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L’urgence d’un islam modéré

Rasha Hanafy, Lundi, 22 juillet 2013

Face aux appels à la violence et au martyr lancés par des partisans de Mohamad Morsi, Al-Azhar fait figure de contrepoids modéré à même de renouveler le discours religieux.

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La réthorique à Rabea incite à la violence.

« Qui veut prendre son iftar chez Allah aujourd’hui ? », « Le djihad pour le retour du président Morsi ! », « Le messager Gabriel est ici à Rabea pour prier avec nous ». Ces slogans sont des exemples de propos jugés extrémistes par certains, des propos lancés par des intervenants sur l’estrade de Rabea Al-Adawiya.

Cette place de Madinet Nasr abrite le sit-in des partisans de Morsi depuis sa destitution. Outre ces déclarations cherchant à manipuler des milliers de jeunes sous « les lois » de la charia, on entend des affirmations selon lesquelles le prophète Mohamad aurait désigné Mohamad Morsi pour guider les musulmans dans leur prière !

Des personnes sans éducation religieuse lancent de fausses informations sur l’islam et le prophète Mohamad. Le discours religieux en est dangereusement affecté. Une confusion règne entre le discours d’Al-Azhar et les « cheikhs » des chaînes satellites islamiques.
De nombreux intellectuels et anciens responsables d’Al-Azhar lancent aujourd’hui un appel pressant à renouveler le discours religieux afin de corriger les fausses interprétations des enseignements de Dieu et du prophète.

« Nous vivons des moments critiques. Nous devons agir immédiatement. Les gens qui prétendent parler au nom de l’islam portent atteinte à cette religion. A l’époque de Mohamad Abdou, les études théologiques, notamment à Al-Azhar, étaient une obligation pour devenir cheikh. Aujourd’hui, les études théologiques n’ont plus aucune importance. Il suffit d’avoir de l’argent pour ouvrir une chaîne satellite et communiquer de fausses informations sur la religion », explique Zeinab Al-Khodeiri, professeur de philosophie copte et musulmane à l’Université du Caire.
Selon elle, « le message de la religion doit être communiqué par des hommes de religion formés par Al-Azhar. Nous avons besoin de changer le discours religieux. S’il faut maintenir l’essentiel du message religieux, ils faut changer les méthodes de communication pour s’adapter à notre temps ».

Pour de nombreux spécialistes et intellectuels, une nouvelle interprétation modérée des principes religieux, des versets du Coran et des paroles du prophète Mohamad est devenue une nécessité incontournable. La société égyptienne aurait besoin d’un renouvellement du discours religieux sur toutes les questions qui touchent à la vie quotidienne.

Une modération saluée

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La réthorique à Rabea incite à la violence.


L’échec des Frères musulmans souligne en effet un certain rejet d’une gestion du pays « au nom d’Allah ». Et les appels à l’extrémisme sont largement dénoncés. « L’Egyptien est de nature modérée. Il est d’une nature qui rejette l’extrémisme. Les cheikhs qui parlent de violence et de sang, comme Qaradawi, nuisent à l’islam. Depuis leur arrivée au pouvoir, les Frères musulmans ont montré que l’islam est une religion violente, hostile à la femme et à la démocratie », assure Gamal Ghitani, écrivain. Pour Ghitani, « la solution réside dans la domination de l’islam modéré représenté par Al-Azhar dans tous les aspects de notre vie ».
Al-Azhar s’intéresse depuis des décennies à cette question du discours religieux. A la fin des années 1990, le ministre des Waqfs Mahmoud Hamdi Zaqzouq faisait délivrer des cours de formation aux imams et aux cheikhs, dans le but de renouveler le discours religieux.
« Nous devons reprendre ces formations dans tous les gouvernorats. Ceux qui prétendraient parler au nom de l’islam et expliquer les paroles de Dieu aux gens sans avoir une base théologique nécessaire devraient être arrêtés pour usurpation d’identité de prédicateur. Seuls Al-Azhar et ses facultés devraient former les prédicateurs », estime aussi Omar Al-Dib, ancien sous-secrétaire d’Al-Azhar et membre de l’Académie de recherches islamiques.
Le niveau d’instruction des personnes ciblées, leur environnement et l’évolution de la société doivent aussi être pris en considération. L’imam Al-Chaféï avait par exemple modifié ses fatwas émises en Iraq une fois arrivé au Caire. La justification qu’il avait donnée à l’époque était simple : Le Caire est diffèrent de Bassorah, et les règles à suivre ne sont donc pas les mêmes.
Aujourd’hui encore, nombreux sont ceux qui appellent à un renouvellement de l’enseignement islamique. Un enseignement que beaucoup souhaitent voir passer par Al-Azhar.

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