance. Pourtant, certains géologues, comme Abass Charaqi, professeur de géologie à l’Institut des recherches africaines, conteste cette thèse. « Le niveau des eaux est stable grâce au barrage d’Assouan et au lac Nasser. Et les antiquités égyptiennes qui étaient à proximité du Nil ont été transférées plus loin, sur des rochers en granit plus élevés que le niveau du Nil. Ceci évitera l’infiltration de l’eau. Même les antiquités en Ethiopie ne seront pas affectées par ce barrage, surtout qu’il est construit à 15 kilomètres des frontières avec le Soudan et loin des sites archéologiques », estime Charaqi. Le débat sur la question est loin d’être clos.
Les sites menacés
En Ethiopie :
Le parc national de Simien : Situé au nord de l’Ethiopie, ce parce offre un paysage spectaculaire où l’érosion massive survenue pendant des millions d’années a formé des pics accidentés et de profondes vallées. Le parc qui a été inclus à la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1979 renferme une faune et une flore très particulières.
Les églises de Lalibela : Il s’agit de 11 églises médiévales creusées dans la roche par le roi Lalibela au XIIe siècle au coeur de l’Ethiopie. Il s’agit d’un haut-lieu du christianisme éthiopien.
La ville de Harar : Avant d’être conquise par l’Egypte, elle était au XVIe siècle la capitale du royaume des Harari (1520-1568) et un important foyer culturel islamique, puis au XVIIe siècle le centre d’un émirat indépendant. La ville reflète ce riche passé en proposant un concentré de l’architecture de différentes époques : trois mosquées du Xe siècle, des murailles édifiées au XVIe siècle et des maisons traditionnelles, dont certaines sont dues à des immigrés indiens arrivés au XIXe siècle. C’est pour ces raisons et pour son plan urbain typique que la ville a été inscrite par l’Unesco en 2006 sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité.
Les ruines de la ville ancienne d’Axoum : Cette ville dont les ruines remontent au Ier siècle comprend des obélisques monolithiques, des stèles géantes et des tombes royales.
Le parc de la basse-vallée d’Omo : Il fait partie des sites de l’Unesco depuis 1980, après la découverte des fragments fossiles d’Homo Sapiens vieux de quelque 195 000 ans.
Au Soudan :
Gebel Al-Barkal : Couvrant une région de plus de 60 kilomètres le long de la vallée du Nil, ce site est de culture napatéenne (de 900 à 270 av. J.-C.) et méroïtique (de 270 av. J.- C. à 350 ap. J.-C.) et remonte à l’époque du second royaume de Koush. Il comprend des tombeaux avec et sans pyramide, des temples, des bâtiments d’habitation et des palais.
L’Ile de Méroé : Elle était le coeur du royaume de Koush, une puissance majeure du VIIIe siècle av. J.-C. Le site comprend l’ancienne cité royale des Koushites au bord du Nil. On y trouve entre autres des vestiges, des pyramides et des temples. Ces sites sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2011.
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