Pourrait-on enfin découvrir le tombeau de Néfertiti ?
Où est enterrée Néfertiti ? Cette question a suscité un débat houleux ces derniers jours à la suite de l’annonce de l’égyptologue anglais Carl Nicholas Reeves, qui prétend que la tombe de Néfertiti (1370-1333 av. J.-C.) se trouve dans une salle de la tombe de Toutankhamon à Louqsor. Pour tenter de mettre fin à ce débat, l’égyptologue britannique a accepté de venir en Egypte au mois de septembre prochain, afin de se réunir avec des experts égyptiens, pour discuter de la véracité de sa théorie et exposer les preuves scientifiques qui l’ont conduit à cette conclusion.
Reeves a défendu son hypothèse dans un document d’une cinquantaine de pages. Celles-ci sont basées sur les images de scanners numériques de la tombe du roi Toutankhamon réalisées l’année dernière par la société suisse de Factum Arte, à l’origine d’une réplique de la tombe du jeune roi. Ces images montrent des traces sur un mur qui, selon Reeves, pourrait indiquer l’emplacement de deux portes. Il pense que l’une d’elles mène à une petite salle de stockage, mais l’autre pourrait être un portail vers une deuxième chambre, celle, croit-il, pouvant renfermer la tombe de Néfertiti.
« Je suis ravi d’être invité au Caire pour discuter de ma théorie avec le ministre égyptien des Antiquités, Mamdouh Al-Damati, et ses fonctionnaires et d’autres experts et spécialistes du patrimoine et d’égyptologie. A la fois, c’est une bonne occasion de présenter et d’expliquer ma théorie en détail, et de bénéficier des commentaires et des suggestions de mes confrères égyptiens et étrangers », dit Reeves. Selon lui, la taille relativement petite de la tombe de Toutankhamon ne convient pas à la grandeur de ce pharaon. C’est ce qui a poussé Reeves à prétendre que ce tombeau pourrait avoir une extension qui mènerait à celui de la reine. « Plus je regardais, plus je trouvais des informations, et plus il me semblait que cela était quelque chose d’assez probable », a-t-il déclaré.
En attendant, Nicholas Reeves assure que « si je me trompe, je me trompe. Mais les perspectives sont franchement stupéfiantes. Si j’ai raison, cette découverte pourrait être la plus grande jamais faite ! ».
Les premières réactions des égyptologues sont mitigées : certains sont enthousiastes, d’autres sceptiques et préfèrent attendre, estimant qu’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. « Le gros problème de Reeves est qu’il ne discute pas avec les experts égyptiens avant de publier ses thèses. Cela avait causé l’arrêt de ses recherches en Egypte à l’époque où Zahi Hawas était à la tête du ministère », explique l’égyptologue égyptien Francis Amin.
Hawas, quant à lui, doute de cette hypothèse, et a incité le ministère à former un comité pour étudier ces conclusions. D’autres considèrent cette hypothèse comme une recherche de notoriété. Mais Reeves déclare « comprendre parfaitement que les gens sont sceptiques quant à ma conclusion. En effet, j’ai passé ces dernières années à essayer de me persuader moi-même. Mais plus je cherche à déterminer si je peux me tromper, plus je trouve d’indications qui renforcent mon hypothèse : les traces que j’ai discernées peuvent, en effet, être une entrée qui mène à la tombe de Néfertiti ».
Pour Reeves, « il n’y a aucun risque d’affecter la tombe de Toutankhamon, puisqu’on utilisera une technologie radar pour s’en assurer ». Une idée partagée par l’archéologue américain Kent Weeks, qui a déclaré aux agences de presse que « la théorie de Reeves pourrait être facile à démontrer. Un simple balayage radar permettrait de vérifier, au moins dans un premier temps, la présence ou non de ces cavités ».
Weeks l’avait fait en 1995 pour le tombeau des fils de Ramsès II et ses 95 pièces. Mais d’autres affirment qu’il y a beaucoup de « si » et d’hypothèses dans ce que publie l’égyptologue. Le professeur Marc Gabolde, spécialiste français de la période amarnienne — soit celle concernant Akhenaton et sa descendance — se montre, lui, un peu plus réservé. « La présence de pièces supplémentaires jusque-là ignorées est tout à fait probable. Mais celle de la reine Néfertiti à l’intérieur de celles-ci l’est beaucoup moins », dit-il
Le ministre des Antiquités a cherché à mettre fin aux débats : « On doit, en tant qu’archéologues professionnels, s’arrêter de deviner des hypothèses et discuter comme de vrais professionnels ». Il a interdit aux employés du ministère de donner leur avis à propos de l’hypothèse de Reeves jusqu’à la conférence. Selon lui, si Reeves parvient à convaincre que son idée est crédible, alors un comité se dirigera vers Louqsor et toutes les mesures seront prises pour cette « découverte du siècle » !
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