Samedi, 15 février 2025
Al-Ahram Hebdo > Idées >

En écriture, l’union ne fait pas la force

Dina Kabil, Mercredi, 06 janvier 2021

Branchée, connectée et engagée, la génération Z excelle dans le business et le numérique. Qu’en est-il de la littérature ? Aura-t-elle une écriture qui lui ressemble ? Eléments de réponse.

En écriture, l’union ne fait pas la force
Le best-seller Ahmed Mourad.

L’idée de générations en matière de litté­rature a toujours représenté un point conflictuel. Car le concept de généra­tion réunit, en principe, des gens qui ont vécu à la même époque et qui ont des traits homogènes, tandis que la créativité, l’écriture, voire l’art, est, à son essence, contre toute homo­généité. L’on se demande souvent : est-ce que la GEN Z peut avoir certains traits en commun, du fait même qu’elle représente de vrais « Digital Natives » ? Non, répond l’écrivaine Mansoura Ezzeldine, parce qu’il faut attendre quelques années pour avoir assez de recul et pouvoir éva­luer la production littéraire d’un éventail d’au­teurs dont les plus âgés n’ont que 25 ans. Et ce, si l’on considère que la génération littéraire se définit non pas par l’année de naissance, mais par les événements, politiques et sociétaux, qui l’ont marquée et l’ont incitée à écrire. Cela s’applique par exemple à la génération d’écri­vains des années 1960 en Egypte, qui, elle, a été marquée par la défaite militaire de 1967 et la désillusion de « changer le monde ».

La GEN Z, quant à elle, est liée principalement à l’âge numérique, à l’arrivée du portable et d’Internet. Elle revêt, cependant, une particula­rité en Egypte, puisque cette génération a connu la Révolution du 25 Janvier 2011. Soulèvement populaire lié au Facebook, déclenché sur ses murs, il était attribué aussi à ses acteurs, ou « les jeunes du Facebook » !

Facebook, un mur salutaire

De là, il serait adéquat de parler de plateformes et non de récits litté­raires, à vrai dire, d’espaces pour s’exprimer, que ce soit Instagram, YouTube ou Facebook. Et s’il existe certains traits en commun en rapport avec l’idée de génération, en réaction à la réalité politique des soulève­ments arabes, ce sera principalement l’audace, le goût de la critique et l’imagination développée. Branchée devant l’écran du smartphone, cette génération est hostile au manuscrit, au papier et à la plume.

Ecrivain connecté de cette généra­tion, Ahmed Saber, auteur de Madinet Al-Ozla (la cité d’asile, éditions El Maraya), évoque la nature des textes écrits par la GEN Z. Reflètent-ils le goût d’un lecteur rapide, dynamique et impatient ? Des textes plus courts répondent-ils aux exigences de la rapidité et de l’impatience ? Saber trouve que cette génération cherche l’écriture à suspense, au rythme accéléré, que ce soit romantique ou roman d’horreur. « Cette génération est à la recherche de textes longs, pareils aux longs postes sur Facebook. On est en quête d’une lecture saccadée, qui incite à lire sans arrêt », insiste-t-il.

Ce même avis est partagé par l’écrivaine Arige Gamal, qui pense que les postes sur Facebook sont les plus fréquentés aujourd’hui ; de grandes plumes y ont parfois recours pour s’exprimer, tels Belal Fadl et Hossam Abou Zeid, et ce ne sont pas nécessaire­ment des textes courts, bien au contraire.

Abdel Rahman, né en 1998, trouve qu’il est difficile de parler d’une écriture litté­raire propre à cette génération en particu­lier. Il considère l’écrivain Ahmed Mourad comme représentant de la génération mil­léniale ou plutôt Z. Il maîtrise une écriture à suspense, remplie de mots crus ; si elle est lue par quiconque de la génération des Baby-boomers, elle serait difficilement appréciée.

Le mur, cet espace à la fois public et privé, devient aujourd’hui l’alternative possible de la presse. « Avoir recours au Facebook devient plus efficace, notam­ment avec la régression de la presse », affirme Arige Gamal. Et d’ajouter : « Notre génération ne trouve plus ce qu’elle cherche dans la presse, alors on compte sur Facebook pour écrire des textes journalistiques, littéraires, des poèmes ou juste quelques phrases, pour s’exprimer ouverte­ment, ne visant que d’être publié sur cet espace partagé par tout un chacun ».

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique