Installation de Nahed Nasr.
Les témoignages oraux ont sans doute un rôle non négligeable dans la construction de l’imaginaire. Dans les sciences sociales, ces témoignages sont essentiellement à base de récits de vie, de récits de carrière ou de récits de pratiques, obtenus par voie d’entretien. Dans cet esprit, le recours aux cassettes d’autrefois était une nécessité. Au milieu des années 1990, la révolution technologique, avec néanmoins la domination du numérique, a remplacé les cassettes audio et vidéo.
Dans l’exposition Kharaga Wal Mafroud Yaoud (il est sorti et doit retourner !), les cassettes audio/vidéo ressurgissent de nouveau. Elles ne véhiculent pas seulement des expériences personnelles, mais génèrent aussi des sources complémentaires d’informations sur les manières de penser, les sentiments, les aspects de la vie à une époque donnée.
Sont alors montrées des cassettes de chanteuses des années 1970 et 1980, telles Fayza Ahmad, Mayada Al-Hennawy, Nadia Moustapha, lesquelles côtoient d’autres envoyées par un père à sa femme et ses enfants, et vice-versa.
Malgré la pluralité des récits, l’exposition révèle une certaine homogénéité dans la manière dont les témoins se positionnent à l’égard de leur séjour. Ces récits mettent en évidence le fait que dans le passé, l’avenir était aussi incertain qu’il l’est aujourd’hui, qu’il régnait une incertitude sur les décisions à prendre et sur les actions à entreprendre.
Dans une petite salle, la cinéaste et critique Nahed Nasr a eu recours à une installation composée d’une télévision démodée sur laquelle est projetée une vidéo de 7 minutes et, à côté, des cassettes audio de chanteurs des années 1980, dont un album de musique pour enfants, interprété par le comédien Abdel-Moneim Madbouli. De prime abord, cette association semble insolite. « La télévision a joué un rôle important pour la génération née à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Je suis partie avec mes parents pour la Libye. C’était à une époque où les relations égypto-libyennes étaient tendues. Alors, on était toujours accrochés à la télé pour suivre les nouvelles et les discours des présidents », explique Nahed Nasr. « La mémoire personnelle se constitue à travers un environnement où le privé et le public se trouvent en intersection », précise Nahed Nasr, pour qui l’intérêt de l’anthropologie est de permettre de regarder en gros un événement, puis de faire un zoom sur les détails les plus minutieux. A travers sa vidéo, elle a réussi à mettre l’accent sur l’impact des accords de Camp David avec Israël sur la relation de l’Egypte avec les pays du Golfe. Et ce, à l’aide d’images intermittentes et de sons perturbés.
« Les cassettes audio et vidéo furent les médiums d’une époque, elles sont désormais remplacées par d’autres. C’est le contenu qui compte et non l’outil de transmission. L’important c’est de pouvoir conserver ces témoignages, au profit des générations à venir », conclut Nasr.
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