Al-Ahram Hebdo : Vous avez participé pour la première fois à la Foire internationale du livre du Caire, dans le cadre du programme professionnel Cairo Calling (l’appel du Caire). Selon vous, qu’est-ce que les éditeurs arabes ou égyptiens doivent prendre en considération, avant de proposer la traduction d’un livre de la langue arabe vers une autre ?
Ian Denison : J’ai participé pour la première fois au programme professionnel tenu en marge de la Foire internationale du livre du Caire, qui vise à créer une passerelle entre les différents éditeurs du monde. Et ce, dans le but de promouvoir l’industrie du livre, y compris le développement du champ de l’édition. On y a évoqué les droits d’auteur et de traduction, et cela aide à enrichir le marché égyptien, côté vente, édition et distribution. On y a discuté également des besoins des éditeurs étrangers, afin de traduire des livres de la langue arabe vers d’autres. Je pense que les agents des droits d’éditeurs étrangers recherchent des histoires à la fois originales et de large diffusion. Il va sans dire que les éditeurs étrangers recherchent un retour sur leur investissement sur le marché du livre, ils ont donc besoin de contenus commercialisables. Ils sont également intéressés de savoir s’il existe des subventions disponibles sur les traductions.
— D’après les discussions et les débats auxquels vous avez assisté, comment promouvoir l’ouverture aux autres cultures pour trouver le livre qui convient à chacune ?
— A mon avis, il faut absolument intensifier les contacts avec les éditeurs étrangers, qui savent parfaitement ce dont a besoin le marché du livre dans leurs pays. Cela mène à éliminer nombreux problèmes entravant une bonne traduction, telles les particularités culturelles de chaque nation. On dit de Naguib Mahfouz qu’il a fondé un art narratif arabe qui s’applique à toute l’humanité. L’essentiel est là je crois. Les livres, pour moi, ouvrent de nombreuses portes vers d’autres vies et vers d’autres cultures. Nous devons donc surmonter tous les obstacles, pour que les livres soient bien traduits d’une culture à l’autre et qu’ils circulent facilement entre les pays. La lecture renforce l’empathie et la tolérance permettant aux lecteurs d’élargir leurs connaissances et leur compréhension des autres cultures. L’un de mes slogans préférés est « Lisez jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucun étranger ». C’est le slogan inventé par Sharjah, aux Emirats arabes unis, lorsque l’émirat était sélectionné comme capitale mondiale du livre. Et j’y crois absolument.
— Y a-t-il eu des partenariats ou des accords signés lors de votre visite en Egypte, ou même une forme de coopération avec le ministère égyptien de la Culture ?
— Pour le moment, il n’y a aucune convention de coopération signée. J’ai été invité par le programme professionnel Cairo Calling, afin de participer à la Foire du livre 2022, de prendre part aux discussions et de rencontrer des éditeurs arabes. Je suis ravi d’avoir éffectué cette première visite et d’avoir fait connaissance avec les organisateurs de Cairo Calling. Cette visite m’a permis d’approcher le marché égyptien et arabophone. Je suis vraiment motivé et inspiré. J’espère revenir, élargir ma collaboration et développer davantage ma relation dans le cadre de ce programme, surtout avec le ministère de la Culture. C’est ce qui permettra de coopérer officiellement dans l’avenir.
— De votre point de vue, quelles sont les principales difficultés rencontrées pour traduire de/vers la langue arabe ?
— Je pense qu’il y a un manque d’infrastructures, notamment dans le domaine de la vente et de la commercialisation des droits des titres arabes (et de l’acquisition des droits étrangers). Il doit y avoir une collaboration plus forte dans le monde de l’édition arabe et plus de solidarité entre les communautés les plus riches et les plus pauvres.
— D’après votre expérience au sein d’une grande organisation culturelle, quelles sont les politiques d’édition accréditées par l’Unesco ? Existe-t-il des rapports sur le volume de publications dans la région arabe, voire les pays africains ?
— Les publications de l’Unesco mettent en lumière des projets, rassemblent des rapports d’une conférence ou synthétisent des recherches. Pour planifier une publication, on doit répondre aux questions suivantes: pourquoi publier ? (objectifs), pour qui ? (public cible), quoi? (contenu), des travaux similaires ont-ils été menés à l’Unesco ou en dehors de l’organisation? Existe-t-il des publications similaires? Quelle valeur ajoutée ce projet apporte-t-il? Les projets de publication doivent refléter les objectifs et les domaines de travail de l’ensemble de l’Unesco. Malheureusement, l’Unesco ne publie plus de statistiques sur les livres dans n’importe quelle région du monde. Et ce, vu les difficultés à rassembler les informations et les statistiques pertinentes de par le monde.
— La plupart des problèmes entre les différentes nations du monde sont nés d’une incompréhension ou d’un malentendu provoqué par les différences de cultures. Comment l’Unesco peut-elle intervenir pour mettre un terme à ce genre de problèmes ?
— Le mandat de l’Unesco est de construire la paix dans l’esprit des gens. L’Unesco possède de centaines de projets éducatifs et culturels pour développer la coopération internationale et encourager le dialogue interculturel. L’un des projets prioritaires est celui de faire revivre l’esprit de Mossoul, avec l’aide de financements internationaux, entre autres. Il ne s’agit pas seulement de reconstruire des sites patrimoniaux, mais de responsabiliser la population en tant qu’agents de changement impliqués dans le processus de reconstruction de leur ville à travers la culture et l’éducation.
— Quels sont les projets sur lesquels l’Unesco travaille actuellement ?
— Le secteur de la culture à l’Unesco étudie actuellement l’impact de la pandémie du Covid-19 sur l’industrie culturelle (https://en.unesco.org/covid19/initiative) et va publier, durant le mois en cours, l’initiative « Remodeler les politiques culturelles 2021 ». On travaille aussi sur les préparations de la Conférence mondiale de l’Unesco sur les politiques culturelles et le développement durable, Mondiacult 2022, qui aura lieu plus tard cette année en septembre, au Mexique. L’Unesco est également responsable de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, ainsi que du programme « Capitale mondiale du livre » l
Bio express
Après avoir effectué des études de droit à l’Université West of England, en Grande-Bretagne, en 1992, Ian Denison a commencé sa carrière à l’Unesco en 1995, en tant que chef de communication à l’Institut international de planification de l’éducation, jusqu’à 2005. Puis, il a occupé le poste de directeur de l’information publique à l’Institut de statistiques de l’Unesco, de 2005 à 2007. Ensuite, il est devenu chef de l’Unité de publications au sein de la même organisation, de 2007 jusqu’à aujourd’hui. Il a été également coordinateur de l’Unesco pour le programme Capitale mondiale du livre, pour la Journée mondiale du livre et celle du droit d’auteur.
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