Nous faisons des exercices de joie Lorsque le spleen nous froisse.
Comme la griffe du séchoir Sur des cheveux d’une quarantaine d’années Je t’achète une seule rose
Et tu m’offres un livre
Et nous rions ensemble.
L’écriture me vient en une marche simple et une Exubérante
Et c’est la pleine lune
Cette nuit les peines sont certaines.
Exil
Quelqu’un t’aurait-il dit que ton cou est si joli ?
Tu mentais en disant : oui, beaucoup …
Je mentais en disant : vraiment, un très joli cou …
Me voilà contemplant ton cou si délicat
Après vingt années passées, et je cajole ta nuque,
Le mensonge peut créer des miracles.
Soixante jours de tristesse
Soixante poèmes
Le plus beau de tout ce que tu m’as donné
Ce recueil de poésies
Est le dernier que je t’offre
Le jour où nos chemins se séparent.
L’état d’une conscience très éveillée
La jalousie
Non pas à cause d’un amoureux passé par là
Mais à cause d’amoureux potentiels
Je connais leurs noms
Bien avant que tu ne leur accordes un premier baiser.
Une grosse femme et l’homme à la main coupée
Ecrivent dans le monastère
Les plus belles histoires probables
Avec les étreintes, des bras, et non avec les mots, inédits,
Des mots qui n’ont été publiés que dans la mémoire de l’auteur chauvin
Parce que les nationalistes n’oublient jamais
Le mal fait.
Deux amoureux de légende
Ridicules tellement ils sont purs,
Ils imaginent le romantisme de papier une révolte
Et que la vie imite la littérature.
Avec l’habitude d’une routine
J’ai imprimé ton image en jet d’encre d’une imprimante
Je l’ai découpée avec méthode,
En douze morceaux.
Maintenant, je suis symboliquement une veuve
Je vais fumer cette nuit deux paquets de cigarettes,
Je laisserai mes yeux briller
D’une manière triviale et un peu vulgaire
Lorsque les conteurs vont m’expliquer
Les belles figures de style
Dans mes poésies.
Une approche
Ouvre la porte
Entre ta ville et la mienne
Peut-être que l’air que tu respires va parvenir jusqu’à moi.
Le ciel au-dessus de ton université est lavé
Peut-être tu lèveras la tête
Pour y voir l’azur qui te refera penser
A un collier de turquoise entre toi et moi.
Ne ferme jamais la fenêtre,
L’araignée sur les frises
Serait un messager, qui sait ?
Et sa toile tel un bout de tissu sur lequel les mots de l’indicible sont
Des paroles tues et ne peuvent être dites que si quelqu’un s’en vient laver le ciel
Ou dessiner un cadre dans l’air qui devient porte
Ou qui se transforme en araignée tissant de la poésie
Lue par une légion sans récits.
Elle est peut-être en réunion
Ou sur un bateau
Ou plongée dans un agréable sommeil
Elle est peut-être réveillée
Pour se rendre compte qu’elle a oublié la langue arabe
Mais jamais elle ne s’est aperçue de mon message
Mais a décidé de remettre sa réponse à plus tard.
Si le ciel n’avait pas plu des grenouilles
Dures à avaler par ces essuie-glaces.
Si je n’avais pas trébuché sur le pied d’une chaise
En sortant
Pour tomber ensuite dans le vide
Et cogner la tête à l’angle du coin du canapé
Et perdre la mémoire.
Si je quittais mon lit
Avant d’être frappé d’un coup électrocutant
Si un court-circuit se produit pour lancer lampe et abat-jour contre mon oreiller
Je t’appelle dès que j’arrive au travail
Pour t’assurer que tes yeux ont des ombres d’arc-en-ciel imprimés
Sur mon coeur et mes épaules.
Celle qui est …
Celle que j’aperçois le matin seulement
M’a fait penser à celui qui vit deux lunes
Une nuit au temple de Karnak
Il s’est débarrassé de ses vêtements
Et il a couru jusqu’au matin
Nu dans le désert.
Cette nuit sa parole était au fond
Deux paroles
La femme docile du matin
Et la femme de la nuit
Etaient réunies dans le miroir.
La mémoire de la nuit disparue,
Et lorsqu’on m’a retrouvé le matin
J’étais nu, murmurant :
Deux lunes dans la nuit de Karnak.
Celle pour qui le plastique a palpité
Quand elle a animé sa page
Et cette matière devint chair vivante.
Celle qui a lu les livres des Anciens
Et les a ressuscités pour nous aussitôt très vite venus
Avec leurs barbes fournies et leurs frocs …
Celle qui baisse des yeux de honte
Quand elle est entourée de partout par les appareils photo,
Et la paroi d’un cache orange,
Comme si elle était Mona Lisa.
Elle dissimule le regard,
Elle a l’écriture comme unique refuge protecteur
Elle a oublié le tracé des lettres
Et par elle Braque renaît après une mort,
Elle a oublié de me faire vivre à travers sa présence
Et j’ai retrouvé ma première histoire :
Celle d’une pierre de chagrin
Celle qui peut lancer un regard aux chats pour les faire s’exprimer
C’est une femme planétaire dont la poésie appartient à Babel
Deux étoiles au fond des yeux,
Et ses paroles incomprises ne sont interprétées que par les oiseaux.
Celui qui quand il t’a vu
Les angles aux quatre coins de sa chambre se sont arrondis
Comme des corps sortis sur-le-champ de la poésie des Anciens.
Que l’amour soit bref
La chair pénètre la chair
Pour que l’incandescence devienne aversion
Et pour se venger de la distinction des sentiments
Qui occupent une place inutilisée
Dans ce monde étouffé …
Toute chose s’étiole
Même la sexualité
Mais les images de la mémoire
Sont éternelles comme l’énergie contenue
Dans ses yeux
Enrobant les mots de chair
Entre battement de cils et repos
Comme une déesse qui tient la tour dans sa main gauche
Et dans la main droite le lait d’Ishtar.
Moi je cherche
A travers les mots
Ce que ma peau me dit
Quand passe l’empreinte laissée par ton parfum
Venu du passé
Fabriqué par des sentiments qui ne possèdent pas encore de nom.
Clôture
Cinq années de mensonges
Qu’un poème ne peut effacer
Mais la rose des roses
Pourrait ouvrir une porte
Pour cinq années à venir
Entre les roses du Temps.
Walid El-Khachab
Critique, traducteur et poète, Walid El-Khachab est né en 1965. Il est actuellement professeur des études arabes à l’Université de York, au Canada. Il a déjà publié la traduction de Prélude au poème oral, de Paul Zimtor (Charqiyat, 1999). Quant à l’écriture des poèmes, El-Khachab appartient à la génération littéraire des années 1990, celle qui a prôné pour un poème en prose qui mélange les détails du quotidien à l’Histoire, tout en gardant un ton moqueur et ironique. Il a publié son premier recueil de poèmes en 2000, Al-Mawta la yastahlekoune (les morts ne consomment pas), et Allati (celle qui est) en 2013, toujours chez Charqiyat.
Lien court: