En cherchant mon passage
Pour la découverte de soi
J’ai trouvé une clé qui brille
Entre des dents blanches
Mon cri est tombé à mes pieds
A cause de mes idées
Mes doigts étaient froids
Et loin du centre de ma volonté
Remplacé par un genre de douleur mystérieux.
Malgré cela, la douleur m’appelait,
Comme un acte de pénitence dans la solitude.
C’est alors que je devais arracher ma clé
Sans réveiller les dormeurs
Et convaincre l’âme enveloppée dans un drap épais
Que je suis mort également
Tout en m’étendant près d’elle
Pour vivre une vie qui ne m’appartient pas
Puis le passé me donnera sa clé
Pour une traversée vers une vie nouvelle
Entre deux puissantes mâchoires
Non pas comme un morceau mâché et craché,
Plutôt comme un mot,
Ou peut-être une phrase entière
Ou comme un individu libre
Sans signifier pour autant
L’humiliation des autres.
Mon frère,
Mon ami,
La révolution ne se produira jamais,
Sauf si les morts se réveillent,
Lorsque les temps sont embrouillés,
Et que nous entrons ou sortons,
Comme un jeu de cartes que l’on coupe
Nous tirons l’entame de notre passé
Comme une carte au début de la partie
Et ce n’est au fond qu’un jeu, tout le monde en est conscient.
Ce n’est pas grâce à notre présence hors de la soirée,
Mais parce que la lune sait,
Et le nuage qui fend la nuit,
La nuit détient à son tour le savoir
Sur la cruauté d’être seul
Sans chanson
Ou un pas dans un passage,
Ce pas serait-il au fond
Le bout d’une marche personnelle, vraiment ?
Ô mon ange
Comme un étudiant en compagnie d’une étudiante
Nous traversions le trottoir
En longeant le mur
Nos jambes étendues au soleil les pieds nus
Comme un matin de vacances.
Dans un vêtement court
Il y a quatre manches
Et quatre jambes,
On ne sait pas, ô mon ange, que faire de tout cela
Ni ce qu’en font les autres.
A nous les paroles
Les paroles
Qui avancent toujours dans le sens qui nous fait honte
Et on ne peut pas tendre les mains
Et leur dire que ce n’est pas la bonne direction
En vérité c’est une chose indésirable
Parce que, comment dire, nous savons à quel point cela est impossible
Cette chose-là nous enivre
Et fait sortir la pointe de la langue pour la passer sur le dernier morceau de chocolat.
Ô mon ange, laisse-les attendre
Au cinéma
Au jardin de l’amitié innocente
Dans cette maison qui s’appuie sur des regrets
Aux fenêtres gémissantes
Toi et moi, nous sommes complètement perdus
Comme un étudiant
Comme une étudiante
Nous posons l’index humide
En bas des pages des romans
Nous y lisons notre vie et nous pleurons
Parce que le coeur tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre.
Qui nous a rejoints ?
Le jeu de l’amour a pris la forme d’une locomotive,
On éternue,
Car nous sommes nerveux sous la fumée
Sentant qu’il y a une douleur aux freins
Deux visages hors de la fenêtre
Crient à chaque gare
Et les mouchoirs des adieux
Flottent haut et bas.
Ô mon ange,
Ô toi qui ressembles à un cartable rempli de devoirs
Que ma main balance
A chaque fois que je traverse une rue
En me demandant : Qui suis-je ?
Comme si j’étais toi sans savoir pourquoi.
Ta vie demeure sous mon oreiller,
Mes rêves sont empruntés,
Dans mon sommeil je tends les bras.
Viens à mon secours.
Mon Dieu, donnez-nous un livre à lire
D’une certaine manière
J’étais un professeur
D’une façon ou d’une autre
Je considérais que cela était une chose naturelle
C’est pour cela d’ailleurs que je m’inclinais
Face aux mots que je n’ai pas prononcés
Je transmettais leurs saluts à mes enfants
Essayant de leur expliquer qu’il est très important
Que chaque individu sache lire
Et se rappeler avec ses parents
Quand il jette ses chaussures sous le lit
Que le respect est admirable et difficile à atteindre
Sans les mots ils n’auront point d’avenir.
Toi-même papa tu te penches sur ton journal
Comme si un nuage passait au-dessus de ta tête,
Et quand je t’appelle
Je vois ton front
Estampillé de tristesse …
Il semble que la pluie y tombera là spécialement pour toi
Papa, il faut que tu lises,
Appelle maman aussi pour qu’elle lise,
Laisse le nuage passer sur nous tous tout en haut.
Mon Dieu,
Donnez-nous des livres à lire …
Des livres à l’odeur de colle
Les bords de leurs pages sont aiguisés comme des couteaux
Des livres
Qui laissent de la poussière sur nos visages et nous font tousser
Pour nous apprendre qu’au terme de la vie il y a la mort du tombeau
Des livres
Avec une dédicace sur la couverture signée par l’auteur vénérable
Adressée à un chef de service retraité
Des livres
Au grain de peau rasé de près et prêts à recevoir un soufflet
Et des livres qui aboient
Dans les marges
Pour des gens comme nous, amoureux,
Et comme nous ils sont devenus professeurs
Des livres ayant un aspect de tissu de chemises à fleurs
Au festival de la lecture
Des livres …
Et on urinait à leur gigantesque tronc d’arbre
Avant de continuer notre marche en marquant chaque pas
Hélas, hélas,
Parce que nous aussi, ô mon Dieu, nous sommes des livres
Errant aveuglément sur un lit d’amour
Hélas …
Parce que nous sommes bien serrés les uns contre les autres dans ta bibliothèque
Contemplant tes miracles
Tels des anges sur les murs.
Des perdants déchirent les documents de la Bourse.
Le désespoir des mains qui frappent
Et des mains blessées trouvent le sommeil sur les mêmes pages
Hélas,
Et un homme parmi d’autres crie : Que se passe-t-il là-bas ?
Des bureaux de présidents rangés selon la forme des oeuvres complètes.
Des serpents et des ours.
Des croix et des affiches placardées.
Une répugnance et un vieux pain rassis.
Un pêne résonne au loin,
Pourquoi mon Dieu l’avez-vous ouvert ?
Perdus dans les pensées, s’échappant sur des roues,
Perdus chez soi
Et dans les rues
Invisibles à tes yeux, imperceptibles pour nous,
Seuls face à nos chefs et à nos supérieurs
Qui sont seuls eux aussi.
Seuls avec ce verrou qui grince au loin
Pourquoi l’avez-vous ouvert, mon Dieu ? .
Mohab Nasr
Né à Alexandrie et vit actuellement au Koweït. Il compte parmi les écrivains ayant instauré le poème en prose en Egypte dans les années 1990. Son recueil de poèmes Ya Rab eiténa kétabane li naqraä (mon Dieu, donnez-nous un livre à lire) aux éditions Dar Al-Aïn 2012, est son second recueil. Il avait publié en 1999 Ann Yasraq al-taer aynayk (que l’oiseau pique tes yeux) aux éditions GEBO, dans une collection nommée Nouvelles écritures.
Malgré l’intervalle de temps entre les deux recueils, il a toujours publié des poèmes dans la presse littéraire, comme celui sur la révolution égyptienne, et des articles de fonds sur sa page Facebook, notamment un article sur la notion de l’Etat profond et l’Etat des Frères musulmans.
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