Après deux mois de suspension à cause du crash de l’avion russe au-dessus du Sinaï, le ministère du Tourisme vient de relancer la campagne This is Egypt (voilà l’Egypte) sur les réseaux sociaux. L’objectif est de relancer ce secteur qui a traversé, au cours des derniers mois, l’une de ses plus graves crises. Les professionnels du secteur se demandent si cette campagne aura une réelle efficacité. Lors d’une conférence de presse à l’occasion de la relance de cette campagne, le ministre du Tourisme, Hicham Zaazoue, a appelé tous les Egyptiens à diffuser, sous le hashtag This_is_Egypt, des photos d’eux sur les sites touristiques en Egypte. Il a ajouté que le président Abdel-Fattah Al-Sissi a accepté de publier des photos des différents sites touristiques sur son compte Facebook. Cette campagne, espère-t-on, vise à montrer les atouts touristiques et les trésors archéologiques de l’Egypte aux centaines de millions de personnes utilisant les réseaux sociaux.
Sur les 3 milliards d’utilisateurs d’Internet, 30 % s’en servent pour choisir leur destination de voyage. « C’est le blogueur Taymour Hassan qui a lancé la campagne, et près de 18 000 personnes ont surfé sur son blog au cours des deux premiers jours », souligne le ministre. Plus de 150 000 internautes ont consulté la page principale de la campagne au cours des quatre premiers jours de son second lancement. Des stars internationales, tels le grand musicien grec Yanni et l’immense acteur Morgan Freeman, ont aussi participé à cette campagne. Le premier lancement de cette campagne coïncidait avec la visite de ces deux stars en Egypte. Yanni et Freeman ont posté sur Internet des photos d’eux en train de visiter les sites touristiques les plus connus d’Egypte. Ils ont ainsi envoyé un « message de paix au monde entier depuis le pays des pharaons », ajoute Zaazoue.
Toutefois, certains remettent en question l’efficacité de cette nouvelle campagne, estimant qu’elle ne va pas permettre d’améliorer la situation du secteur. Amr Sedqi, membre de la Chambre des agences de voyages, estime que la stratégie adoptée par le ministère du Tourisme est un « gaspillage d’argent ». Et d’ajouter : « Cela fait cinq ans que le ministère lance des campagnes de promotion, mais les résultats restent modestes ». « Les responsables devraient utiliser les budgets consacrés à la promotion dans le développement des infrastructures touristiques, dans la formation des cadres et l’amélioration des services offerts aux touristes. Ensuite, lorsque la situation du pays se sera stabilisée, on pourra commencer à relancer ce type de campagne. Nous devons d’abord ranger l’intérieur de la maison », explique Amr Sedqi. Il ajoute que tant que les touristes auront peur de venir en Egypte, aucune publicité ne les convaincra de venir. « Pourquoi lancer des campagnes de promotion alors que les deux plus grands marchés du tourisme égyptien, le Royaume-Uni et la Russie, suspendent leurs vols à destination d’Egypte ? D’autres pays également ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre en Egypte », s’exclame Sedqi.
Cette opinion est partagée par Mohamad Al-Hassanein, expert du tourisme. Il conseille au gouvernement de plutôt consacrer son énergie au développement des infrastructures, pour le moment. La Turquie, explique-t-il, a, au début des années 1990, a mis en place des mesures de développement du secteur touristique en modernisant le réseau routier ou encore en formant des cadres touristiques. « La Turquie avait fait du tourisme un projet national, toutes les institutions du pays et les citoyens ont participé à cet effort. C’est de cette manière que la Turquie a pu recevoir l’année dernière plus de 35 millions de touristes », ajoute Al-Hassanein.
L’expérience vécue, meilleure publicité
Les campagnes de promotion touristique sont nécessaires mais pas suffisantes. L’expérience vécue par les touristes reste, pour les professionnels du secteur, le meilleur moyen de faire une bonne promotion. « Il faut que les guides touristiques maîtrisent des langues étrangères et il faut avoir recours à des journalistes spécialisés et demander aux Egyptiens qui vivent à l’étranger d’aider le pays. Ceux-ci connaissent bien la culture et la mentalité des touristes et peuvent donc les influencer positivement », explique Ihab Moussa, président de l’Alliance de soutien du tourisme. « Les campagnes publicitaires, qu’elles soient faites sur les réseaux sociaux ou, de manière plus traditionnelle, par l’intermédiaire d’agences de publicité spécialisées ne sont pas suffisantes », conclut-il.
Pour sa part, Adel Zaki, membre de la Chambre des agences de voyages, n’exclut pas complètement l’efficacité des campagnes de promotion, mais souligne qu’elles doivent être accompagnées d’autres outils pour produire un meilleur effet. « On doit faire en sorte que l’opinion publique mondiale prenne en compte les changements positifs qui ont eu lieu en Egypte, que ce soit les grands projets ou les découvertes archéologiques comme celle de la tombe de Néfertiti ... », préconise Zaki.
Si certains experts se disent prudents quant à l’impact de ces campagnes, le ministère, lui, affirme qu’elles ont une réelle efficacité. Sami Mahmoud, président de l’Agence de la promotion touristique (ETA), explique que la nouvelle campagne de publicité fera la promotion des produits et des sites touristiques région par région. « Nous essayons de diversifier les produits touristiques en Egypte et de développer le secteur sur l’ensemble du pays. Si une région n’est pas sûre, il y a toujours d’autres choix », explique le responsable. Il ajoute qu’en plus des deux campagnes, l’ETA vient de signer un contrat avec Hill and Knowrlton, l’une des plus grandes entreprises de relations publiques, pour améliorer l’image de l’Egypte à travers le monde.
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