Maï et Tout, face à face.
(Photo:Moustapha Emeira)
L’histoire de Toutankhamon reste pour la plupart des archéologues un mystère à résoudre. « Pas à pas, nous résoudrons ce mystère », a déclaré le ministre égyptien des Antiquités, Mamdouh Al-Damati, lors de l’inauguration de la tombe de Maïa, mère nourricière de Toutankhamon, à Saqqara cette semaine. Sur une colline sablonneuse d’où apparaissent de loin les travaux de restauration et de sauvetage de la plus ancienne pyramide de l’histoire, celle de Djoser, et la verdure des palmiers, se trouve une falaise qui abrite une partie des secrets de l’ancienne civilisation égyptienne. Un grand rocher avec des hypogées de différentes tailles qui remontent toutes à l’époque du Nouvel Empire. Une petite porte de 1,70 m s’ouvre sur un trésor historique. Il s’agit de la tombe de Maïa, mère nourricière du pharaon Toutankhamon. La tombe a apparemment été construite pour accueillir son corps, mais Maïa n’y a jamais été enterrée, pensent les archéologues. Ou bien elle y a été enterrée puis déplacée ailleurs. « Je me souviens, il y a bien longtemps lors de la découverte de la tombe en 1996, j’avais été surpris de trouver dans cette région une tombe d’une telle valeur », se souvient l’archéologue français Alain Zivie, fondateur et directeur de la Mission archéologique française du Bubasteion à Saqqara (voir entretien). Après avoir enlevé d’énormes tas de sables à l’entrée de la tombe, la première chambre est apparue aux archéologues de la mission française. Et c’est dans cette chambre qu’ils ont pu comprendre toute l’histoire. Bien que cette tombe ait été pillée aux époques anciennes, les inscriptions sur les murs de cette chambre sont intactes et montrent clairement le nom de sa propriétaire. On voit Maïa assise sur le trône royal, avec un bébé sur les genoux.
La chapelle décorée des inscriptions colorées de la princesse.
Le nom de Toutankhamon se révèle aussi. Trouver Maïa assise sur le trône de Toutankhamon dévoile que cette femme était quelqu’un de très important. « Ce qui a été déduit par l’archéologue est que la tombe appartenait à une femme de valeur. Et qu’elle pourrait être une simple nourrice du jeune pharaon Toutankhamon, mais aussi une princesse », ajoute Al-Damati. Maïa, dont le nom pourrait être aussi Mayati, ou Méritaton n’est autre que la grande soeur, ou la demi-soeur de Toutankhamon, soit la fille aînée d’Akhenaton et de Néfertiti, ou elle pourrait être la tante de Toutankhamon. Dans la tombe et le temple royal atonien à Tell Al-Amarna, Maïa était aussi représentée. C’est une famille compliquée mais tout à fait exceptionnelle. On la qualifiait de nourrice ou même de mère nourricière de son bébé royal Toutankhamon, ou peut-être était-elle sa tante qu’elle nourrissait au sein. Les archéologues sont parvenus à cette conclusion grâce à la scène représentée à Tell Al-Amarna où apparaît la petite soeur de Maïa, Mâkhétaton, dont le nom signifie la protégée d’Aton, morte peut-être en accouchant. Ce qui arrivait souvent à cette époque même dans les classes sociales élevées, et sa soeur aînée a élevé son bébé. Des suppositions qui pourraient, si confirmées, bouleverser l’histoire de la famille royale de la XVIIIe dynastie.
« La grande du harem »
Ce n’est pas tout. A l’intérieur de la tombe, les archéologues français ont continué fouilles et recherches. Dès le premier jour, ils étaient certains de trouver les inscriptions de toute cette famille royale. Sur une scène du côté droit de la tombe, six personnages apparaissent, et sur le mur d’en face, douze personnages dont on comptait au minimum quatre souverains de l’Egypte, tous des membres de la famille. De plus, les archéologues ont mis au jour un canopée montrant Maïa portant le nom de « la grande du harem ». Passant à la deuxième chambre, les scènes sont plus complètes et explicatives de l’importance de cette femme. Elle est représentée comme une femme de valeur respectée par tous les membres de la cour royale.
Le travail dans la tombe depuis sa découverte n’est pas une tâche aisée. « Cette tombe a été réutilisée à l’époque tardive (712-332 av. J.-C. de la XXVe à la XXXe dynastie) ainsi qu’à l’ère gréco-romaine (332 av. J.-C. - 395 apr. J.-C., de la XXXIe à la XXXIIe dynastie), comme cimetière de chats.
Une raison pour laquelle le processus de nettoyage des scènes et des inscriptions a duré longtemps », souligne Mahmoud Afifi, chef du département des antiquités égyptiennes au ministère des Antiquités. Et d’ajouter : « Malgré le noircissement des murs causé par l’incinération de milliers de chats, les salles de la tombe préservent les inscriptions décorées et colorées de la princesse Maïa ». Aspect notable : les membres de cette famille royale se ressemblent tous beaucoup, notamment au niveau du menton et des yeux.
La falaise où se trouve la tombe. (Photo : Moustapha Emeira)
L’inauguration de la tombe revêt un grand intérêt. En effet, la découverte dévoilera une partie de l’histoire du Nouvel Empire (1550-1070 av. J.-C. de la XVIIIe à la XXe dynastie). Des recherches ont lieu actuellement dans la Vallée des rois, et plus précisément dans la tombe de Toutankhamon, dont certaines chambres sont encore ignorées. « Est-il possible que la salle de Maïa soit celle qui se trouve derrière les murs du côté nord de la tombe de Toutankhamon ? », s’est interrogé le ministre Al-Damati. Pour l’archéologue britannique Nicholas Reeves, qui a ouvert le débat concernant cette chambre secrète, c’est Néfertiti qui y est enterrée. « Tout est possible. Pas à pas, nous arriverons à mieux connaître et comprendre l’époque du roi Toutankhamon », annonce Al-Damati.
A Bubasteion, la catacombe des chats
Les momies de chats, trouvées sur le site du Bubasteion de Saqqara et qui sont encore présentes en très grand nombre à l’extérieur et à l’intérieur des tombeaux de la falaise, justifient l’appellation autrefois arabe et encore parfois utilisée de Abouab Al-Qotat : (les entrées des tombes des chats). En effet, cette région était à l’époque consacrée à la déesse Bastet d’où est dérivé le nom Bubasteion.
Pendant toute la période de l’Egypte Ancienne, le chat a toujours été traité avec les plus grands égards. Il était vu tantôt comme un protecteur, un fidèle compagnon, un partenaire de jeu ou comme une incarnation divine. Au Nouvel Empire, le chat ou plutôt Bastet, la déesse, jouait plusieurs rôles : protecteur des récoltes, joie au foyer, et d’autres comme symbole de la fertilité et de la maternité. A savoir que le chat est l’animal le plus représenté de toute l’Egypte : sur des bas-reliefs, par des statues ou encore par des bijoux.
C’est en effet ce qui explique pourquoi les chats du Bubasteion ont longtemps masqué les tombeaux. Néanmoins, et avant la découverte en 1988 de 300 000 momies de chats près de Beni Hassan à Minya, la nécropole des chats de Saqqara fut considérée comme la plus grande. Il y avait aussi celle de Bubastis, ville principale de Bastet, située au nord-est du Delta. Cette mise au jour a donné une idée du gigantisme de ces cimetières félins.
Les chats du Bubasteion se présentent sous deux aspects. Certains ont les pattes et la queue repliées le long du tronc. Pour d’autres, les membres sont momifiés à part, ainsi qu’éventuellement la queue, de manière à restituer la silhouette complète de l’animal. Ce sont d’abord ces tombeaux rupestres du Nouvel Empire qui sont l’objet des recherches et des activités de la Mission archéologique française du Bubasteion, même si les catacombes de chats constituent un important sujet d’étude.
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