Al-ahram hebdo : Vous venez d’arriver en Egypte. En quoi consiste votre mission ?
Mgr Nicolas Thévenin: Cela fait un peu plus d’un mois que je suis arrivé. J’ai eu un accueil très chaleureux et j’ai été tout de suite reçu par les évêques à leur assemblée, quelques jours après mon arrivée. C’est la première fois que je viens en Egypte. C’est un pays qui a été marqué par Dieu, et honoré par Jésus qui s’y est réfugié pendant plusieurs années. En plus, c’est un pays qui a une grande civilisation et une grande histoire, et, encore mieux, il a une Eglise chrétienne et catholique qui existe depuis des siècles. J’espère pouvoir monter le mont Sinaï, voir les lieux où sont descendues les Tables de la loi et visiter aussi le parcours de la Sainte Famille. Je vais aussi visiter les communautés au Caire et ailleurs. J’ai l’intention de voyager. Je vais voir si je peux prendre quelques leçons d’arabe pour communiquer avec les gens qui ne parlent ni le français ni l’anglais. Le but c’est de savoir ce que font les communautés de près. J’aimerais connaître aussi les oeuvres, tout ce qui se fait pour les personnes démunies, pour les enfants, pour les orphelins, pour les hôpitaux. Au nom du Saint-Père, je voudrais mieux connaître l’Egypte. Je vais d’abord visiter les communautés catholiques, puis ensuite les autres communautés chrétiennes et musulmanes dans la mesure du possible et établir de bonnes relations avec elles. Je vais travailler en vue de rapprocher les différentes communautés. Ensuite, j’aimerais manifester la sollicitude à toutes les personnes pauvres, pas seulement au sens matériel, mais les malades, les orphelins et les personnes qui ont des besoins, manifester cette présence du Saint-Père et celle de l’Eglise, qui est très importante. Je veux être quelqu’un qui crée des ponts, me mettre en relation avec les autres pour voir des personnes de bonne volonté et d’horizons différents. Je voudrais aussi renforcer les relations avec les autorités civiles et officielles qui jouent un rôle important pour le maintien de la paix. Donc, mon profond désir c’est de connaître, visiter et appuyer tout ce qui est en faveur du développement et de la paix et en faveur de l’harmonie entre les personnes. Il faut toujours avoir le coeur ouvert et être disponible en connaissant bien notre identité et notre rôle, et avoir cette capacité de dialogue.
— Il y a donc beaucoup de travail à accomplir …
— Oui, justement, le travail de proximité est très important. Nous voulons que les gens se sentent proches, qu’ils se sentent aimés et qu’ils font partie de l’Eglise. C’est vraiment fondamental. Le rôle du nonce c’est justement de manifester l’appartenance à l’Eglise et la sollicitude de l’Eglise et du pape pour tous.
— Quelle est la vision du pape François pour la paix dans le monde ?
— Le pape se rend compte qu’il y a des facteurs d’instabilité qui se multiplient dans le monde et qu’il y a de plus en plus de divisions internationales. Il nous invite à retrouver l’Evangile et à donner le bon exemple. Il nous invite aussi à être bons. Il est important d’affirmer notre foi, mais nous devons aussi la vivre. Dans l’Eglise, il y a beaucoup de biens et le pape François nous demande de « bien les gérer ». C’est un message qui revient souvent chez lui et qui est fondamental. C’est l’argent des pauvres et qui doit être dépensé pour les pauvres. Il faut que l’on fasse tout ce que l’on peut pour manifester la charité de Dieu. C’est un aspect de chaque témoignage que nous devons donner dans notre travail, dans notre vie, dans notre famille.
— En Egypte, pays d’Al-Azhar, 85% de la population est musulmane, et les relations entre le grand imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb, et le pape François sont excellentes. Comment voyez-vous le document sur la fraternité humaine signé par Al-Azhar et le Vatican (voir encadré) ?
— Un point important de ma mission est de maintenir et de faire fructifier ce dialogue qui émane de l’empathie naturelle qui existe entre le Grand-Imam et le Saint-Père. La nécessité du dialogue c’est cette nécessité de se connaître davantage et d’oeuvrer par l’intermédiaire de ce dialogue pour la paix et la coexistence, mais aussi de travailler pour le bien commun. Et, je pense qu’il est très important de créer des ponts, et non pas des ruptures, pour se connaître, changer les mentalités et éliminer les préjugés. Et à partir d’ici, de voir comment, ensemble, on peut oeuvrer pour le bien commun. Il y a ce désir d’aller à la rencontre de tous. Je suis là pour continuer ce dialogue. Au Caire je suis représentant du Saint-Siège, du Saint-Père et de l’Eglise catholique, mais je représente aussi l’Eglise à la Ligue arabe, ce qui donne une dimension universelle au dialogue.
— Comment peut-on développer ce dialogue ?
— Il y a beaucoup de personnes qui participent à ce dialogue, et qui sont capables vraiment de l’entretenir. Il y a d’abord la communication directe, puis il y a aussi le fait de participer aux événements qui s’organisent. Pour aimer, il faut « connaître ». Et souvent, c’est une question d’apprendre, de se connaître pour pouvoir s’apprécier. Certes, il y a des différences, ça c’est sûr, mais la connaissance des personnes est la base de la fraternité universelle. Finalement, on est tous fils de Dieu et l’on possède ce point fondamental en commun qui nous appelle et qui nous invite à dialoguer. Dialoguer veut dire connaître l’Autre et l’apprécier. Cela est fondamental.
— Il y a plusieurs communautés chrétiennes en Egypte même étrangères. Y a-t-il un dialogue avec ces communautés ?
— Oui, l’Egypte reçoit beaucoup de réfugiés des pays voisins, comme le Soudan, l’Erythrée et l’Ethiopie, par exemple. Il faut souligner ce concept de « l’accueil » parce qu’en réalité, l’Egypte accueille plusieurs millions de réfugiés ou de personnes qui sont en transit. L’Egypte, qui a accueilli la Sainte Famille, poursuit simplement sa tradition. Les Egyptiens sont un peuple pacifique qui a cette capacité d’ouvrir ses bras. Et à part les communautés catholiques, il est impératif de continuer à dialoguer avec les autres communautés, comme la grande communauté copte orthodoxe, qui est la plus grande communauté chrétienne de la région arabe. Elle est très ancienne et possède une grande histoire. La visite du Saint-Père en Egypte et sa rencontre avec le pape Tawadros II, puis la visite du pape Tawadros II à Rome ont fortement contribué à ce que les deux Eglises se connaissent davantage et à ce qu’elles travaillent dans le même sens.
Nicolas Thévenin,
un quart de siècle au service du Saint-Siège
Mgr Thévenin est né le 5 juin 1958 en Haute-Marne, a été ordonné prêtre en 1989, il travaille pour le service diplomatique depuis le 1er juillet 1994. Il a notamment travaillé en Inde, en République démocratique du Congo, en Belgique, à Cuba et en Bulgarie, avant de revenir à Rome en 2005.
En 2010, il est élevé au rang de protonotaire apostolique et rejoint la Préfecture de la Maison pontificale. En janvier 2013, il fera partie des derniers évêques ordonnés par Benoît XVI, qui le nomme alors nonce apostolique au Guatemala.
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