C’est en 1890 que l’église Sainte-Eugénie fut définitivement établie. Avant, elle n’était qu’une construction de bois. Elle se trouve sur la rue Ahmad Chawqi, dans la ville méditerranéenne de Port-Saïd. Elle vient d’être enregistrée récemment sur la liste des monuments coptes et islamiques du ministère des Antiquités.
L’histoire de Sainte-Eugénie remonte à 1867. C’est en cette année que « la Compagnie universelle du Canal de Suez offre un terrain aux pères franciscains, afin d’y bâtir une deuxième église catholique à Port-Saïd. Une église de bois y est édifiée en 1875, dédiée à sainte Eugénie », explique Tareq Ibrahim, directeur des monuments coptes et islamiques de Port-Saïd.
L’église ouvre ses portes en 1869 pour accueillir l’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, qui est venue assister à l’inauguration du Canal de Suez. 21 ans plus tard, en 1890, une nouvelle église est bâtie sur les vestiges de l’église en bois. C’est l’architecte italien Edouard Sibeck qui supervise les travaux, mandaté par le pape Chouchinan. L’église prend alors sa forme définitive.
Sur plus de 900 m2, l’église dévoile un mélange de styles architecturaux : européen, néoclassique et renaissance. L’église est de forme rectangulaire, avec des façades à colonnades. Le fronton principal, à l’est, possède une porte en bois sculpté présentant les symboles des pères franciscains. La façade ouest arbore un vaste soleil répandant ses rayons pour illuminer la terre. L’église possède un clocher typique du style architectural européen.
L’intérieur de l’église est, quant à lui, de « style basilique, un style qui caractérise les églises égyptiennes, inspirées de l’architecture romaine », commente Fathi Othman, expert en archéologie copte et islamique auprès du ministère des Antiquités.
L’église est répartie sur trois couloirs, un large couloir central et deux couloirs latéraux. Face au couloir central se dresse l’autel : « Dans les églises orthodoxes, l’autel se trouve à l’est. En revanche, l’autel ou l’abside des églises catholiques n’est pas forcément à l’est », explique Sara Ibrahim, inspectrice auprès du Conseil suprême des antiquités.
Les couloirs latéraux s’ouvrent chacun sur trois portes et trois autels dédiés aux saints et saintes de l’église. Sur les autels, on retrouve plusieurs statues : la Vierge Marie, sainte Lucie, saint Antoine De Padoue et saint Roque. Les murs de l’église portent les 14 icônes des étapes du jugement du Christ.
L’autel principal est, quant à lui, dédié à la scène du martyre de sainte Eugénie. Deux statues ailées représentent sainte Eugénie debout, tenant un bâton. « La présence de statues et de statuettes dans les autels est l’une des particularités du catholicisme, qui diffère de l’orthodoxie dont les autels sont ornés de rideaux qui portent les images des saints », reprend Fathi Othman.
Le nord de l’église est occupé par l’orgue communément utilisé au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle.
Sainte-Eugénie ne possède pas de fenêtre, l’architecte s’est servi de deux sistres pour l’éclairage et la ventilation. L’église se caractérise aussi par ses couleurs vives et son emplacement au coeur de la place Manchiya de Port-Saïd. Elle mériterait toutefois quelques rénovations.
Qui est sainte Eugénie ?
Fille du gouverneur romain en Egypte, Philippe, l’un des plus illustres hauts fonctionnaires de la cour de l’empereur Commode, Eugénie mène une vie aisée avec ses frères Avitus et Sergius. Son père est envoyé à Alexandrie par l’empereur, afin de prendre en main la préfecture de la ville.
Il y établit les lois romaines qui stipulent notamment que les chrétiens doivent rester hors de la ville. Eugénie est malgré tout élevée dans un cadre de pensée libre et d’amour de la philosophie.
A 16 ans, la jeune Eugénie part visiter les entourages d’Alexandrie. A son retour, elle est attirée par les chansons de moines chrétiens qui se trouvent aux limites de la ville. Souhaitant se convertir et partager la vie des moines, elle se fait passer pour un homme et prend le nom d’Eugène. Eugénie développe alors un don de guérison, et arrive à soigner la noble Mélanthia. Cette dernière, pour la récompenser, lui offre ses charmes, ce qu’Eugénie refuse. Vexée, Mélanthia porte plainte devant Philippe, accusant Eugène de l’avoir violée.
Philippe fait alors arrêter tous les habitants du monastère, et les fait enchaîner. Le jour de l’exécution, Eugénie enlève ses vêtements de moine devant la foule, son père Philippe la reconnaît et la sauve.
Bien que Philippe soit connu pour sa tolérance envers les chrétiens, les choses changent quand l’empereur nomme un nouveau gouverneur. Comme d’autres chrétiens, Eugénie est alors suppliciée avant d’avoir la tête tranchée.
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