Les islamistes qui contrôlent Tombouctou ont repris la destruction des mausolées de la cité. Le fameux site des 333 saints de la ville, pourtant inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, a été littéralement mis à terre. Et la population, impuissante, voit les richesses de son histoire disparaître peu à peu. Ce qui inquiète également les habitants, c’est le fait que les hommes armés qui occupent leur ville cherchent désormais les mausolées dans les maisons et les lieux privés.
Quartier par quartier, ruelle par ruelle, maison par maison, les islamistes détruisent les derniers mausolées de la ville de Tombouctou. Le top départ de cette vaste opération de démolition a été donné par le chef local d’Al-Qaëda et celui d’Ansar dine, les deux groupes islamistes qui contrôlent les lieux. Trois mausolées ont déjà été détruits. Des témoins racontent la scène : dans le quartier de Djingareyber, dans le centre de Tombouctou, une dizaine d’islamistes débarquent. Moyenne d’âge : 15 ans. A coups de burin, de pioche, ils commencent par détruire les derniers mausolées de la ville.
Pour dissuader toute tentative de riposte de la population, deux coups de feu sont tirés en l’air. Des cris fusent alors : « Dieu est grand ! Dieu est grand ! ».
Puis c’est la fin de l’opération « démolition » dans cet endroit. Le groupe d’islamistes se dirige donc vers un autre quartier de Tombouctou, avec la même rage : détruire les derniers mausolées de la ville, symboles de blasphème à leurs yeux.
L’Onu avait déploré l’année dernière la destruction « tragique » de mausolées à Tombouctou par des islamistes armés occupant le nord du Mali, deux jours après l’inscription de cette ville sur la liste du Patrimoine mondial en péril de l’organisation.
Les mausolées, avec des tombes portant des stèles et autres insignes funéraires, sont d’importants sites de recueillement. Les saints sont considérés à Tombouctou comme des protecteurs, ils « représentent ceux que, dans la culture occidentale, on appelle saints patrons », explique un expert malien spécialiste de l’histoire de Tombouctou et originaire de la ville.
Les opérations de démolition sont menées par Ansar dine, l’un des groupes armés occupant et contrôlant depuis trois mois Kidal, Gao et Tombouctou, les régions formant le nord du Mali. Le porte-parole d’Ansar dine à Tombouctou a affirmé que le groupe agissait ainsi « au nom de Dieu » et en représailles à la décision de l’Unesco, le 28 juin, d’inscrire Tombouctou sur la liste du Patrimoine mondial en péril. L’agence onusienne a estimé que la présence des islamistes mettait en danger cette ville mythique, surnommée la cité des 333 saints en référence aux personnages vénérés de son passé qui y gisent. « Partout où il y a des mausolées, nous les démolirons même dans les mosquées », a indiqué un membre d’Ansar dine. Un habitant de Tombouctou, ancien opérateur touristique, a affirmé avoir entendu des islamistes évoquer une éventuelle démolition de mosquées.
Fondée entre les XIe et XIIe siècles par des tribus touaregs, et surnommée notamment la cité des 333 saints, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l’islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes. Elle compte 16 cimetières et mausolées qui étaient des composantes essentielles du système religieux dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers. La ville est également célèbre pour ses dizaines de milliers de manuscrits, dont certains remontent au XIIe siècle, et d’autres de l’ère pré-islamique. Ils sont pour la plupart détenus comme de précieux trésors par les grandes familles de la ville. Tombouctou compte trois grandes mosquées : Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahia, joyaux architecturaux témoignant de son apogée et figurant toutes trois sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Des saints sont enterrés dans les mosquées de Djingareyber et Sidi Yahia. Le Mali a, par la voix de sa ministre de l’Artisanat, du Tourisme et de la Culture, Diallo Fadima Toure, appelé l’Onu à agir pour protéger Tombouctou et son patrimoine. S’exprimant au cours de la session du comité du patrimoine de l’Unesco à Saint-Petersbourg en Russie, l’année dernière, la ministre a appelé la communauté internationale à être solidaire avec le Mali et à condamner ces destructions .
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