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L’univers intime de l’écrivain

Dalia Chams, Mardi, 08 octobre 2019

Une exposition regroupant les objets personnels d’Ehsan Abdel-Qoddous s’est tenue à Al-Gouna, durant son festival de cinéma.

L’univers intime de l’écrivain
Son bureau exposé à Al-Gouna.

On est bien loin de l’amour débordant des selfies. L’écrivain et jour­naliste Ehsan Abdel-Qoddous appartient à une autre époque, celle des portraits à l’huile signés par des maîtres incontestés du genre tels Ragheb Ayad et Salah Taher. Pour célébrer son centenaire, le Festival du film d’Al-Gouna a organisé, durant sa tenue, du 19 au 27 septembre dernier, une exposition montrant une remarquable collection de ses objets personnels. On pouvait y trouver des photos-souvenirs, des por­traits de famille, des épreuves, des manuscrits, des lettres échangées avec les siens, les affiches de la plupart de ses films, ses lunettes, ses certificats d’étude, son passeport, sa carte de visite toute simple … Et ce, sans oublier ses outils quotidiens : encrier, stylos, notamment un stylo plume en or délavé.

Bref, un morceau de l’intimité de l’immense écrivain était offert au public, qui avait le droit de connaître ici l’écrivain de manière différente. Car ce genre d’exposition crée un lien plus élargi avec les lecteurs. Ainsi, des objets totalement banals, que tout le monde peut avoir chez soi, sont parfois vendus aux enchères pour une fortune, car ils ont appar­tenu à des gens célèbres. La famille de Abdel-Qoddous connaît parfaite­ment la valeur historique notoire de ces objets qu’ils ont gardés depuis la mort de leur aïeul, en janvier 1990. Ceux-ci ne concernent pas uniquement leur père, mais aussi leur grand-mère paternelle, Rose Al Youssef, qui a fondé le maga­zine qui porte toujours son nom.

Le bureau de bois foncé

Pour se rapprocher de l’espace physique où il rédigeait, imaginait ses personnages, retouchait ses oeuvres, on a exposé le bureau de l’écrivain. Bourgeois, ce meuble de bois foncé ainsi que sa chaise de couleur vert forêt engendrent un esprit élégant et un sentiment de calme. Tout est dans l’ordre. Respire le confort. Ils don­nent une idée de ce qu’a été sa maison, alliant simplicité et raffinement. Tout était pensé, rien n’était laissé au hasard, dégageant cependant une chaleur humaine.

Souvent le bureau d’écrivain correspond à un espace mental dégagé des soucis, un endroit où il se sent en sécurité pour pouvoir écrire et parvenir à un état qui s’approche du vide où les idées naissent. Cette notion de sécurité a une immense importance pour le cerveau, affirment les spécialistes. Car le cerveau aime la sécurité. Or, écrire un livre, un roman ou de la poésie est considéré, pour lui, comme une prise de risque. Il faut donc se sentir à l’aise, afin de déclencher en soi une émo­tion agréable, créer un lieu d’ancrage, ou « créer ta chambre à toi », comme l’appelait Virginia Wolf.

Sur ce plan, on avait l’impression qu’Ehsan Abdel-Qoddous se sen­tait très bien dans son royaume, avec son épouse Loula et ses fils, Mohamad et Ahmad. Il avait même gardé le gobelet en métal dans lequel il buvait lorsqu’il a été jeté en prison sous Nasser, avec la date dessus, entre avril et juillet 1954. Une statue placée juste à côté rap­pelle également cette expérience de détention, on y a inscrit le nom de la prison : Qaramidane ! De même est exposé l’article, publié dans l’hebdomadaire Rose Al Youssef le 22 mars 1954, qui lui a attiré les foudres de Nasser. La manchette était la suivante : « Le cercle secret qui gouverne l’Egypte », et l’article expliquait que les ministres « civils » ont démissionné en signe de protestation, car ils avaient l’impression d’être pris en otage par ce cabinet ministériel.

Cela n’empêche qu’en avançant davantage dans l’exposition, on découvre les trophées qu’a reçus l’écri­vain. Nasser lui-même lui a accordé l’une des ultimes décorations décernées par l’Etat égyptien : le premier ordre du mérite, pour ses efforts dans le domaine de la presse.

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