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Prix de l’Etat : des choix surprenants

Sayed Mahmoud, Mardi, 01 juillet 2014

La cérémonie d'attribution des prix de l'Etat pour les lettres, les arts et les sciences humaines a réservé plus d'une surprise. Cette année, les critères semblent peu objectifs.

Prix de l’Etat : des choix surprenants
Le ministre de la Culture présidant la réunion de l'attribution des prix de l'Etat.

« Les prix de l’Etat en Egypte sont le reflet de ce qui se passe dans le pays ». C’est en ces termes révélateurs que s’est exprimé l’un des employés du ministère de la Culture, en commentant la liste finale des lauréats des prix d’Encouragement et d’Estime de l’Etat, ainsi que le prix de Distinction et le prix Al-Nil dans les domaines des arts, des sciences, des sciences sociales et de la littérature qui ont été attribués la semaine dernière.

La liste finale reflète le dilemme dans lequel vit la société, oscillant entre une ten­dance révolutionnaire, dont les revendications ont atteint un plafond très élevé, et une ten­dance officielle qui s’oppose à ces revendications. En d’autres termes, la liste était désordon­née et comprenait un certain nombre de surprises. Sur les réseaux sociaux, certains n’ont pas manqué d’exprimer des réserves concernant le choix des lauréats.

Tout le monde a applaudi le fait que les prix d’Encourage­ment de l’Etat soient décernés à la nouvelle génération de cher­cheurs et d’artistes avec des noms comme Hossam Nayel pour la traduction, Emad Hilal pour l’his­toire, Samia Naguib pour la critique théâtrale, Nesma Abdel-Aziz et Mahmoud Hanafi pour le décor.

Mais ces bonnes nouvelles ont été gâchées par d’autres pour le moins surprenantes. Ainsi, le prix du théâtre poétique a été attribué au poète sexagénaire Ezzat Al-Tayri, qui a dépassé l’âge de « l’encoura­gement ». L’ensemble de son oeuvre, publié l’année dernière par le minis­tère de la Culture, a fait l’objet d’une vaste polémique. Certains avaient remis en cause le mérite de l’auteur.

D’autre part, le prestigieux prix Al-Nil pour les sciences sociales, le plus richement doté (400 000 L.E.), a été décerné au « cheikh » Ahmad Omar Hachim, après une compéti­tion féroce avec l’éminent profes­seur en philosophie, Hassan Hanafi. Ceci pour confirmer que les inten­tions de l’Etat de se débarrasser des prédicateurs de l’Etat religieux ne sont que pure illusion.

Ahmad Omar Hachim a joué un rôle prépondérant lors des récents tumultes provoqués par les étu­diants azharis, et également lorsqu’il était président de l’Université d’Al-Azhar en pleine polémique sur le roman Festin des algues de mer de l’écrivain syrien Haydar Haydar. Cette polémique avait mis le minis­tère de la Culture dans une situation embarrassante, et a provoqué une grande polarisation entre les prédi­cateurs de l’Etat religieux et les adeptes de l’Etat civil.

Il semble évident que le vote au Conseil suprême de la culture était régi par des critères qui se rappor­tent au poids médiatique de la per­sonne plutôt qu’à sa compétence scientifique. Hassan Hanafi, fonda­teur du projet Un patrimoine en renouveau, est sorti de la course lors du vote au profit de Omar Hachim, qui faisait la prêche du vendredi à la télé et qui était l’un des fervents supporters de la dictature de Moubarak, grâce à ses célèbres fatwas religieuses. Il a été président de la commission des affaires reli­gieuses au Parlement pendant deux décennies.

Dans les coulisses, Hachim aurait demandé au poète Ahmad Abdel-Moati Hégazi de voter pour lui en lui disant : « L’année dernière, j’ai voté pour toi. Cette année, tu votes pour moi ».

Le même prix a été décerné dans le domaine des arts et des lettres à l’écrivain Edouard Al-Kharrat et au caricaturiste Ahmad Toughane, ce qui a un peu atténué l’impact négatif engendré par la consécration d’Ahmad Hachim, qui ne pos­sède quasiment aucune produc­tion dans son domaine de spé­cialisation, à savoir la science du hadith du prophète.

L’on s’attend à un retour du vétéran de la littérature arabe, Edouard Al-Kharrat sur le devant de la scène, après s’être éclipsé pour maladie. Al-Kharrat est lauréat du prix du roman arabe décerné par la fondation émiratie Eweiss et du prix égyptien du Conseil suprême de la culture. Le prix décerné au caricaturiste pion­nier qui travaille loin des pro­jecteurs, Ahmad Toughane, était, lui, une bonne nouvelle.

La liste des lauréats reflète la logique qui a régi l’attribution des prix, celle qui consiste à aider les lauréats malades ! En effet, on a l’impression que les prix ont été décernés pour aider certains lau­réats dans leur maladie. Le prix d’Estime de l’Etat de 200 000 L.E. (24 000 dollars) a été décerné au réalisateur Magdi Abou-Emeira et à l’artiste- peintre Ezzeddine Naguib, l’un des détracteurs de la politique de Farouk Hosni. Pour une raison inconnue, Sanaa Chafie, professeur à l’Académie des arts, a remporté le même prix dans les arts. Probablement à cause de ses rela­tions avec Fawzi Fahmi, ancien pré­sident de l’Académie des arts, qui a présidé le vote au Conseil suprême de la culture après la démission de son chef (voir encadré).

En littérature, les prix ont été rem­portés par le feu Ahmad Etman, professeur des études latines, le romancier sexagénaire Maguid Issac Toubia, qui a obtenu le prix en guise de soutien pour sa maladie, ainsi que le poète Mohamad Abou-Douma pour la même raison. Le prix d’Estime pour les sciences sociales est allé à Awatef Abdel-Rahmane, à l’historien Mahmoud Ismaïl, à la chercheuse dans le folk­lore populaire, Nabila Ibrahim, ainsi qu’au sociologue Ahmad Al-Fawal.

Le prix de Distinction d’un mon­tant de 100 000 L.E. est allé, dans les arts, au réalisateur hors pair Magdi Ahmad Ali, le 2e prix n’a pas été décerné. Dans les lettres, il est allé au poète Mohamad Farid Abou-Seada ainsi qu’à Samir Abdel-Baqi. Dans les sciences sociales, le prix est allé au professeur en psychana­lyse, Moataz Abdallah, Hassan Al-Saadi et à l’archéologue Mohamad Morsi Al-Kahlawi.

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