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En route vers le retour du roi ?

Alban de Ménonville, Mardi, 16 juillet 2013

« Coup d’Etat démocratique » comme l’affirme Mounir Fakhri Abdel-Nour, dirigeant du Wafd ? En termes de changement de régime, il faudrait plutôt parler d’une ochlocratie succédant à une démocratie à peine née et tout de suite dégénérée, si l’on en croit Polybe (203 av. J.-C.) et Rousseau.

L’ochlocratie, c’est-à-dire le pouvoir de la foule (okhlos en grec). Dans cette forme de gouvernement c’est la foule qui dirige, qui impose ses choix. Reste à les appliquer comme semble avoir fait l’armée en démettant Mohamad Morsi après avoir démis Hosni Moubarak, suite à de vastes manifestations.

Si le terme ochlocratie a toujours pris des connotations péjoratives, c’est que la foule n’est pas une entité réfléchie ou pondérée. Elle est influencée par des acteurs internes, manipulée dans l’intérêt de certains. Dans la foule, il y a des leaders, qui en l’occurrence volent haut dans le ciel avec de grands drapeaux. L’ochlocratie c’est le pouvoir de ceux qui se montrent, de ceux qui crient pour prouver qu’ensemble ils sont plus forts. L’intérêt commun est exclu de cette notion. Il faut parler d’intérêt de groupe et certainement pas de l’intérêt général de la nation qui, lui, nécessite sagesse et réflexion.

L’ochlocratie est une forme de démocratie en perdition, de démocratie chaotique où les règles communes acceptées par le peuple (comme la Constitution ou le système électoral) sont défaites par la volonté d’une foule dans toute sa spontanéité. Dans l’excellent L’Art politique chez Machiavel de Gérard Colonna d’Istria et Roland Frapet, les auteurs notent qu’elle est la dernière des six stades de régimes politiques qui, selon Polybe, se succèdent toujours. Après la monarchie vient la tyrannie, l’aristocratie, l’oligarchie, la démocratie et enfin l’ochlocratie.

Mais, disent les auteurs, « il n’est pas impossible de concevoir que de l’ochlocratie surgisse spontanément un roi qui maîtrise la populace et restaure l’ordre et la vertu ». Un autre cycle débuterait alors. Personne ne sait cependant si, pour Polybe, un général pourrait faire office de roi. Chez Rousseau, l’ochlocratie c’est, comme on peut le constater jour après jour, une démocratie sans règle ni morale où le bien commun n’est autre que les aspirations passagères d’une foule en liesse oubliant, entourée de la multitude de ses pairs, qu’elle ne représente pas la nation tout entière. C’est le dernier et pire stade naturel de l’évolution politique, le stade d’une démocratie dégénérée avant la reprise, elle aussi naturelle pour Polybe, du premier stade : le retour du monarque.

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