L’événement du 4 novembre 2010
C’était un jeudi. Je portais un vêtement noir, car 3 semaines seulement s’étaient écoulées depuis le décès de ma mère.
Je pénétrais dans le campus universitaire par le portail d’entrée. Je garais la voiture, comme à mon habitude depuis plus de 30 ans, à n’importe quelle place libre devant les bâtiments de la faculté des lettres ou de la faculté de droit qui la jouxte à droite en entrant, ou encore face à ces bâtiments en sortant. Cependant, contrairement à l’habitude, je n’entrais pas dans la faculté des lettres, en prenant l’ascenseur jusqu’au 4e étage où se trouvaient le département de langue anglaise, ainsi que les visages familiers des étudiants, de mes collègues professeurs, du personnel administratif du département et des plantons. Car je me dirigeais cette fois-ci vers le palais d’Al-Zaafaran, siège de l’administration de l’Université, et plus précisément, du président de l’Université et de ses adjoints, ainsi que du secrétaire de l’Université, de leurs directeurs de cabinet et des équipes du secrétariat. Devant le bâtiment, je rencontrais certains collègues, puis arrivèrent ensuite les autres professeurs des Universités du Caire et de Aïn-Chams — facultés de médecine, des sciences, des lettres et d’ingénierie — ainsi qu’un seul collègue de l’Université de Ménoufiya. Nous n’étions pas plus de 10, et apportions avec nous le texte du verdict de la Haute Cour administrative rejetant le recours introduit par le premier ministre, le ministre de l’Enseignement supérieur et celui de l’Intérieur contre une décision précédente de création d’unités de sécurité universitaires, ne dépendant pas du ministère de l’Intérieur, mais de l’administration de l’université. En effet, la Cour avait jugé que la présence des forces de police de façon permanente à l’intérieur des universités était en contradiction avec la Constitution et la loi d’organisation des universités. D’autant plus que cette présence portait atteinte à l’indépendance de l’université et à la liberté des professeurs, des étudiants et des chercheurs .
Al-Tantouriya
Quand ils occupèrent le village
Je n’ai pas entendu les bruits. Je dormais. C’est quand ma mère me réveilla que je les entendis. Je lui demandai ce que c’était. « Réveille Wissal et Abd, me dit-elle. Mets du fourrage au bétail pour deux ou trois semaines et beaucoup d’eau. Jette des graines aux poules, beaucoup de graines. Et le cheval, n’oublie pas le cheval. Surélève les bidons d’huile pour les protéger de l’humidité ; place un coussin entre le mur et chaque bidon. Mets trois couches d’habits, et Wissal aussi, et le garçon ». « Où sont mon père et mes frères? ». Elle ne répondit pas. Elle était occupée à rassembler des affaires à la va-vite. La mère de Wissal faisait la même chose. Nous nous retrouvâmes debout devant la maison. Je reposai la question. « Ils sont de garde, dit-elle. Ils nous rejoindront quand les choses seront plus claires ». Je lui demandai ce que voulait dire« quand les choses seront plus claires ». Elle ne répondit pas. Bizarre. Ma mère qui, d’habitude, se répandait en lamentations quand elle s’inquiétait pour ses deux fils qui étaient à Haifa, ma mère semblait devenir une autre femme. Elle donnait des ordres, s’affairait avec son petit troupeau, fermement, rapidement — même si je ne saisissais pas la logique de ce qu’elle faisait. Elle me chargea d’un demi-bidon de fromage, porta elle-même un bidon d’huile, et Oum-Wissal un bidon d’olives. Je ne comprenais pas, je demandai: « Tout ce fromage, toute cette huile, toutes ces olives, qu’est-ce que nous allons en faire?! ». Elle ne répondit pas .
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