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Archéologie : Un patrimoine insoupçonné nous entoure

Doaa Elhami, Mardi, 25 décembre 2012

Le monde arabe est potentiellement la zone du monde la plus riche en sites préhistoriques. Les experts en la matière sont de plus en plus nombreux dans les pays arabes, et beaucoup de sites restent à découvrir

Patimoine
L'art rupestre au Maroc, une nesse retrouvée partout dans le monde arabe.

« La préhistoire représente environ de 80 % de l’histoire de l’humanité », souligne l’expert en préhistoire Fathi Afifi Badawi, professeur à l’Université d’Al-Azhar, lors de son discours à la première Conférence sur la préhistoire à se tenir dans le monde arabe.

Organisée à l’Université du Caire par la faculté des antiquités le but de la Première Conférence internationale sur la préhistoire du monde arabe était de souligner l’importance de l’étude de cette période en particulier pour les pays arabes.

La zone est en effet considérée comme le berceau des civilisations et peut-être le berceau de l’humanité. Elle renferme bon nombre des plus anciens et des plus importants sites préhistoriques. « Il faut renforcer et enrichir les études scientifiques préhistoriques dans cette zone, celle de nos pays arabes, qui est au centre de l’histoire de l’humanité », insiste le professeur.

L’étude de la préhistoire est malheureusement une science encore débutante dans la région. Les premières études datent de la fin du XIXe siècle, sous l’occupation française de l’Algérie et du Maroc.

Les Français s’intéressaient alors aux vestiges romains qu’ils considéraient comme faisant partie de leur patrimoine. Mais ils exploitaient aussi les carrières de pierres. « Ils remarquèrent alors que certaines des pierres étaient ornées de dessins. Ils se sont donc intéressés à ces dessins », explique l’expert en préhistoire, Mostafa Ouachi, professeur marocain, qui ajoute : « La préhistoire est une science française par excellence ».

A partir de là, nombre d’aventuriers partirent explorer les carrières du Maroc et de l’Algérie, puis d’autres zones dans le nord de l’Afrique. Ils ont, par exemple, découvert le fameux site préhistorique de Sidi Abel-Rahman, à Dar Baïdaa au Maroc, en 1930.

Les missions archéologiques se sont ensuite enchaînées. Citons, à titre d’exemple, le site de Maqualee Toma, au Maroc, découvert en 1980. « Là-bas ont été découverts une mâchoire et le crâne d’un homme, remontant à 400 000 ans, sans oublier des outils lithiques de l’époque acheuléenne, remontant à 700 000 ans », explique Ouachi.

Le Maroc comprend aussi le site de Djebel Yeghoug, remontant à 190 000 ans, et qui a été actif jusqu’à il y a 90 000 ans.

Une évolution nomade

Badawi indique que les récents relevés archéologiques réalisés dans la péninsule arabe répertorient des squelettes d’animaux similaires à ceux trouvés dans l’est de l’Afrique, « prouvant l’unité des vallées de la région centrale de ce qui est aujourd’hui la côte de la mer Rouge, et de celles des savanes au nord de l’Afrique ».

A cette époque lointaine, la région n’était pas divisée par la mer Rouge, et les animaux et les hommes se déplaçaient dans toute la zone sans entrave naturelle. « Les communautés humaines qui vivaient dans cette zone se ressemblaient intellectuellement et culturellement », continue Badawi.

L’évolution de ces communautés est marquée par deux étapes essentielles : la vie nomade d’abord, puis la sédentarisation. Le début de la préhistoire remonte à plus de 2 millions d’années, la fin de la sédentarisation s’est produite il y a quelque 8 000 ans.

L’homme préhistorique a d’abord inventé et fabriqué les outils nécessaires à sa survie. La hache faite d’une pierre brute, dite noyau, en est un exemple. Ces outils « répondaient directement à des besoins », explique Badawi.

Les générations ultérieures feront évoluer les outils en employant, par exemple, les esquilles du noyau résultant du façonnage de la hache. Ces esquilles sont des résidus tranchants qui seront utilisés pour la chasse comme « pointes de flèches, ou lames », explique Zakariya Mahmoud, dans son exposé sur les matériaux dégagés du site préhistorique situé au nord du lac Qaroun.

« Suivant leurs tailles et leurs volumes, les hommes de l’époque trouvaient à ces résidus de fabrication des utilisations différentes », ajoute-t-il. L’invention des manches lithiques marque, selon les préhistoriens, la dernière étape de l’évolution des communautés préhistoriques durant la période nomade.

« Leur habileté intellectuelle se lit dans la finesse de leurs dessins rupestres qui dépeignent des animaux dans leur environnement, ainsi que des scènes de leur vie quotidienne et de ses difficultés », annonce-t-il. Diverses communautés humaines coexistaient dans la zone. Leur évolution, au fil de millions d’années, porte aussi la marque des changements climatiques auxquels elles ont dû faire face. « Les communautés du centre et du sud de l’Afrique ont émigré vers le nord de l’Afrique ; celles de l’ouest et du sud de la péninsule arabe, vers l’est asiatique », reprend Badawi.

L’Afrique pluvieuse

L’expert en préhistoire italien, Guilio Lucarini, adjoint de la mission italienne opérant dans l’oasis de Farafra en Egypte, ajoute qu’à l’époque néolithique, soit 18 000 ans avant notre ère, l’Europe était glaciale alors que le nord de l’Afrique « était pluvieux ; il y poussait des savanes, où vivait une grande diversité animale. Cet environnement convenait mieux à l’existence de l’homme. Ce qui explique la forte concentration de sites préhistoriques retrouvée dans tous les pays du nord de l’Afrique ».

Lucarini explique en outre que ce sont d’abord dans les pays de l’est asiatique de la région, comme la Palestine et la Grande Syrie, que les communautés se sont sédentarisées. « Dans certains sites de la Palestine, on peut trouver des traces de champs de blé et d’orge de ces époques, ainsi que des débris de poterie et des vestiges de villages. De tels éléments n’ont pas encore été trouvés réunis dans les régions préhistoriques des pays du nord de l’Afrique », indique Lucarini. Selon lui, l’élevage des moutons et des vaches était aussi plus avancé dans la zone est-asiatique.

Par ailleurs, les restes dégagés au nord du lac Qaroun comprennent, regroupés sur un seul site, des preuves de la présence de l’agriculture, des poteries ainsi que les traces d’un village préhistorique. Lucarini considère en conséquence que le Fayoum est un site particulier qui représente une civilisation préhistorique intermédiaire entre celles des pays est-asiatiques et celles du nord de l’Afrique.

D’autres préhistoriens attribuent, au contraire, l’absence de preuves de cette étape de l’évolution humaine dans le nord de l’Afrique au manque de fouilles.

Selon eux, le nord de l’Afrique renferme des milliers de sites préhistoriques encore dissimulés sous le sable. Tout comme l’ensemble du monde arabe.

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